Chacun à sa manière, le scientifique Pierre Teilhard de Chardin et l’académicien René Girard, sans être théologiens, ont donné à la foi une place dans la pensée qui se croyait postchrétienne. Pour l’essayiste Jean Duchesne, ils ont ouvert de nouvelles approches et compréhensions de la foi.
Les catholiques — au moins français — n’ont sans doute pas encore pris la mesure des contributions de deux de leurs compatriotes et coreligionnaires, qui leur donnent de rester culturellement « dans le coup » au XXIe siècle. Je veux parler de deux personnalités successives et qui n’ont pas tellement de points communs : d’abord le jésuite Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955), et puis le laïc René Girard (1923-2015). L’un et l’autre se sont employés à montrer que la foi avait, dans des domaines fort différents, des pertinences jusque-là insoupçonnées, et ils ont été paradoxalement parfois mieux reçus dans les milieux profanes que dans l’Église.
Ni l’un ni l’autre n’a fait carrière en France et tous deux ont fini leur vie aux États-Unis. Mais les ressemblances formelles s’arrêtent là. Ils ne sont pas contemporains. Comme scientifique, Teilhard (1881-1955) n’a guère été contesté dans son domaine : la paléontologie. Il y a même été reconnu comme un chercheur éminent. Girard (1923-2015) pour sa part a été critiqué par les gardiens des territoires de chasse où il avait braconné : littérature, philosophie, anthropologie, sociologie, psychanalyse, etc. Teilhard a été censuré par le Saint-Office. Girard n’a jamais encouru les foudres de Rome, mais il a été traité d’amateur superficiel et présomptueux par des théologiens de métier.