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Le message de pierre des églises sauvées des flammes

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FRED TANNEAU / AFP

La chapelle Saint-Michel de Brasparts située dans les monts d'Arrée (Finistère)

Louis Daufresne - publié le 26/07/22

Une chapelle et une abbaye qui échappent aux flammes, c’est le symbole de l’Église qui survit au néant, comme des lueurs d’espérance. Pour le journaliste Louis Daufresne, "ces pierres intactes disent que la mort ne doit pas avoir le dernier mot".

Une abbaye provençale et une chapelle bretonne « miraculées », dit la presse.  La distance les sépare mais la croix les unit. Le baptême du feu aussi. Encerclées de toutes parts, elles réchappèrent de l’enfer. L’abbaye de Frigolet, entre Avignon et Tarascon, et la chapelle Saint-Michel de Brasparts, au cœur de la Bretagne, vécurent la même épreuve torride. Un tsunami rougeoyant allait s’abattre sur leurs silhouettes quand les vagues de feu, retenues par on ne sait quelle main providentielle, s’éteignirent en leur léchant les pieds. Les paysages alentours n’en sont que plus stupéfiants. 

Toujours assailli, jamais englouti

Les monts d’Arrée, aux rondeurs pittoresques, sont aussi noircis que la calotte de l’Etna. À leur sommet subsiste un écrin verdoyant, récif héroïque au milieu d’une mer de cendres. Telle une citadelle imprenable, cette barque de pierre faite de main d’homme semble avoir résisté au siège d’une armée barbare en furie. Face au chaos, le frêle monument triomphe dans sa cuirasse de granite ; la catastrophe en souligne même le caractère impérissable. Désormais, la chapelle du mont Saint-Michel ressemblera à un phare, toujours assailli, jamais englouti. Comme si la nature déchaînée venait de réconcilier les deux Bretagne, de la côte et des forêts. L’eau et le feu ne sont-ils pas des éléments mouvants qui, aidés par l’air, déferlent sur la terre, la noie ou la brûle ?

Tout aussi évocateur est le plateau de la Montagnette, parsemé de pins d’Alep. Dans sa colère, le dieu Héphaïstos les transforma en allumettes. « Vous avez une idée de l’enfer dans la Divine Comédie ? Et bien c’est un paysage digne de Dante que nous avons vu autour de nous », s’écrie dans La Vie le prieur, frère Jean-Charles. Ce paysage de crèche, si typique de ce coin de Provence, n’est plus qu’un tapis calciné. Vue du ciel sous un certain angle, l’abbaye paraît voguer sur un banc de sable longiligne, telle une île du Pacifique dans les brochures papier glacé.

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Des lueurs d’espérance

L’image du brasier se prête au symbole. Depuis l’incendie de Notre-Dame, la métaphore de l’église en flammes frappe les esprits. Ce qui ne devait jamais périr pouvait être anéanti en un souffle démoniaque de quelques heures. L’événement se lut comme un épilogue apocalyptique, le stade ultime d’une lutte entre bâtisseurs et fossoyeurs. Les seconds l’emporteraient-ils ? Suffoquant dans ses fumées toxiques, minée par le déclin de la civilisation qu’elle forgea, l’Église menaçait ruine et des apôtres de la déconstruction ricanaient en voyant s’effacer, au cœur de Paris, la splendeur arrogante d’un monument incarnant la présence divine et l’imposant au regard des hommes.

Ces pierres intactes disent que la mort ne doit pas avoir le dernier mot. Ces pierres-là sont des constructions intérieures.

Cette fois, le feu n’atteignit point les maisons du bon dieu, de Bretagne ou de Provence. Des soldats luttèrent même pour que ce supplice les épargnât. Et avec intelligence ils vainquirent. Avec les armes de l’ennemi aussi, en allumant des contre-feux. Là aussi, il y a du symbole. Comme à Notre-Dame. Pourquoi se battre pour sauver ces pierres ? Pour leur utilité ? Certainement pas. Leur beauté ? Peu de gens les voient. L’abbaye est nichée, la chapelle est perchée. Leur valeur patrimoniale ? Les maintenir debout coûte cher. Leur intérêt touristique ? À la rigueur, mais des cartes postales justifient-elles d’exposer des vies, de déployer autant de moyens ? La raison est ailleurs et gît peut-être enfouie dans l’inconscient : l’abbaye comme la chapelle sont des lueurs d’espérance dans la nuit de nos vies. Depuis l’aube du monde, les hommes vivent de leur trait d’union avec l’au-delà. Ces pierres intactes disent que la mort ne doit pas avoir le dernier mot. Ces pierres-là sont des constructions intérieures. Elles vivent en nous, dans le cœur des peuples, symbolisent notre traversée du temps, la nôtre et celle de nos ancêtres. Ceux-ci les édifièrent pour nous. Cette présence porte un nom : l’héritage.

Le duel entre la vie et le néant

Que des esprits fragiles ou retors allument des incendies n’a rien d’étonnant. Des quatre éléments, seul le feu recèle une telle puissance de propagation et d’anéantissement. Une forme de terrorisme devient accessible au plus petit geste. L’étincelle offre l’empire végétal aux griffes et à la gueule démentielle d’un dragon géant, et son auteur anonyme, par procuration, jouit alors d’un pouvoir sur la vie et la nature, lequel est renforcé par le déplacement imprévisible des flammes. Les pyromanes ne sont pas des espèces rares. La tentation de purifier ou de punir par le feu est le propre de toute société, l’arme atomique ou les bombardements massifs relevant de cette même pulsion. Elle souligne l’ambivalence de l’élément : la flamme désigne à la fois l’amour et la mort. En ce mois de juillet, au pays de la lande ou de la garrigue, l’incendie matérialisa le duel entre des monuments de vie et les puissances du néant.

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