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Son prénom, léger et charmant, a été à la mode jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, puis il est tombé en désuétude, peut-être parce que jugé trop paysan. Mais, paysan, Lubin, évêque de Chartres et patron, dignité qu’il partage avec sainte Anne, du Perche, région où il a longtemps mené la vie érémitique, l’a lui-même été : jamais il n’en a rougi ! Lubin est né en Poitou probablement au début du VIe siècle, après la reconquête sur les Wisigoths des régions au sud de la Loire par Clovis. Fils de pauvres agriculteurs, il ne peut, en dépit de sa vive intelligence, étudier ni même apprendre à lire. Bon fils, ne voulant pas empiéter sur ses heures de travail aux champs ni faire tort à son père de son labeur, Lubin a l’idée de demander un jour à un clerc de lui inscrire sur sa ceinture les lettres de l’alphabet et de lui indiquer à quels sons elles correspondent. Peu à peu, sans cesser de pousser la charrue ou de s’occuper aux travaux agricoles, le garçon réussit à apprendre seul à lire.
À la recherche d’un monastère
Étonné de cette réussite, des efforts déployés et de l’intelligence de l’adolescent, le religieux parvient à convaincre les parents de Lubin de le lui confier et de le laisser entrer dans son monastère, probablement celui de Ligugé mais, après environ huit ans, le jeune moine aspire à une vie plus retirée et plus pauvre. Dans le Perche et aux confins du Maine, des ermites se sont installés au désert ; Lubin va les rejoindre. Ces saints hommes, nommés Avite et Calais, lui assurent que sa place n’est pas avec eux, car il n’a pas suffisamment pratiqué les lois de l’obéissance monastique ni assez appris pour devenir ermite ; sagement, ils le renvoient vers le cloître. Lubin suit leur conseil mais, en chemin, alors qu’il se dirige vers le fameux monastère fondé par saint Honorat aux îles de Lérins, au large de Cannes, il rencontre un moine en rupture de monastère, un gyrovague, plaie de l’époque, jamais content de rien ni de personne, passant d’une maison de prière à l’autre sans jamais se fixer.
En 544, la réputation de sainteté du solitaire Lubin est telle que les habitants de Chartres, à la mort de leur évêque, vont le chercher afin de l’élever sur le trône épiscopal.
Le personnage lui affirme que Lérins est un "endroit malsain" où il ne serait pas heureux, et il le détourne de son projet. Subjugué par l’assurance et les certitudes de son nouveau compagnon, Lubin, encore jeune et influençable, le suit, d’abord à l’abbaye de Javoux, près de Mende, qu’ils quittent bientôt, puis dans un monastère lyonnais. Cette fois, ayant compris combien son compagnon s’avère dangereux, Lubin refuse de reprendre la route avec lui et reste à l’abbaye de l’Île Barbe, qu’il doit finalement quitter lorsque les princes francs, fils de Clovis, la détruisent durant la guerre qui les oppose à leurs cousins maternels, les princes burgondes…
Dans la forêt de Montmirail
Ayant récupéré en route deux autres frères privés de leur maison détruite, Lubin regagne avec eux le Perche et s’installe, avec, cette fois, la bénédiction d’Avite, dans la forêt de Montmirail. Cette vie paisible ne dure que cinq ans. En 544, la réputation de sainteté du solitaire Lubin est telle, on lui prête tant de miracles de guérison, de résurrections, de fléaux naturels apaisés que les habitants de Chartres, à la mort de leur évêque, vont le chercher afin de l’élever sur le trône épiscopal qu’il occupera, à la satisfaction générale, jusqu’à sa mort en 557, des suites d’un cancer dont ce thaumaturge semant les miracles sur son passage, n’a jamais voulu demander la guérison.