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Un laïcat cléricalisé ? Non merci !

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Pascal Deloche / Godong

Sortie de messe.

Jean Duchesne - publié le 20/09/22

Quand un laïc ou une laïque préside l’Eucharistie, on oublie que seul le prêtre est qualifié pour "faire l’Église" en célébrant la messe. Pour quelle raison ? Parce que nul autre ne peut aussi remettre les péchés, explique l’essayiste Jean Duchesne, membre du comité de rédaction de la revue "Communio".

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Entre le deuil de la reine d’Angleterre, la contre-offensive ukrainienne, le voyage du Pape au Kazakhstan et la rentrée des classes — scolaires et politiques —, le pouvoir d’achat et les soucis d’approvisionnement en énergie, on n’a guère prêté attention à un petit fait divers survenu en Suisse. C’est pourtant un aperçu éloquent de ce à quoi ressemblerait l’Église souhaitée par ceux selon qui elle doit, pour survivre, se rallier à la bien-pensance du moment.

L’Église des apôtres ou de ses animateurs ?

À l’occasion de son départ en retraite, une « agente pastorale » d’une paroisse de Suisse près de Zurich a concélébré la messe, entourée de deux prêtres, d’un diacre et d’une autre femme en aube. Les deux prêtres avaient une étole et celle du diacre était aux couleurs arc-en-ciel de la bannière LGBT. Elle a présidé à l’autel, pieds nus, en pantalon noir et chemisier blanc sous un ample cardigan jaune-vert. Elle n’a certes pas pris en main l’hostie ni le calice, laissant un des prêtres le faire. Mais elle a donné l’homélie, et la prière eucharistique avait été sensiblement « adaptée ». Arrivée portant un bâton « pastoral », elle l’a remis au terme de la cérémonie à l’un des prêtres, pour lui transmettre symboliquement la charge qu’elle avait exercée. L’évêque du diocèse (Coire) a ouvert une enquête. 

La sincérité, l’engagement de cette dame, son dévouement pendant de longues années ne sont pas douteux. On ne peut cependant que s’interroger sur la conception de l’Église et même de la foi chrétienne qui s’est exprimée là. Ce qui a été célébré était le service accompli, tel qu’on se l’est attribué et non tel qu’il aurait été reçu après avoir été transmis comme une mission impossible à remplir avec ses seules forces propres, si généreux soit-on. Pour le dire autrement, l’Église ne peut être qu’apostolique, c’est-à-dire fondée et perpétuellement renouvelée uniquement à l’appel et par l’action des successeurs (les évêques) de ceux (les apôtres) que le Christ a consacrés pour cela et de ceux, enfin, qu’ils s’associent sacramentellement (leur clergé).

L’enseignement, la pastorale…

Une Église où les ministères (ou services institués) émanent en quelque sorte des besoins immédiats des individus, des communautés qu’ils forment et des désirs altruistes qui s’y nourrissent de venir en aide à son prochain, eh bien ! cette Église-là ne serait qu’une organisation caritative parmi d’autres, ou une fédération d’associations locales de fraternisation et de bienfaisance. Sa seule originalité est de pouvoir puiser dans une tradition de rites anciens qui donnent une tenue certaine à ses réunions et assemblées. Mais comme on ne garde de ces coutumes et observances que ce qui répond aux aspirations du moment, et comme on adapte et modifie en perdant de vue l’origine et le but, ces pratiques formelles se dévaluent inexorablement, comme le folklore survit en marge de la culture contemporaine.

L’ennui est que l’évêque n’est pas simplement le président de la fédération des communautés catholiques du département. En communion avec celui de Rome, il est le garant d’une unité bien au-delà de son territoire et même à travers les siècles.

Dans une telle vision de l’Église, le sacerdoce apostolique et hiérarchique n’est plus indispensable. L’ennui est que l’évêque n’est pas simplement le président de la fédération des communautés catholiques du département. En communion avec celui de Rome, il est le garant d’une unité bien au-delà de son territoire, à travers les siècles mêmes. Comme l’a rappelé Vatican II (notamment le chapitre III, n. 18-29, de Lumen gentium), il a trois fonctions, qu’il délègue largement, mais pas totalement, à ses prêtres. Il y a, tout d’abord, l’enseignement : le devoir de veiller à ce que la foi soit bien comprise pour être droitement mise en œuvre. Il y a le gouvernement dit pastoral, qui consiste à s’assurer de la rectitude du culte, de la fidélité du travail d’apostolat et des coordinations au sein des communautés.

… et la sanctification

Bien qu’elles restent personnelles et inamissibles, ces deux premières fonctions ne sont bien sûr pas des privilèges, mais des responsabilités partageables, au sein du clergé et aussi avec des laïcs. Théologiens et animateurs ou gestionnaires de communautés ne manquent donc pas de prendre (voire réclamer) leur part d’enseignement et de gouvernement, dans la mesure où il n’est pas nécessaire d’être ordonné ni célibataire de sexe masculin pour y être associé. Jusqu’à présent, le troisième aspect spécifique du sacerdoce apostolique, à savoir la sanctification des fidèles par les sacrements, était demeuré un « domaine réservé ». Ce n’est plus le cas. La messe de départ de l’ »agente pastorale » du diocèse de Coire en est un indice.

Pendant longtemps, nul ne s’est imaginé capable de prononcer, sans avoir été soi-même consacré, « ceci est mon corps, ceci est mon sang » sur le pain et le vin. Mais la théologie qui autorise à chanter : « Nous sommes le corps du Christ » peut être abusivement interprétée : celui ou celle qui se donne à une communauté réunie au nom de Jésus et la rassemble est tenté(e) d’y voir un corps qui est, en même temps que celui du Christ, d’une certaine façon le sien, puisqu’il ou elle le constitue, l’anime et s’y identifie. Cette personne s’érige alors en alter Christus, un autre Christ — ou du moins celui ou celle dont le « je » crée le « nous ».

Cléricalisation du laïcat

Il est frappant de voir que la dénonciation désormais populaire du cléricalisme vise précisément l’assimilation au Christ du prêtre, ainsi paré de tous les droits et réputé infaillible et impeccable. On peut alors estimer que, lorsque de simples baptisés considèrent que leur implication ecclésiale, vécue ou voulue, suffit pour qu’ils soient pleinement, là où ils sont, la Tête de cette partie du Corps, autrement dit un alter Christus, ce n’est pas une promotion, mais une cléricalisation du laïcat — ou plus exactement de certains laïcs et certaines laïques. Car il est clair que cette tentation n’est éprouvée que par une infime minorité. 

Il est clair aussi que le sacerdoce épiscopal et presbytéral n’empiète en rien sur le sacerdoce commun des fidèles, appelés à l’exercer dans leur existence quotidienne, mais qu’il est à son service de façon irremplaçable et indispensable. On peut également observer que l’état monastique qui, d’après la définition fameuse du P. Bouyer, consiste à « vivre la vocation baptismale avec un maximum d’urgence » et à se retirer du monde non pour le fuir, mais pour le sanctifier dans et par la prière, n’est pas du tout obligatoirement lié à la prêtrise.

Et le « je » de l’absolution ?

Mais la présidence de l’Eucharistie, avec la consécration du pain et du vin, n’est pas l’unique mission de sanctification incombant au seul prêtre. Selon la volonté de Jésus (Jn 20, 23), il lui revient encore, et inséparablement, de dire « je », in persona Christi, en remettant les péchés dans le sacrement de la miséricorde. Nul « agent(e) pastoral(e) » ne semble encore s’être avisé(e) d’entendre en confession et de donner l’absolution. C’est à la fois rassurant et préoccupant.

Le prêtre redevient un homme si, alors qu’il a le pouvoir de pardonner au nom du Christ, il demeure pécheur et doit être lui-même pardonné.

D’un côté, nul désir de servir son prochain ne s’avère assez puissant pour autoriser à lui pardonner de la part de Dieu. Et le prêtre redevient un homme si, alors qu’il a le pouvoir de pardonner au nom du Christ, il demeure pécheur et doit être lui-même pardonné. Mais, d’un autre côté, le manque d’intérêt du laïcat cléricalisé pour le sacrement de la réconciliation reflète une désaffection dans la pratique religieuse, et donc une perte du sens du péché (lequel ne réside pas exclusivement dans les dysfonctionnements de la société). L’enjeu est dès lors de savoir si le Christ n’est que le promoteur d’une communion sensible, ou bien le Sauveur dont chacun a toujours personnellement besoin, car sa liberté reste faillible.

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Catholiquesclergelaics
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