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Pierre et Paul, une fraternité compliquée mais fondatrice

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© Manfredi Thoma Hawk CC

Jean-Thomas de Beauregard, op - publié le 28/06/22 - mis à jour le 26/06/23

L’Église doit sa fondation à deux frères aux relations compliquées, explique le dominicain Jean-Thomas de Beauregard, dans son commentaire des lectures de la solennité des saints Pierre et Paul (Ac 12, 1-11 ; 2 Tm 4, 6-8.17-18 ; Mt 16, 13-19). Si les deux apôtres se sont opposés, leur fraternité transfigurée par la grâce a été scellée dans le sang.

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Pourquoi dès le IVe siècle au moins, la liturgie de l’Église unit-elle dans une seule solennité les saints Pierre et Paul, le fondement de l’Église et l’apôtre des Gentils ? Un tel attelage surprend d’autant plus que Pierre et Paul ont connu ensemble quelques conflits à Antioche et à Jérusalem, au sujet de l’intégration des non-juifs dans l’Église et de l’abandon ou du maintien de certaines pratiques juives au sein de la communauté. Serait-ce une ruse de l’Esprit saint qui unit dans la liturgie ceux-là mêmes qui ont eu parfois du mal à cohabiter sur la terre ?

Une fondation pour toujours

Le goût de l’abstraction pourrait jouer de la dialectique entre un pôle d’autorité incarné par Pierre et un pôle missionnaire incarné par Paul, tous deux nécessaires à l’Église. Le théologien suisse Hans-Urs von Balthasar voulait y adjoindre un pôle de l’amour incarné par Jean et comptait sur la Vierge Marie pour faire en elle et par son intercession la synthèse de ces trois pôles dont la conjonction serait vitale à la croissance de l’Église.

Il est vrai que l’autorité, la mission et la charité sont des principes constitutifs de l’Église : qu’on en enlève un et l’Église est défigurée ; qu’on déploie l’un sans les deux autres et l’Église est amputée. Chacun des trois principes d’autorité, de mission et de charité ne peut se déployer en perfection qu’en dépendance des deux autres. Il est vrai aussi que la Vierge Marie est traditionnellement le type eschatologique de l’Église. L’idée est suggestive, mais n’explique pas la focalisation sur Pierre et Paul.

Ils se ressemblent par leur amour inconditionnel du Christ : Pierre a confessé sa foi en Jésus, fils du Dieu vivant, après lui avoir dit par trois fois son amour ; Paul s’est exclamé que ce n’était plus lui qui vivait mais le Christ qui vivait en lui.

Le conformisme ecclésiastique pourrait y voir une occasion d’exalter la synodalité, puisque Pierre et Paul ont su avancer ensemble vers une pratique commune et vers la vérité par le moyen du dialogue, parfois non sans rudesse. Tous deux sont des modèles de parrhésia, cette audace et cette liberté de parole que l’Esprit-Saint suscite au sein de l’Église. Mais il faut noter que l’époque apostolique avait à fonder en Christ et sous l’inspiration de l’Esprit saint ce qui, de l’Église, doit demeurer toujours à travers les siècles. Nos discussions synodales, elles, ne peuvent porter que sur des ajustements circonstanciels. Plus encore, l’inconvénient de faire de Pierre et Paul les chantres de la synodalité tient au récit biblique lui-même.

Pour autant qu’on puisse reconstituer les faits et la discussion qui opposa alors Pierre et Paul — il en existe plusieurs récits divergents entre les Actes et les épîtres de Paul —, le processus laissait peu de place aux fidèles et la discussion se tenait surtout entre les autorités de la communauté : Pierre, Paul mais aussi Jacques. S’il y a de la synodalité dans cet épisode, ce n’est donc pas tout à fait selon les critères contemporains, et il faudrait inclure Jacques dans les acteurs majeurs. Le thème synodal n’éclaire donc pas tellement le choix d’une célébration liturgique commune de Pierre et Paul. 

Un mandat du Ciel

L’exégèse historico-critique avancerait à bon droit que Pierre et Paul sont seuls à avoir été investis comme apôtres en vertu d’une révélation venue d’en-haut. Jésus a qualifié Pierre de fondement de l’Église et lui a donné les clés du royaume des Cieux après que Pierre l’a confessé comme « le Christ, le fils du Dieu vivant ». Or Jésus affirme que cette confession de foi de Pierre ne lui est pas venue « de la chair et du sang » mais « de son Père qui est aux cieux » (Mt 16, 13-19).

Le mandat apostolique de Pierre lui vient donc directement d’en-haut. Il en va de même pour Paul, qui affirme que son statut d’apôtre, dérogatoire à la norme des autres apôtres puisqu’il n’a pas accompagné Jésus durant sa vie terrestre, lui a été donné directement d’en-haut, à l’occasion de sa conversion miraculeuse sur le chemin de Damas (Gal 1, 12-16). Ce faisant, on comprend que l’autorité dans l’Église ne peut venir que d’une initiative divine et d’un lien intime avec Jésus-Christ.

C’est évidemment là que Pierre et Paul se ressemblent le plus. Ils se ressemblent par leur amour inconditionnel du Christ : Pierre a confessé sa foi en Jésus, fils du Dieu vivant, après lui avoir dit par trois fois son amour ; Paul s’est exclamé que ce n’était plus lui qui vivait mais le Christ qui vivait en lui. Ils se ressemblent aussi parce qu’ils connaissent tous deux leur faiblesse et savent que sans la grâce de Dieu ils ne sont rien ni ne peuvent rien. L’amour inconditionnel du Christ et la conscience de n’être rien sans sa grâce, c’est l’essentiel de leur enseignement commun et de leur charisme de fondation. C’est ce qui les a menés tous deux jusqu’à l’offrande de leur vie.

Une fraternité scellée dans le sang

D’ailleurs, c’est finalement sans doute en vertu de leur mort commune en martyr à Rome que Pierre et Paul sont célébrés ensemble par l’Église. Car l’Église est héritière d’Israël et de Rome. Or la fondation d’Israël comme celle de Rome a été scellée dans le fratricide : Caïn et Abel pour Israël, Romulus et Remus pour Rome. Certes Pierre et Paul n’ont aucun lien de parenté biologique. Mais leur fraternité en Christ a été scellée dans le sang : celui de Jésus sur la Croix, leur sang à eux un peu plus tard. La fondation de l’Église est donc scellée dans le sang comme celle d’Israël et de Rome. Mais au lieu d’un meurtre fratricide, ce sang est celui l’offrande de la vie par amour.

Ainsi l’histoire humaine « pleine de bruit et de fureur » est reprise sous la grâce. Comme le Christ est le nouvel Adam qui inaugure le temps de l’Église dont il est le chef, Pierre et Paul sont les nouveaux Caïn et Abel, Romulus et Remus pour l’Église dont ils sont le fondement inébranlable. La grâce ne supprime pas la nature : le schéma de la fondation d’une société par deux frères aux relations compliquées demeure. Mais cet invariant anthropologique qui condamnait toute société humaine à la finitude est guéri, surélevé et transfiguré par la grâce. L’Église, elle, a les promesses de la vie éternelle, là où les royaumes et les empires de la terre finissent par disparaître. C’est qu’à la suite de Pierre et Paul, l’Église se sait une fraternité de pécheurs réconciliés dans le sang du Christ.

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