"Nous étions devant la porte et les gens ont commencé à courir vers l’église pour se protéger (…). Certains sont arrivés pieds nus, d’autres en pyjama, il faisait très froid et il pleuvait. Après une seconde secousse l’après-midi, une nouvelle vague de personnes est venue se réfugier ici." Frère Khukaz Mesrob est curé de la paroisse catholique latine Saint-François, à Alep. Le frère franciscain a vécu de plein fouet le séisme de magnitude 7,8 qui a frappé la Syrie comme la Turquie, et fait à ce jour au moins 42.000 morts. Si Damas, la capitale, a été épargnée par la catastrophe, Alep a subi de graves dommages matériels, qui sont venus s’ajouter aux destructions massives provoquées ces dix dernières années par la guerre. De nombreuses infrastructures et logements se sont ainsi effondrés avec les secousses, privant plusieurs milliers d’Aleppins de foyer.
Au couvent des frères, l’un des trois lieux de présence franciscaine à Alep, les salles de réunion et de catéchisme ont été rapidement transformées en dortoir, et l’église en refuge ouvert à tous. "Nous avons passé notre temps à accueillir du monde, de sorte que pendant les trois premiers jours, nous n’avons pas eu le temps de dormir. Nous sommes restés avec ceux qui avaient peur ; ils ne voulaient pas rentrer chez eux", témoigne frère Khukaz. Depuis le 6 février, le jeune franciscain d’origine syrienne, ordonné prêtre en août dernier, se rend présent à chacun par un mot de réconfort, la distribution d’un repas, ou encore une prière.
"La main de Dieu est avec nous dans cette crise"
Quelques jours après le séisme, les franciscains ont reçu l’aide d’un groupe de jeunes chrétiens de la paroisse, venus aider pour organiser l’accueil des réfugiés, la distribution des repas ou encore le tri des vêtements et dons de nourriture. "La présence de ces jeunes est une consolation et une aide pour nous. Nous aidons ensemble, nous prions ensemble et nous travaillons ensemble. Les réfugiés sont d’ailleurs impressionnés par leur générosité, leur esprit d’espérance, leur prière et leur force", affirme encore frère Khukaz. Parmi eux, Nadine Khoudary, 30 ans, éducatrice et responsable d’un groupe de scouts de la paroisse. "Le couvent des frères est un havre de paix, qui accueille notre peur, notre fatigue et notre faim", raconte-t-elle. "Nous sommes prêts à donner le meilleur de nous-même pour aider chacun à surmonter ce traumatisme. Les habitants d'Alep ont besoin de tout pour reconstruire leur corps et leur esprit, mais la main de Dieu est vraiment avec nous dans cette crise."
Reconstruire
Dix jours après le début du séisme, seuls quelque uns des 4.000 habitants d’Alep en situation de détresse ont pu regagner leur logement. D’autres sont allés s’installer au Terra Sancta College, un autre établissement franciscain situé à l’ouest de la ville. Les frères mobilisent à présent toute leur énergie pour entamer le plus rapidement possible la phase de reconstruction. "Nous avons envoyé des ingénieurs et des architectes pour évaluer l’état des logements : quelle maison doit être abandonnée, quelle maison est réparable ? Nous organisons également un soutien psychologique car beaucoup de gens ont peur de retourner dormir chez eux", témoigne frère Khukaz.
Une opération compliquée par plusieurs répliques du séisme, qui continuent de frapper la région. "Le matin du 16 février, par exemple, nous avons ressenti une nouvelle secousse particulièrement forte et tous les gens sont sortis de leurs maisons effrayés, avant de venir se réfugier au Terra Sancta College", relate le frère Samhar, présent sur place. "La maison est censée être ce lieu de refuge pour chacun. Or actuellement, c’est le contraire qui se produit. Tout le monde craint de vivre un nouveau tremblement de terre chez soi."
La Custodie de Terre sainte – l’institution représentative de l’Ordre franciscain dans la région – a d’ores et déjà lancé une campagne de collecte de fonds pour assurer les biens de premières nécessité aux habitants. En France, la Custodie de Terre Sainte est partenaire de la Fondation François d’Assise, qui collecte actuellement les dons de particuliers.