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Le mobilier liturgique de Notre-Dame sera-t-il sculpté dans la langue de bois ?

NOTRE-DAME-PARIS

JOEL SAGET / AFP

James Haggerty - publié le 06/02/23

Journaliste et écrivain, James Haggerty commente sans détours la présentation faite début janvier par le diocèse de Paris de la sélection des cinq artistes et designers invités à présenter des projets pour la réalisation du futur mobilier liturgique de la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Le 3 janvier dernier, le diocèse de Paris a publié un communiqué indiquant que “l’évêque”, “après avoir reçu l’avis du Comité artistique”, a sélectionné cinq artistes et designers parmi ceux ayant été invités à candidater pour la première phase de la consultation. Derechef, il invite ces cinq élus à lui présenter leur projet pour la conception et la réalisation du mobilier liturgique de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Parmi eux – toujours après avoir reçu l’avis du comité –, il choisira l’artiste lauréat et annoncera son nom à l’été 2023. L’introduction du communiqué rappelle que “la consultation porte sur les cinq éléments essentiels du futur mobilier liturgique de la cathédrale : l’autel, l’ambon, la cathèdre, le tabernacle et le baptistère“. Elle rappelle encore les critères qui seront déterminants dans le choix de l’archevêque. Ces critères n’appellent aucun commentaire particulier, sinon qu’ils sont bienvenus. 

Vient ensuite une “brève présentation des artistes retenus”, et c’est en cette présentation que le communiqué pose question. Précisons d’abord que le lecteur ne sait pas à qui attribuer cette présentation. On se doute que telle ou telle phrase est reprise du dossier de l’un ou l’autre des lauréats. Mais comme les guillemets ne sont jamais employés, on peut légitimement supposer que le contenu de cette “brève présentation” est globalement assumé par le Comité artistique et par son président, l’archevêque de Paris. Nous devons avouer qu’à la lecture de cette présentation des cinq artistes, nous n’avons pu nous empêcher, dès les premières lignes, de lever un sourcil étonné, jusqu’à nous gratter compulsivement le menton après une lecture complète. Voici les trois causes principales de notre perplexité :

La foi catholique est-elle une croyance ?

Premièrement, aucun des lauréats n’est présenté ni situé par rapport aux quatre excellents critères de choix pourtant qualifiés de “déterminants” dans l’introduction. Ni même par rapport à seulement l’un quelconque de ces critères. Cependant, les cinq lauréats sont à l’envi présentés et situés par rapport à des critères étrangers à ce qui est en cause, exemple : “elle [l’une des artistes] conçoit des objets fluides et légers conçus comme des activateurs d’imagination”. On a du mal à voir en quoi un autel ou un baptistère aurait à se comporter comme un activateur d’imagination… Autre exemple : “son travail explore les notions de croyances et de rituels”. À juste raison quand on se situe dans une cathédrale, les critères parlent de “la foi catholique” et non de croyances. Et la présentation de mettre en avant : “les arts premiers”, “le site des bouddhas de Bâmiyân”, “la destruction d’œuvres archéologiques en Arménie”, etc. Pour éviter les procès d’intention, nous précisons que dans d’autres contextes, nous savons apprécier les arts premiers, les Bouddhas de Bâmiyân et les trésors archéologiques d’Arménie.

Deuxième cause de notre perplexité, l’emploi récurrent de la langue de bois. Plus précisément de la langue de bois employée par les artistes contemporanéistes pour masquer les limites de leur minimalisme sous une couche d’intellectualisme abscons. En voici trois exemples : “Intéressé par les formes et les usages qui font le ferment de notre humanité, les réalisations de Guillaume Bardet portent la trace sensible de leur créateur, tout en atteignant un caractère hors du temps” ; “Pascal Convert s’attache à mettre en exergue le pouvoir symbolique des images et interroge leur dimension politique, esthétique et culturelle” ; “Son travail explore les notions de croyances et de rituels, puisant dans cet infra mince qui lie le monde terrestre à celui des mystères qu’il tente de saisir, afin de révéler et de matérialiser l’invisible qui nous entoure.” Comme dirait le roi Loth d’Orcanie dans Kaamelott : “Bon, cela ne veut absolument rien dire, mais ici, c’est assez dans le ton.”

Une erreur éliminatoire

Enfin, on trouve aussi quelques erreurs, bien-sûr, par exemple : “[…] pour la création d’œuvres spirituelles dans un dialogue incessant entre l’héritage iconographique judéo-chrétien et l’influence des arts premiers sur l’art occidental contemporain.” On peut parler, à la rigueur, de civilisation judéo-chrétienne, mais on ne peut d’aucune manière parler d’ “iconographie judéo-chrétienne” et ce, pour la raison suffisante que la Torah interdit la production des images. 

Ceux qui prétendent lui redonner son mobilier liturgique, n’ont pas un seul mot pour Notre-Dame dans la justification de leur prétention!”

Mais ce sont plutôt les perspectives faussées qui posent problème. Nous nous contenterons d’évoquer la principale, éliminatoire : l’absence totale d’une quelconque référence, même en passant, à ce qui est l’origine, le fondement et le modèle de tout ce qui est en cause : l’Art français, francigenum opus, qualifié ainsi parce qu’il est né en Ile de France, il ne fut qualifié de “gothique” qu’à partir du XVIe siècle. Ce fut dans l’histoire de l’humanité une fulgurance artistique et spirituelle qui pendant trois siècles illumina la vie de l’Occident latin, et enlumina tous ses paysages de chapelets d’églises et de chapelles. Comment prétendre participer à la restauration de Notre-Dame de Paris et ne pas faire la moindre référence à cet art transcendant où la cathédrale était édifiée comme bâtiment déjà participant de la Jérusalem céleste ?

Pas un mot pour Notre-Dame !

Mais plus que telle ou telle phrase, ou tel ou tel non-dit, c’est l’impression d’ensemble laissée par cette présentation des artistes qui trouble le lecteur. Que diable, ce qui est en question, ce n’est pas le mobilier de la maison de la culture ou de la salle des fêtes de La Bazoche-sur-Mézigue. Il s’agit du mobilier liturgique de la cathédrale des cathédrales, Notre-Dame de Paris. Un phare artistique et spirituel de l’humanité. Et voici : ceux qui prétendent lui redonner son mobilier liturgique, n’ont pas un seul mot pour ELLE dans la justification de leur prétention ! Ils n’ont pas un seul mot ni pour ce qu’ELLE a été, ni pour ce qu’ELLE est, ni pour ce qu’ELLE ne cessera jamais d’être. Pas une pensée, pas un mot pour ELLE, tellement dans leur coterie ils ont peur de ne pas faire “contemporain mainstream”. Tellement surtout ils tremblent à l’idée que les apparatchiks du politiquement correct puisse les accuser d’avoir ne serait-ce qu’une pensée, un regard, une parole pour la Chrétienté, cette civilisation qui pourtant a bel et bien été le giron où a été mise au monde et élevée jusqu’à nous notre Belle-Dame de Paris.

“Je suis pour l’infini”

Certes, nous ne sommes plus en Chrétienté et il ne serait donc pas approprié de faire religieusement “comme si”. Aussi bien qu’artistiquement, il ne serait convenable de faire du néogothique. D’autant plus que le chantier d’une cathédrale n’est jamais achevé, ce qui laisse à chaque génération la chance de participer de manière originale à son élévation. Rodin ne disait-il pas : “On me dit : votre porte n’est pas finie. Et les cathédrales, est-ce qu’elles sont finies ? Je ne suis pas pour le fini, mais pour l’infini.” Pour honorer Notre-Dame en notre temps, nous pouvons sans scrupule y ajouter de l’originalité de notre temps, mais en y mettant le sens de l’infini, c’est-à-dire en faisant mémoire et en prolongeant le sublime élan spirituel et artistique qui l’a fièrement édifiée sur l’île de la Cité.

A cet égard, parmi les cinq candidats, figure Nicolas Alquin. On peut goûter plus ou moins ses œuvres, mais nul doute que ce sculpteur puissant est un vrai grand artiste. Il saurait s’imprégner des résonances du mobilier et de la statuaire médiévales pour créer des œuvres originales pour notre temps. Des œuvres qui concourraient majestueusement et sans fausses notes à la beauté de la vie liturgique chez Notre-Dame de Paris. Quoi qu’il en soit, nous devons faire confiance à l’archevêque de Paris, Mgr Ulrich, pour faire le choix qui offrira à sa cathédrale un mobilier liturgique digne d’ELLE.

Découvrez aussi en images le chantier de restauration de Notre-Dame :

Tags:
Notre-Dame de ParisPatrimoine
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