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Quand les aveugles guident les aveugles…

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PASCAL PAVANI / AFP

Michel Cool - publié le 10/12/22

L’art du gouvernement est tout sauf simple, n’en déplaise aux pleureuses médiatiques qui refont l’histoire en se plaignant de notre manque de visionnaires et d’éclaireurs au pouvoir. L’éditeur et journaliste Michel Cool appelle les commentateurs à se concentrer plutôt sur leur mission en expliquant la complexité du monde.

Nous manquons de visionnaires ! C’est la rengaine récurrente des commentateurs ayant pignon sur rue. À bâbord comme à tribord, des observateurs en chaises longues se désespèrent et nous désespèrent à satiété de ne voir apparaître aucune lumière de phare, aucune terre promise à l’horizon de notre océan d’incertitudes. Façon aussi pour eux d’égratigner au passage celles et ceux qui nous gouvernent, nous représentent et se tiennent sur le pont au milieu d’une mer démontée. Les mêmes qui ont table ouverte chaque jour sur les chaînes dites d’information continue, se gaussent à loisir des élus de la Nation en les comparant à des nabots aveugles et à des manchots incapables : que n’avaient-ils prévu l’invasion de l’Ukraine par les Russes ? Que n’avaient-il prévu l’envolée des prix et l’inflation qui ont résulté de cette guerre ? Que n’avaient-ils prévu la collusion entre la froidure de cet hiver avec les mesures d’économie énergétique prises pour pallier notre pénurie en gaz et en électricité ? Les pleureuses médiatiques à bon prix auraient-elles raison ? A-t-on du souci à se faire ? Le paquebot France est-il conduit par des aveugles ?

Gouverner, c’est prévoir ?

“Gouverner, c’est prévoir” clamait Adolphe Thiers, deuxième président de la République de l’histoire de France. Le journaliste Émile de Girardin, patron de presse et inventeur des romans-feuilletons au XIXe siècle, surenchérissait : “Gouverner, c’est prévoir ; et ne rien prévoir, c’est courir à sa perte.” Plus tard, Pierre Mendès-France, figure de proue de l’instable IVe République, publiera un livre ayant pour titre-programme Gouverner c’est choisir. Il ajoutera pour préciser sa pensée : “Si difficiles que soient les choix”.

Il faut donc se méfier des cris de lamentations poussés par les pleureuses médiatiques se plaignant de notre manque de visionnaires et d’éclaireurs.

Leur vision apparemment claire de l’art de gouverner n’a pas empêché les uns et les autres de se montrer imprévoyants ou en tout cas d’être contrariés ou démentis même par les événements. Ainsi Thiers, surpris par l’intensité de la révolte de la Commune de Paris lui répondit par une répression sanglante sans commune mesure. Émile de Girardin, visionnaire en lançant des journaux accessibles au grand public, le fut moins en politique en cautionnant la politique réactionnaire de Thiers. Quant au réformiste Mendès-France, son manque de discernement politique lui joua des tours, dont celui d’être détrôné du leadership de la gauche française par un certain François Mitterrand… 

Expliquer la complexité du monde

Il faut donc se méfier des cris de lamentations poussés par les pleureuses médiatiques se plaignant de notre manque de visionnaires et d’éclaireurs. Mais que ne le sont-ils eux-mêmes ? Après tout, l’objectif professionnel et pour le moins éthique d’un journaliste, d’un commentateur d’actualité, d’un scrutateur de “l’histoire immédiate”, n’est-il pas d’éclairer la lanterne des usagers n’ayant pas accès comme eux aux sources de l’information ? Ne disposent-ils pas d’une diversité de renseignements, d’outils et de contacts de première main leur permettant d’exercer leur esprit de synthèse et leur esprit critique au service de l’intelligence collective ? Leur mission de service public, même sur des chaînes d’info privées, n’est-il pas d’expliquer la complexité du monde actuel en fournissant des clés de lecture et de compréhension aux citoyens ? Au lieu de cela, hormis des exceptions notables et secourables de journalistes sérieux comme Patrice Cohen (France 5) ou Darius Rochebin (LCI), nous n’avons droit qu’à des simulacres d’information, à des caricatures de débats, à des pantomimes de chroniqueurs infatués et au ballet répétitif et dérisoire de péroreurs payés pour mettre les rieurs de leur côté ; et, plus grave, pour bénir et propager un populisme de la pensée qui, on peut le craindre quand on regarde l’histoire, conduit toujours les peuples à prendre des vessies pour des lanternes ! 

“Si un aveugle guide un aveugle, tous les deux tomberont dans un trou”, nous prévient-on dans l’Évangile (Mt 15, 14). Le conseil est à prendre rigoureusement au sérieux. Mais vigilance ! Les aveugles ne sont pas forcément ceux qui sont montrés du doigt comme tels. Il n’y a en effet pas meilleur aveugle que celle ou celui qui prétend ne pas l’être et parade en pleine lumière !

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