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À Francfort, une dernière étape du chemin synodal allemand sous haute tension

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dpa Picture-Alliance via AFP

Mgr Georg Bätzing, président de la Conférence des évêques d’Allemagne.

Camille Dalmas - publié le 08/03/23

Alors que la dernière étape du "chemin synodal" allemand s’ouvre à Francfort ce jeudi 9 mars, le long processus engagé en 2019 par l’Église en Allemagne inquiète à plusieurs égards le Vatican. Explications.

Du 9 au 11 mars se tiendra à Francfort la dernière étape du “chemin synodal” allemand, un long processus lancé en 2019 pour répondre à la crise que traverse l’Église catholique en Allemagne, notamment celle des abus, et qui suscite aujourd’hui une grande inquiétude à Rome. Le Saint-Siège a demandé aux évêques allemands de revoir leur copie, mais ces derniers semblent vouloir faire aboutir leurs projets de réformes “coûte que coûte”.  

Pour comprendre ce qui va se jouer les jours prochains Outre-Rhin, il faut revenir à la genèse de ce chemin synodal. Le 25 septembre 2018, l’épiscopat allemand annonce qu’un rapport indépendant sur les abus commis dans l’Église catholique en Allemagne portant sur les 50 dernières années avait dénombré 3.677 victimes.

C’est pour répondre au scandale et à l’indignation suscités par cette enquête que les évêques allemands décident, en mars 2019, d’initier un “chemin synodal” national. Ils annoncent vouloir se pencher sur quatre thèmes qu’ils considèrent comme étant à la racine de la crise des abus, de la sécularisation et de la baisse des vocations dans leur pays : la question du pouvoir dans l’Église, la morale sexuelle, la vie sacerdotale et la place des femmes. Le format de consultation ecclésiale créé pour cette occasion, le “chemin synodal” – et non un synode “classique” leur permet d’agir en pleine indépendance de Rome et de faire participer des laïcs aux votes.

Ne pas se conformer à “l’esprit du temps”

Le 29 juin 2019, le pape François publie une lettre d’encouragement adressée aux Allemands, dans laquelle il émet néanmoins une importante réserve : la démarche synodale initiée ne doit ni viser un simple “changement structurel, organisationnel ou fonctionnel”, ni se conformer à “l’esprit du temps”. Même si la Curie s’inquiète du format choisi – le cardinal Ouellet considérant que le chemin synodal est “ecclésiologiquement non-valide” – et que quelques évêques allemands tentent d’infléchir la ligne envisagée, le processus est lancé le 1er décembre 2019 à Munich. 277 membres sont nommés : les 62 évêques allemands, des membres laïcs élus du ZDK – le Comité central des catholiques allemands – et des représentants des organisations catholiques allemandes.

Un processus “élitiste” selon le Pape

Dès la première session du chemin synodal, en janvier-février 2020, puis, de façon plus évidente lors des rencontres suivantes – seconde session en septembre-octobre 2020, troisième en février 2022 et quatrième en septembre 2022 – se manifeste une forte volonté de la part des participants de pousser l’Église à une réforme structurelle. Les textes d’action adoptés appellent à une plus grande démocratisation de l’Église, avec la création de conseils synodaux à l’échelle nationale et diocésaine, à la participation des laïcs à la nomination des évêques, mais aussi à l’ordination des hommes mariés et des femmes, à la bénédiction des couples homosexuels, à la modification du catéchisme sur l’homosexualité ou encore l’intercommunion avec les protestants.

Ces annonces sont critiquées à Rome, mais aussi par des conférences épiscopales comme celles de Pologne ou d’Europe du Nord. Certains ont évoqué un risque de “schisme”, qu’a réfuté vigoureusement la conférence des évêques d’Allemagne. Le pape François, sans intervenir directement, fait comprendre qu’il désapprouve le déroulement du chemin synodal allemand lors d’entretiens avec la presse, critiquant en particulier la nature “élitiste” du processus. Ces tensions se sont finalement cristallisées en novembre dernier lors de la visite ad limina des 62 évêques allemands à Rome.

Une réunion “interdicastérielle” au format inédit est alors convoquée, avec la participation des évêques allemands et des responsables de la Curie, mais sans le Pape. Pendant celle-ci, le cardinal Marc Ouellet, alors préfet du dicastère pour les Évêques, a des mots très durs à l’encontre du chemin synodal allemand, demandant un moratoire sur certaines annonces. Le président de la Conférence des évêques d’Allemagne (DBK), Mgr Georg Bätzing, ferme cependant la porte à toute intervention de Rome, expliquant qu’il se sent tenu de porter à leurs termes les revendications suscitées par le chemin synodal.

“Des choses qu’on ne peut pas voter”

Quelques semaines plus tard, le cardinal Ouellet, le cardinal secrétaire d’État Pietro Parolin et le cardinal Luis Ladaria Ferrer, préfet du dicastère pour la Doctrine de la foi, envoient un courrier approuvé en forme spécifique par le Pape dans lequel ils interdisent toute création de conseil synodal, une institution démocratique voulue par le chemin synodal allemand. Celle-ci, selon Rome, remettrait en cause l’autorité même de l’épiscopat. Malgré cette intervention, la volonté de créer ce conseil synodal semble rester intacte en Allemagne.

“Les Allemands souhaitent mettre en route des choses sur lesquelles on ne peut pas voter”, s’inquiète-t-on à Rome. Du côté de la DBK, on veut avancer “coûte que coûte sur la voie du Conseil synodal”, confie un proche collaborateur.

À quelques jours de la cinquième et dernière session du chemin synodal, les tentatives de résolution ont pour l’heure échoué, et la tension n’est pas retombée. Lors de la récente assemblée de la conférence épiscopale des évêques allemands, Mgr Georg Bätzing a même ouvertement critiqué un discours du nonce apostolique, alors que ce dernier citait le pape François. À Rome, tous les regards seront donc tournés vers Francfort du 9 au 11 mars. 

Tags:
AllemagneÉgliseSynode
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