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“Il manque une étude sur la réalité de la diffusion des soins palliatifs”

Un patient dans un unité de soins palliatifs.

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Gilles Adda - publié le 22/09/22
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Membre du CCNE appartenant au secteur de la recherche, Gilles Adda fait partie des signataires qui ont exprimé une "réserve" sur l’avis 139 se prononçant en faveur d’« une voie pour une application éthique d’une aide active à mourir". Il explique à Aleteia les raisons qui ont motivé sa décision. Selon lui, nous n’avons pas la certitude que l'accès aux soins palliatifs est une réalité.

Le CCNE, après un an de travail, a publié mardi 13 septembre 2022 un avis dont le titre est "Questions éthiques relatives aux situations de fin de vie : autonomie et solidarité", et qui en pratique va bien au-delà, et se prononce sur la possibilité d'une modification de la loi actuelle, afin de permettre la mise en place d'une aide active à mourir, avec des conditions et un encadrement très stricts. Membre du CCNE depuis fin 2017, je n'ai pas participé au groupe de travail qui a préparé cet avis, mais j'ai activement participé aux discussions et aux demandes de modifications qui ont eu lieu depuis le début de la présentation du texte, en tant que membre du plénier et de la section technique du CCNE. Je ne vais pas détailler ici le contenu de ce texte, assez remarquable, et que j'encourage tout le monde à lire, car il détaille parfaitement la situation actuelle, et les tensions éthiques.

Un désaccord de fond

Cependant, très rapidement dans les discussions autour de ce texte, est apparu un désaccord de fond sur la finalité de cet avis ; alors que le texte se place résolument dans la perspective de donner des pistes au législateur permettant d'encadrer au mieux une assistance au suicide, certains membres pensaient que cette perspective de modification de la loi non seulement n'était pas possible actuellement, mais que de plus, ce n'était pas le rôle du CCNE de l'anticiper. Une fois le texte principal voté, plusieurs membres ont jugé nécessaire d'acter ces désaccords dans un texte intitulé "Réserve". Je ne vais pas reprendre ici le contenu précis des arguments qui nous ont amené à, d'une part, être d'accord avec la quasi-entièreté du texte dans son constat et son analyse éthique de la situation, dans la continuité des travaux précédents du CCNE, d'autre part en désaccord avec la formulation des recommandations, et en particulier de celle "qu’il existe une voie pour une application éthique d’une aide active à mourir, à certaines conditions strictes".

Le moment n'était pas venu d'avoir ce débat, nécessaire, pouvant justement mettre en tension les différentes façons de voir la vie et la mort à l'aune des convictions de chacun.

Je ne peux pas parler au nom des autres signataires du texte, mais ma motivation n'a pas été une question de spiritualité. Mon analyse a été que le moment n'était pas venu d'avoir ce débat, nécessaire, pouvant justement mettre en tension les différentes façons de voir la vie et la mort à l'aune des convictions de chacun, car les conditions nécessaires à ce débat n'étaient pas réunies. 

Ce n’est pas le moment

Ce n'est pas le moment, car les lois actuelles sont mal connues et mal appliquées, en particulier celle concernant les soins palliatifs ; pas le moment étant donné l'état de l'hôpital et du système de soins en général, et l'état de souffrance éthique des soignants ; pas le moment, car notre rôle en tant que CCNE est d'abord d'éclairer éthiquement le débat public, pas de le précéder quand ce n'est pas nécessaire. Mais, en tant que chercheur, je voudrais surtout souligner que ce n'est pas le moment parce que notre connaissance scientifique sur le sujet est beaucoup trop parcellaire, quasi nulle pour ce qui concerne la France. Le CCNE, avec un grand nombre de membres provenant du monde de la recherche au sens large, fondent ses avis d'abord sur ce que dit la science ; c'est une de ses spécificités.

Depuis des années, le CCNE appelle sur ce sujet à la fois à une meilleure diffusion des soins palliatifs, à une meilleure connaissance des lois, mais également à mener les études nécessaires sur ces demandes potentielles d'aide à mourir, pour éclairer le débat. Si certains cas visibles et médiatisés semblent effectivement interroger sur la possibilité d'accompagner humainement ces personnes, quid des autres cas, invisibles, qui sont souvent des demandes de ne plus souffrir ? Sans cette étude, et la certitude que l'accès aux soins palliatifs est une réalité, nous n'avons aucun moyen d'anticiper l'impact de cette ouverture sur le système de soins, et sur la manière dont elle modifiera la fin de vie de nos compatriotes.

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