Reine d’Angleterre sans l’avoir voulu, Élizabeth II règne depuis 70 ans. Pourquoi fait-elle l’unanimité dans le cœur de ses sujets, et même au-delà de son royaume ? Le journaliste Louis Daufresne esquisse trois réponses : un cocktail savoureux de présence intemporelle, de sens du devoir et de distinction… pleine d’humour.
Monarchie versus Macronie ? Le jubilé de la reine Élizabeth II vient de nous donner une leçon de savoir-vivre et de vivre-ensemble. Bien sûr, pourra-t-on objecter, ce qui est anglais ne nous concerne pas ou ne nous regarde plus, surtout depuis que l’île prend le large et que la Manche trace une vraie frontière. On pourra aussi arguer de l’excentricité et de l’humour so british, comme si leurs deux traits de personnalité nous interdisaient d’être fantasques et drôles. Je ne nie pas qu’il y ait un génie propre à chaque peuple ; John Lennon relevait lui-même que « le rock français, c’est comme le vin anglais ». Mais enfin, soyons honnêtes : ce genre d’explications tient moins de l’analyse que de la paresse.
Dans le cœur de ses sujets
Dans cette même veine, certains feront observer que la reine n’ayant aucun pouvoir — ce qui est faux — et parlant peu — ce qui n’est pas si vrai — il est normal que son diadème scintille dans les yeux du peuple. Comme si on aimait quelqu’un parce qu’il nous fiche la paix ! Cette billevesée ignore que le pouvoir est à la fois intériorisation et projection. Sa légitimité résulte de la vigueur de cette relation. Le souverain s’intériorise dans le cœur de ses sujets et les sujets se projettent dans ce que le souverain incarne. À l’image de l’hostie, le pouvoir exige une forme de communion/rédemption. J’y adhère car il me transcende. Sans cette dimension alchimique, le pouvoir n’est que juxtaposition entre le haut et le bas, les dominants et les dominés.