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César de Bus, un saint victime de sa discrétion ?

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Antoine Mekary | ALETEIA

Agnès Bastit-Kalinowska - publié le 06/06/22

Toute sa vie, il fut discret, et sa canonisation le 15 mai dernier semble l’avoir maintenu dans sa discrétion. Quel était le secret de la sainteté de César de Bus (1544-1607), le fondateur des pères de la Doctrine chrétienne ?

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César de Bus, le nouveau saint italo-français canonisé en même temps que Charles de Foucauld, serait-il victime de sa discrétion naturelle ? Les feux des projecteurs semblent encore le garder dans l’ombre… C’était un homme fin, réservé, mais ardent et généreux, qui a vécu à l’époque charnière des guerres de religion et du début du renouveau du catholicisme en France. Originaire d’une famille italienne établie à Cavaillon, il sera témoin de la vitalité religieuse apportée par le protestantisme, y compris dans son entourage. Sa vocation sera, en quelque sorte, de devenir un « pasteur » catholique, un prédicateur populaire, fermement enraciné dans l’Écriture sainte, répandant la parole en langue vulgaire le plus largement possible. C’est dans cet esprit qu’il fondera, au cours de la seconde partie de sa vie, une association de prêtres et de missionnaires appelée la « Doctrine chrétienne », dédiée à l’annonce et à l’enseignement de la foi.

Une anecdote sympathique rend bien compte de ce dynamisme missionnaire : vers la fin de l’année 1593, Antoine Vigier, un jeune homme à peine âgé de 17 ans, se présente avec quelques camarades de L’Isle-sur-Sorgue qui souhaitent se mettre à la suite de César de Bus pour enseigner aux pauvres la doctrine chrétienne. Antoine, d’origine modeste, est illettré. Lorsque César lui demanda ce qu’il sait, il répond : « Je sais l’oraison dominicale (c’est-à-dire le Notre Père), le Symbole des Apôtres, les commandements de Dieu et un petit résumé de la doctrine chrétienne. Avec cela, j’irai sous vos ordres, dans les campagnes et les hameaux de la Provence, partout où il vous plaira de m’envoyer, pour instruire les bergers, les ouvriers, les travailleurs et je suis certain qu’avant d’avoir enseigné tous les ignorants, j’aurai terminé mes jours, si longs qu’ils puissent être. » En réponse, César dit à Antoine et ses compagnons qu’ « ils seront très aimés et des mieux accueillis ». On voit que, si la déclaration du jeune Antoine est particulièrement directe, la réponse de César ne fait pas moins preuve d’une accueillante simplicité.

Un jeune homme doué 

Après une enfance pieuse à Cavaillon, sa ville natale, où il s’installe dans sa chambre un petit oratoire pour se recueillir, et après de bonnes études en Avignon, il s’engage à dix-huit ans, en pleine guerre civile, dans les « Milices catholiques », puis monte à Paris, où il mène une vie mondaine, dédiée à la littérature — César est poète — et à la fréquentation des salons, vie qu’il poursuivra ensuite en Avignon, jusqu’à ce que son père, très âgé et affaibli, le rappelle à Cavaillon. Peu de temps après, César perd à la fois son père et un frère.

C’est ici qu’interviennent deux personnages importants et inattendus de la vie de César : Antoinette et Louis, tous deux liés à la cathédrale de Cavaillon. Antoinette est, à l’instar de la prophétesse Anne de l’évangile de Luc, une veuve sans enfants qui consacre la plus grande partie de sa vie à la prière. Elle a acquis une authentique sagesse spirituelle. Louis Guyot est un tailleur de pierres qui fait aussi office de sacristain. Il a au cœur un grand amour de l’eucharistie, doublé d’une sincère attention aux pauvres. Antoinette a la première la conviction qu’il importait d’arracher César à la dispersion mondaine et de le ramener à une plus grande ferveur. Elle s’associe le pieux Louis, et tous deux unissent leurs prières et leurs efforts en vue de la conversion de César. Antoinette s’adresse à César avec autorité prophétique, en lui disant en substance, d’après les témoignages : « Monseigneur, on ne badine pas ainsi avec Dieu. Il vous appelle et vous ne l’écoutez pas. Il continue à vous attirer et vous continuez à le fuir. Prenez garde qu’Il ne se fatigue à la fin. » Non sans humour, elle tente de l’inciter à lire une vie de saint : « Vous êtes toujours très courtois et très aimable envers les autres. Il n’y a qu’avec moi que vous vous montrez désobligeant. Je vous en prie, prenez ce livre et pour ma seule consolation, lisez en sept lignes, en l’honneur des sept douleurs de Notre-Dame, ou même cinq en l’honneur des cinq plaies de Notre-Seigneur, ou si cela vous paraît trop, seulement trois en l’honneur des trois Personnes de la Sainte-Trinité… » Elle le supplie au moins de recommander son âme à Dieu avant de quitter sa maison quand il sort pour une soirée. César le fait un soir et, comme cela sera aussi le cas trois siècles plus tard pour la future sainte Faustine au cours d’un bal (et comme cela a dû arriver à nombre de saints), il a alors une apparition du Christ portant sa croix qui lui dit : « Tu t’apprêtes à me crucifier une seconde fois ! » Naturellement, il ne se rend pas à la fête et passe la nuit en prière.

Une conversion difficile

César remercie alors chaleureusement Antoinette de sa sollicitude et de ses incitations. Elle l’engage à rencontrer Louis le sacristain et à se confier à ses conseils spirituels, ce qu’il fait. Cet épisode est le début de sa conversion, qui ne fut pas immédiate, mais qui témoigne de la puissance de l’intercession. Plus près de nous, des proches de Charles de Foucauld, en particulier sa cousine, l’ont ainsi porté dans la prière jusqu’à sa conversion et au-delà.

S’installant à nouveau en Avignon, César traverse une période difficile : il souhaite changer de vie et se mettre sous la direction d’un prêtre bon conseiller, mais a du mal à quitter ses anciennes relations et ses habitudes mondaines. Cependant, à la suite d’un pèlerinage auprès du tombeau de sainte Marthe à Tarascon, la rencontre en Avignon d’un saint confesseur jésuite, le père Pierre Péquet, lui permet de franchir le pas et de s’engager définitivement à la suite du Christ. Naît alors dans son cœur le désir du sacerdoce. Il est ordonné prêtre dans la cathédrale de Cavaillon en 1582, à l’âge de 38 ans.

Un prêtre disponible

Commence alors la seconde et plus riche partie de sa vie. Devenu prêtre du diocèse de Cavaillon, à peine ordonné, César découvre qu’il a le don de la parole et de la prédication — ce qui n’est pas surprenant pour un poète ! Des témoins attestent : « Ses paroles étaient simples, sa voix douce, son geste sobre et son attitude recueillie. » Il semble que, dès l’abord, il trouve son style : ferveur, simplicité et sobriété, sans excès de rhétorique ni d’interpellations des auditeurs. Dans le même esprit, il s’adonne à la formation catéchétique des enfants, à l’accompagnement des religieuses (en particulier les bénédictines de Cavaillon), puis aussi des religieux, ainsi qu’aux controverses avec les protestants, qu’il mène amicalement et efficacement.

Au bout de quelques années, après une épreuve de santé, César recherche la solitude adonnée à la prière, tout en restant disponible pour la prédication et le conseil de ceux qui le sollicitaient. Il quitte la noble demeure des Bus pour s’installer d’abord dans le cloître de la cathédrale, puis s’installe dans un ermitage adjacent à la chapelle Saint-Jacques, un peu à distance de la ville de Cavaillon. Il se trouve alors arraché à cette retraite par un appel de l’évêque de Viviers — terre proche des Cévennes —, qui fait appel à César ainsi qu’à l’un de ses proches pour prêcher une mission en Ardèche, qui se révèle fructueuse.

Dans la mouvance de l’action réformatrice menée en Italie par Charles Borromée, et non sans lien avec la spiritualité populaire de Philippe Neri, César s’ouvre alors à son évêque du projet qu’il envisage de fonder une compagnie de prêtres et de religieux. L’évêque de Cavaillon adhère pleinement à cette entreprise, qui voit le jour à l’Isle-sur-Sorgue, pour la saint Michel 1592 (César a 48 ans). Le but de cette association est d’assurer des instructions familières, propres à nourrir la foi et à guider la conduite des fidèles, en un langage simple et populaire. L’Institut de la Doctrine chrétienne prend réellement son essor un an plus tard en Avignon, quand l’évêque d’Avignon l’installe dans l’ancien couvent des dominicaines de cette ville. Le petit groupe est très sollicité, tant les besoins sont grands, et l’arrivée de nouveaux membres, même illettrés comme Antoine Vigier dont nous avons parlé, est bienvenue.

Les épreuves se multiplient

L’aggravation des difficultés de vue de César, qui à cinquante ans devient aveugle, marque le début de la dernière partie de sa vie. Par respect pour le corps et le sang du Christ, qu’il craint de mal manipuler, il fait le grand sacrifice de renoncer à célébrer la messe. La cécité ne freine pourtant pas son activité de prédicateur et de guide spirituel, enrichie par ses charismes de clairvoyance et de prophétie. La même année 1594, sa nièce Constance de Bus entreprend, de concert avec son oncle, de fonder, à l’Isle-sur-Sorgue et en Avignon, une communauté de femmes adonnées à la formation des filles, les enseignantes ursulines. 

Au cours des huit dernières années de sa vie, les épreuves se multiplient pour César, déjà très éprouvé dans sa santé : critiques, calomnies, attaques judiciaires. Il reste serein et encourage ses compagnons. En ces mêmes années pourtant, la renommée de l’Institut de la Doctrine chrétienne se répand. Pierre de Bérulle, qui pense à fonder à Paris un équivalent de l’Oratoire italien de Philippe Neri, sollicite François de Sales, puis César de Bus pour en prendre la direction avant de l’assumer lui-même, sur le refus de ces deux saints, très pris l’un et l’autre par leurs missions respectives. Bérulle prend alors conseil de César et s’inspire de son Institut. À la suite d’une éprouvante maladie, César meurt le jour de Pâques 1607. Les critiques se taisent alors, et tous sentent qu’un saint est mort chez eux. Quelques années plus tard, François de Sales se rend en Avignon à l’Institut de la Doctrine chrétienne et veut célébrer la messe des confesseurs de la foi, et non la messe des défunts, en l’honneur de César de Bus : « Le Père de Bus était un saint, dit-il, et je veux remercier Dieu des grâces qu’il lui a accordées. » On vient prier près de sa tombe, où se sont produits des miracles. L’Institut de César étant resté plus vivant en Italie qu’en France, son corps est transféré en 1936 d’Avignon, où il repose, à l’église S. Maria in Monticelli à Rome, où il se trouve actuellement.

Il ne faisait pas de bruit

Au terme de ce parcours de la vie de César de Bus, nous en revenons au point de départ : la discrétion. César était manifestement un homme délicat, qui ne voulait pas s’imposer. Il a mis en œuvre un charisme paternel de supérieur à l’égard des membres de son Institut, mais comme en restant en retrait. Un saint qui ne faisait pas de bruit, peut-être par la grâce de Marie, avec laquelle il entretenait une grande intimité. On perçoit cependant une vraie continuité dans son existence parfois troublée : se défier de soi avec humilité, s’attacher à Jésus, en particulier à Jésus souffrant, l’imiter dans son charisme de prédication de la parole de Dieu et dans sa disponibilité au tout venant, rester paisible dans la confiance. On entend un bel écho de l’entretien de Jésus avec ses apôtres après la Cène en saint Jean (Jn 13-17) dans cette prière de César : « Adorable Jésus, selon votre parole, soyez au milieu de nous, puisque c’est en votre nom que nous sommes ici réunis. Dieu de consolation, de patience, de charité et d’unité, faites que nous ayons toujours les mêmes pensées, les mêmes sentiments, dans l’expression de la même charité, afin qu’en annonçant votre Évangile, d’une même bouche avec les mêmes paroles, nous arrivions à glorifier votre Père et Vous même dans l’unité du Saint-Esprit. Ainsi soit-il ». Qu’est-ce d’autre qu’un saint d’ailleurs, sinon celui qui donne Jésus aux autres ?

Tags:
Béatification et canonisationSaints
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