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Saint Bénézet, le frère pontife, patron du Comtat Venaissin

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Saint Bénézet d'Avignon

Anne Bernet - publié le 01/09/22

Après Hugues et Bruno, Aleteia poursuit son tour de France estival des saints patrons de nos régions. Sans lui, le fameux pont d’Avignon n’aurait jamais vu le jour : envoyé de Dieu, le berger Bénézet dut à une voix venue du Ciel la mission d’affronter le Rhône pour relier les deux rives. Une œuvre de charité qui fit du "pontife" Bénézet le patron du Comtat Venaissin.

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Le pont d’Avignon tient en partie sa popularité de la célèbre chanson du même nom longtemps connue et chantée par tous les enfants de France. Ce qu’ils ne savent pas, les grandes personnes non plus d’ailleurs, c’est l’étonnante et miraculeuse histoire de la construction de cet ouvrage d’art, aujourd’hui en partie écroulé mais dont le rôle et l’importance ont été jadis considérables. Tout commence le 13 septembre 1177 à Hermillon, hameau voisin de Saint-Jean de Maurienne en Savoie. Ce jour-là, un gamin de douze ans prénommé Benoît garde non loin de chez lui les quelques brebis qui représentent toute la fortune de sa mère, restée veuve prématurément pour élever cet enfant unique. Il est si petit et si frêle pour son âge que, dans le pays, on le surnomme Bénezet ou Bénézet, « mini Benoît ». 

Une voix venue du Ciel

Soudain, le soleil s’obscurcit. C’est une éclipse totale, phénomène impressionnant pour celui qui en ignore tout. Dans l’étrange pénombre qui l’entoure et le déconcerte, Benoît s’entend appeler par son diminutif : « Bénézet, mon fils, écoute la voix de Jésus-Christ. » Il s’efforce de découvrir celui qui s’adresse à lui, ne voit personne. Trois fois de suite, il entend répéter les mêmes mots. La troisième fois, il questionne : « Qui êtes-vous, Seigneur, qui me parlez ? Je vous entends mais ne vous vois point. » La voix invisible répond : « Ne crains rien. Je suis Jésus Christ qui, d’une seule parole a créé le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent. » Très pieux, Benoît sait bien qui est Jésus-Christ et, fils de son époque profondément croyante où le miracle est chose pensable, admissible, voire courante, il ne s’étonne pas outre mesure de s’entendre interpeller par le Rédempteur. « Seigneur, que voulez-vous que je fasse ? » demande-t-il. La voix reprend : « Je veux que tu laisses le troupeau que tu gardes et ailles pour moi construire un pont sur le Rhône. »

Extraordinaire demande à laquelle l’enfant rétorque, avec bon sens : « Mais, Seigneur, je ne sais où est le Rhône et je n’ose abandonner les brebis de ma mère ! » Ces arguments ne troublent point son divin interlocuteur qui réplique : « Ne t’ai-je pas dit de ne pas avoir peur ? Va donc courageusement. Je ferai raccompagner tes brebis chez ta mère et te donnerai un compagnon qui te conduira jusqu’au Rhône. » Têtu, Bénézet discute encore, opposant aux exigences d’En-Haut les évidences d’ici-bas : « Mais, Seigneur, je n’ai que trois oboles ; comment construirais-je un pont ? — Tu le bâtiras, mon fils, par les moyens que je te donnerai. »

L’enfant obtempère

Pour déconcertante que soit la mission dont le Ciel veut le charger, l’enfant obtempère. Il a bien assez discuté avec Dieu. Ramassant ses rares affaires, sans un regard pour le toit maternel qu’il ne reverra jamais, ni pour les brebis qui réintégreront miraculeusement leur bergerie, il prend la route et s’éloigne d’Hermillon, sans la moindre idée de l’endroit où il doit se rendre. Cependant, à peine a-t-il perdu de vue le village natal qu’un homme venu de nulle part surgit à ses côtés. En apparence, il s’agit d’un pèlerin comme il s’en rencontre tant alors mais Bénézet ne s’y trompe pas longtemps ; son compagnon de route, qui sait tout de ce qu’il lui faut accomplir, est un ange, tel celui qui, dans les saintes Écritures, guide Tobie dans son voyage. Au terme de plusieurs jours de marche, ils arrivent tous deux au bord du Rhône. Le fleuve, en ce temps-là, et pour quelques siècles encore, est un géant monstrueux dégringolé de ses montagnes qu’aucune force humaine n’a osé tenter d’endiguer ou de canaliser et dont les colères, fréquentes, sont ravageantes. Au niveau d’Avignon, il est d’une largeur impressionnante et d’une puissance terrifiante. Cela explique pourquoi, conscients de l’inanité de la tâche, impossible ou presque à réaliser et, de toute façon, vouée d’avance à une destruction à brève échéance, ni les ingénieurs romains ni Charlemagne ni personne n’a essayé de jeter un pont par-dessus ses eaux…

Effaré par ce Rhône qu’il est censé dompter, Bénézet se laisse tomber, découragé, au bord de la rive.

Effaré par ce Rhône qu’il est censé dompter, Bénézet se laisse tomber, découragé, au bord de la rive. Son guide, avant de le quitter, lui enjoint de faire signe au batelier qui, faute de pont, assure le trafic entre les deux rives et de se faire conduire en la ville d’Avignon où il lui faudra annoncer à l’évêque que le Seigneur l’a chargé, lui, Bénézet, de doter la cité et ses environs du pont qui leur manque.

Pourquoi un pont ?

Qui, en voyant Bénézet, croira à cette histoire de fou ? L’enfant, peu rassuré, obéit quand même et se fait au passage dépouiller, pour payer le nautonier, de ces trois malheureuses oboles, toutes ses économies, évoquées dans sa conversation avec le Christ. Cette perte de sa dernière sécurité humaine et matérielle a un double intérêt : lui démontrer que ceux qui œuvrent pour Dieu n’ont pas à s’inquiéter des nécessités communes auxquelles le Ciel pourvoira, pourvu d’avoir confiance, et lui faire comprendre l’intérêt d’une besogne qui ne devrait pas nécessiter une intervention céleste. En quoi, en effet, le Christ a-t-il besoin qu’on lui construise des ponts et pourquoi prendre la peine d’apparaître à un berger pour le charger de la besogne, argumentation dont les protestants, les jansénistes et tous les incrédules dans la suite des siècles, useront et abuseront pour discréditer « la légende de Bénezet ».

Pourquoi ? Parce que permettre aux chrétiens, et d’abord aux pauvres et aux pèlerins, de traverser le Rhône sans être rançonnés, comme l’enfant l’a été, par des mariniers avides de profit, relève d’une forme de charité. Il convient de protéger les humbles, de faciliter leurs déplacements, leurs échanges commerciaux, qui leur permettent de vivre, d’assurer aussi leur sécurité. C’est si vrai, mais Bénézet, jamais sorti de son village, l’ignore, que, à travers toute la France, l’Italie et même la Terre Sainte, des religieux se donnent pour mission de protéger les voyageurs, de les escorter et d’assurer la police routière. Ce sera la première tâche des Chevaliers du Temple aux alentours de Jérusalem. D’autres se chargent plus spécialement de bâtir et entretenir des ponts sur les fleuves et les rivières. Pour cela, on les appelle « frères pontifes », ce mot, venu du latin pontifex, désignant les constructeurs de ponts, et au sens second, les prêtres qui établissent des ponts spirituels entre l’homme et la divinité, d’où le titre de Souverain Pontife donné à Rome au principal d’entre eux, et repris par la papauté. L’envoi en mission du petit berger savoyard n’est donc pas aussi inutile, dérisoire et stupide que certains le prétendront.

Le miracle de la pierre

Courageux, l’enfant, arrivé à Avignon, se fait indiquer l’endroit où il pourra rencontrer l’évêque ; celui-ci prêche alors dans sa cathédrale et il est fort mécontent d’être interrompu dans son discours par une espèce de marmot qui lui annonce être envoyé de par Messire Dieu afin de doter la ville du pont que nul n’a su construire. Aussitôt arrêté, Bénézet est expédié devant le principal magistrat de la cité, le viguier Bérenger de Sade, qui, après s’être copieusement moqué de lui, un peu désarçonné par son aplomb et ses certitudes, décide de le mettre à l’épreuve. Il y a devant chez lui une pierre énorme, si lourde qu’une dizaine d’hommes adultes et forts ne peuvent la soulever ; si Bénezet parvient tout seul, rien n’étant impossible à Dieu, les autorités admettront la réalité de sa mission. 

Bénézet s’agenouille, prie un instant, se relève, trace un signe de croix sur la pierre et, sans la moindre difficulté, la soulève à bout de bras, lui, le gringalet.

Mis en face de ce véritable rocher, Bénézet s’agenouille, prie un instant, se relève, trace un signe de croix sur la pierre et, sans la moindre difficulté, la soulève à bout de bras, lui, le gringalet. La transporte-t-il vraiment seul, comme le dit la légende, jusqu’au bord du Rhône et l’endroit désigné pour l’installation de la première pile du pont ? Ce qui est sûr, c’est que l’évêque Ponce et les Avignonnais, devant l’éclatant prodige, trouvent aussitôt cinq mille sous d’or pour bâtir le pont. L’aide de Dieu sera, en effet, nécessaire pour en venir à bout. Ce seront dix-huit arches à grosses piles qu’il faudra jeter au-dessus du Rhône pour en assurer le franchissement. Les difficultés, attribuées au démon, se multiplieront à loisir : effondrement d’une partie des travaux, pénurie de pierres de construction, à laquelle la découverte miraculeuse d’une carrière par Bénézet remédiera, manque de vin, une denrée dont les ouvriers pontonniers ne sauraient se passer. Bénézet qui n’en boit pas une goutte, à trois reprises, bénira de l’eau, y trempera les lèvres et la changera en Châteauneuf-du-pape tout à fait buvable.

Dans l’église des Célestins

Nul en ville ne s’en étonne tant la réputation de sainteté du jeune homme est grande et évidentes ses vertus. Par humilité, il a refusé le titre de prieur donné au responsable des travaux pour se contenter de celui de « procureur de l’œuvre du pont ». On lui prête des dons de thaumaturge, qui ne rendent pas plus facile l’avancée des travaux titanesques dont il a donné l’impulsion.

Bénézet ne verra jamais l’achèvement de l’ouvrage auquel la postérité donnera son nom. Il meurt en odeur de sainteté le 14 avril 1184 ; il n’a que 19 ans. Selon ses vœux, il est modestement inhumé, non dans la cathédrale comme le souhaite l’évêque, mais dans la petite chapelle Saint-Nicolas, patron des bateliers, qu’il a voulu élever au niveau de la troisième arche de son pont. Il y reposera jusqu’en 1669, date à laquelle une crue du Rhône entraîne la destruction d’une partie du pont et, menaçant la survie de la chapelle, entraîne la translation en urgence des reliques de Bénézet en ville, au vif mécontentement de la France car, si Avignon et le Comtat Venaissin appartiennent au pape, le pont, lui, est français… Pour compenser, le saint, dont le corps a été retrouvé intact, est installé dans l’église des Célestins, qui appartient au roi. C’est là que les révolutionnaires, en 1794, après avoir annexé l’enclave pontificale, profaneront et disperseront ses reliques. Une partie, récupérée par des fidèles courageux, retrouveront, la paix religieuse rétablie, leur châsse, et la vénération des foules.

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