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L’écho des nuits qui se répondent

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Fred de Noyelle / Godong

Luc de Bellescize - publié le 30/12/22

Étonnant mystère que ce Dieu qui se révèle la nuit ! Nuit de la naissance, nuit de la mort, nuit de la résurrection… Dans la nuit, demande le père Luc de Bellescize, serons-nous comme ces veilleurs qui voient toujours Dieu comme un enfant ?

Pourquoi la nuit de Noël est-elle différente de toutes les autres nuits ? Parce qu’elle nous fait retomber en enfance, descendre à nouveau dans les celliers de la mémoire, comme on va chercher une vieille bouteille à la cave, que l’on ne secoue pas, que l’on porte avec précautions en enlevant la poussière sur l’étiquette déjà effacée. Cette nuit nous fait retomber en enfance… Y remonter plutôt. Car il nous faut retrouver cet esprit des enfants, capables de s’émerveiller encore, de s’ouvrir à la grandeur d’un mystère si grand, si petit pourtant. Capables d’être dépassés par la beauté d’un nouveau-né.

Je revois mon grand-père, son pas lourd et sa silhouette immense. Ma grand-mère, qui trottinait derrière lui comme une ombre fidèle. Dans la grande maison, nous faisions la crèche et nous poussions nos petits moutons, d’un pas chaque jour, au rythme des vraies joies qui mûrissent lentement. La nuit, après la messe, nous déposions l’enfant sur la mousse, sous l’étoile qui guida les mages, avec beaucoup de précautions. Il ne fallait pas le réveiller. Il était si fragile entre l’âne et le bœuf. La liturgie byzantine chante à la messe de la nuit : “Je vois un mystère étonnant qui dépasse l’entendement : une grotte est devenue le Ciel et la Vierge remplace le trône des Chérubins. La crèche est la demeure où repose le Christ, notre Dieu infini.”

L’enfant oublié

“Notre Dieu infini” s’est fait petit enfant. “Tout était pur alors, écrit Péguy dans son poème sur la crèche, et le maître du monde / Était un jeune enfant dans un pauvre berceau.” Il est la vraie lumière qui naît au cœur de la nuit. Il ne faut pas rater cette lumière à force de la pollution lumineuse qui aveugle l’âme et l’écrase de consommations et de divertissements. L’excès des nourritures terrestres, l’excitation et le bruit orchestrent l’extinction du désir de l’âme. Il ne faut pas rater la naissance… Il est si facile pourtant de la rater. L’empereur Auguste avait ordonné de recenser toute la terre. Cela faisait un enfant de plus dans l’Empire de Rome. Un enfant de plus, un enfant de moins, qu’importe… Cela ne risquait pas de changer la face du monde. César ne savait pas qu’il serait un jour jugé par cet enfant qu’il voulait compter. Hérode, par cet enfant qu’il voulait tuer. Ils ne savaient pas que ce tout petit était le vrai roi. Comment auraient-ils pu savoir ? En apparence, ce n’était rien. Un visage minuscule dans une crèche au cœur de la nuit. Un enfant de pauvres dans une ville obscure de Judée. 

Quand on n’a plus rien à fêter, écrit Rémi Brague, on doit se contenter de faire la fête.

Mais cela n’a pas tellement changé. Notre monde aussi oublie cet enfant. On ne voit pas très bien pourquoi fêter la fin d’année, mais on le dit quand même : “Bonne fête de fin d’année ! Et surtout la santé !” Quand nous oublions notre âme immortelle et notre vocation au Ciel, la santé du corps, qui est un bien précieux, devient le bien suprême de l’homme. La béatitude promise aux pauvres de cœur se réduit à la peau de chagrin de la jouissance laissée à sa propre finitude. Quand on oublie ce qu’il faut fêter alors il reste “les fêtes”. “Quand on n’a plus rien à fêter, écrit Rémi Brague, on doit se contenter de faire la fête.” 

Mystères des nuits qui se répondent

Et puis, nous sommes tellement pris… L’affairement nous guette tous. On n’a pas le temps. On est overbookés comme tous les gens qui se croient importants. Nous sommes déjà trop pleins, comme les auberges le soir de Noël, qui n’avaient plus de place pour accueillir l’enfant. Alors il faut s’arrêter un peu et contempler la crèche. Il faut se poser la question que les juifs se posent au soir de la Pâques : “Pourquoi cette nuit est-elle différente de toutes les autres nuits ?” Quelques nuits sont précieuses. Quelques nuits se répondent. “Le jour au jour en ouvre le récit et la nuit à la nuit en donne connaissance” dit le psaume (Ps 18). Nuit constellée d’étoiles de la naissance, nuit de la mort où les ténèbres recouvrent la terre, nuit de la Pâques où le Christ est ressuscité. “De la crèche au crucifiement Dieu nous livre un profond mystère” dit le chant de Noël. Il naît pour mourir. Il meurt pour ressusciter. La mangeoire est le signe du vrai Pain de Vie qui donne la Vie éternelle. “Celui qui me mange vivra pour toujours” dit le Seigneur. Elle est aussi l’image du tombeau. Les langes recouvrent l’enfant, comme au soir de ses jours elles envelopperont son corps autour du linceul blanc. L’enfant naît dans la nuit. Il ressuscitera dans la nuit. Il faut tenir le lien des mystères, l’écho des nuits qui se répondent en une vaste et profonde unité. 

Ceux qui veillent

Jésus est en agonie jusqu’à la fin du monde et il ne faut pas dormir pendant ce temps-là” disait Pascal. Mais Jésus naît aussi jusqu’à la fin du monde, chaque fois que nous célébrons Noël, et il ne faut pas dormir pendant ce temps-là. Il faut regarder l’étoile, écouter le chant des anges, aller voir le signe qui nous est donné. Seuls le verront les bergers et les mages, ceux qui veillent et ne dorment pas. Ceux qui marchent. Ceux qui n’ont pas éteint en eux le désir de Dieu, la faim et la soif de l’essentiel. Ceux qui n’ont pas complètement oublié qu’il faut demeurer des enfants pour parvenir au Royaume des cieux. Pourvu que nous ne soyons pas trop devenus de ces “âmes habituées”, comme le disait Péguy, qui “ne mouillent plus à l’eau de la grâce”. Pourvu que nous ne rations pas ce “signe” qui demande l’hommage de notre foi. Pourvu que nous reconnaissions le Christ en ce petit enfant, notre Dieu infini. 

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