Entre remède divin et remède humain, quel est le plus efficace pour guérir ? Auteur de "Pauline Jaricot, marmitonne de Dieu" (Cerf), Henri Quantin rapporte cet échange savoureux entre la nouvelle béatifiée et le cardinal secrétaire d’État du pape Grégoire XVI : pour que le médecin soit efficace, l’effort du patient, donc la "vertu de Jésus Christ" est nécessaire…
Quelle place pour la nature, quelle place pour la grâce ? Quelle efficacité de l’action des hommes, quel rôle de l’action de Dieu ? Si, en principe, tous les catholiques s’accordent sur la nécessité de la coexistence des deux, la question du dosage a provoqué bien des querelles dans l’histoire de l’Église et sous-tend encore bien des controverses. Peut-être est-ce même la toile de fond plus ou moins visible de toutes les disputes, qu’on soit adepte d’ »aide-toi le ciel t’aidera » — ce qui masque mal, parfois, un appel à laisser Dieu en dehors de l’affaire — ou qu’on professe un peu vite que « rien n’est impossible à Dieu », comme un alibi pour ne rien faire soi-même.
Il se peut que les vifs débats qui ont accompagné la privation eucharistique du confinement aient eu leur source en ce même lieu de questionnement : jusqu’où peut-on accepter d’être privé du remède divin par excellence au nom de la prudence humaine ? L’urgence est-elle d’être sauvé de la mort par un vaccin ou du péché par le Christ ? Les deux questions relèvent évidemment de deux ordres différents, mais elles ne peuvent pas être entièrement séparées, puisque la grâce n’abolit pas la nature. En ce sens, il est juste de renvoyer dos à dos deux amputations caricaturales de l’être humain : un matérialisme jugeant qu’il n’a besoin que de pain et de médicaments ; un angélisme estimant qu’il ne vit que de d’hosties et d’absolutions. L’un fait bon marché de l’efficacité sacramentelle ; l’autre tend à oublier que la grâce s’inscrit dans l’incarnation, dont elle est même un prolongement.