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Les croix rouges du père de Montfort

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croix de pontmain

© Collège Saint-Joseph

La croix de Pontmain au collège Saint-Joseph de Cossé-le-Vivien.

Anne Bernet - publié le 27/04/22

Les avez-vous déjà vues, au carrefour des chemins, ces croix peintes en rouge, dans l’Ouest de la France ? Elles sont le souvenir des croix élevées par le père Louis-Marie Grignion de Montfort, en mémoire du sang de la Passion du Christ.

Longtemps, de nombreux carrefours de la Mayenne, mais également des départements voisins, ont offert à la dévotion des passants des croix et des calvaires, ce qui n’a rien d’exceptionnel dans l’Ouest, où la déchristianisation s’est faite moins vite sentir qu’ailleurs. Ces croix qui, heureusement, subsistent encore souvent, sont pour beaucoup, et c’est leur particularité, peintes en rouge. Si vous demandez pourquoi, l’on vous répondra qu’elles rappellent le crucifix rouge, car réellement ruisselant du sang de Son Fils, que Notre-Dame, toute attristée, a tenu dans ses mains lors de son apparition de Pontmain le 17 janvier 1871. C’est exact mais ce crucifix sanglant offert à la vénération des fidèles, la Sainte Vierge, par l’une de ses gracieusetés dont Elle a le secret, l’a emprunté à l’un de ses grands dévots, Louis-Marie Grignion de Montfort qui, toute sa vie, mit la Croix au cœur de sa prédication.

Comment en serait-il autrement puisque c’est bien par la croix que la Rédemption a pu s’opérer ? Pour le père de Montfort, rappeler à des populations gagnées par l’indifférentisme, la tiédeur, parfois imprégnées de protestantisme, ce que chacun d’entre nous a coûté au Sauveur est une urgence absolue. « Moi, ce n’est pas pour rire que je t’ai aimée… » a dit un jour le Christ dans une apparition à Catherine de Sienne. De cela, Louis-Marie est persuadé et il voudrait, de tout son cœur et toute son âme, faire partager sa gratitude débordante à ceux qu’il rencontre. 

Reste que la croix fait peur et que beaucoup aimeraient l’évacuer, au profit d’une religion plus « douce », moins « doloriste », comme s’il était possible d’en faire l’économie. Cela, le père de Montfort, qui, en ce domaine, donne l’exemple, ne le veut pour rien au monde et ce choix courageux ne lui fait pas que des amis. Tant s’en faut ! Lorsque, en 1706, le jeune prêtre qu’il est encore se voit, première déconvenue dans une existence qui n’en manquera pas, interdire par l’évêque de Poitiers de poursuivre les missions qu’il prêche dans le diocèse, alors qu’il sait intimement que Dieu l’appelle à cette tâche d’évangélisation, Louis-Marie décide d’en référer à l’autorité suprême et part, à pied, sans un sou en poche, pour Rome, afin de consulter le pape Clément XI sur l’orientation qu’il doit donner désormais à son apostolat. Doit-il quitter la France pour aller porter l’évangile aux païens ou son intuition est-elle bonne et doit-il continuer à réveiller la foi chez lui ? 

L’on est alors, en France, au pire de la crise janséniste, desséchante, et d’un regain de gallicanisme qui incline le clergé français à en prendre à son aise avec les directives romaines. Pour Clément XI, la visite de Louis-Marie est un signe d’espoir : prêtre marial, il combattra le mépris du jansénisme envers Notre-Dame, mandaté directement par le souverain pontife, il rappellera le primat de Rome. C’est en France que le prêtre doit travailler et le pape lui donne le titre de « missionnaire apostolique », preuve qu’il approuve son action. En dépit des apparences, cela ne lui facilitera pas les choses.

La croix indulgenciée

Pour bien marquer sous quel signe il place son œuvre, Louis-Marie demande au pape d’attacher une indulgence plénière, l’effacement des peines dues pour les péchés avoués et pardonnés, au crucifix d’ivoire dont il sert dans ses prédications, pour ceux « qui le baiseront à l’article de la mort en prononçant les noms de Jésus et Marie avec contrition de leurs péchés ». Il obtient aussi la permission de bénir les petites croix d’étoffe ou de papier portant les noms du Sauveur et de sa Mère qu’il a l’habitude, empruntée à un autre prédicateur breton, le père jésuite Julien Maunoir, de distribuer à ceux qui ont assisté aux trente-trois sermons de ses missions. C’est muni de ces permissions et plein de projets que Louis-Marie regagne la France pour s’y mettre aussitôt au travail. Il commencera par sa Bretagne natale où, dans sa ville de Montfort, il fera parler, jusqu’à tirer des larmes aux plus insensibles, le Crucifié dont il brandit l’image, mais, et beaucoup lui en voudront, il interdit à ceux et celles, y compris des religieuses, dont la tenue trop élégante ou l’attitude trop mondaine trahissent l’absence de mortification ou de repentir, de vénérer cette croix indulgenciée, punition qui vise d’abord à provoquer un retour sur soi-même et un réel désir de conversion. Malheureusement, certains, humiliés, ne le comprendront pas ainsi et chercheront par tous les moyens à se venger de ce missionnaire trop sévère.

Il veut des croix partout

En maints endroits, le père de Montfort est mal reçu d’un clergé qui voit dans son dépouillement et ses mortifications un reproche fait à ses propres mœurs. Loin de s’en désoler ou s’en offusquer, il se félicite des avanies endurées, remercie affectueusement de leurs « bontés » les curés qui lui ont fait le plus mauvais accueil et, un jour où, par extraordinaire, on le reçoit avec maintes attentions, il prétend s’en aller immédiatement sous prétexte que, faute de souffrir, sa mission ne portera pas de fruits, conviction exprimée dans une formule qui pourrait lui servir de devise : « Pas de croix ? Quelle croix ! » Reste qu’il faut être parvenu à un haut degré de sainteté pour appréhender la vie sous cet angle…

La croix, il la voudrait partout, bien visible, dominant le paysage et rappelant que l’on est en terre chrétienne.

La croix, il la prêche, il la chante, en des vers simples, faciles à retenir mais qui contiennent toute une catéchèse, tel le célèbre Vive Jésus, Vive Sa Croix qui, après plus de trois cents ans, fait encore partie des cantiques français populaires. La croix, il la voudrait partout, bien visible, dominant le paysage et rappelant que l’on est en terre chrétienne. Pourtant, cette trop grande visibilité dérange, irrite. Chez lui, à Montfort, le duc de La Trémoille a refusé la construction d’un calvaire. Louis-Marie va porter le projet ailleurs, à Pontchâteau. Cette fois, il voit grand. Sur les landes désertes et incultes de la Madeleine, il veut bâtir un gigantesque ensemble à la gloire de la Passion.

Le calvaire démesuré de Pontchâteau 

D’après certains récits locaux, ces lieux ont été, quarante ans plus tôt, à l’époque de la naissance du Père de Montfort, le théâtre d’événements étranges : l’on y a vu apparaître des croix lumineuses tandis que retentissaient des chants angéliques, preuve que le Ciel a des vues sur cet endroit. Quant au projet, il est démesuré : charrier des tonnes de terre afin d’élever « une montagne » au sommet de laquelle se dresseront, taillées dans les plus beaux châtaigniers que l’on pourra trouver, les croix du Christ et des deux larrons. Celle de Jésus sera rouge, celle de Dismas, le bon larron, verte, signe d’espérance, et noire celle du mauvais larron. Au pied de la croix du Rédempteur, l’on placera les statues de Notre-Dame, de saint Jean et de sainte Marie-Madeleine, à qui la vieille chapelle érigée à côté est d’ailleurs dédiée. Autour de cette réplique du Golgotha, comme pour le couper du monde, Montfort veut des douves. Puis, au-delà, représentant les grains d’un rosaire géant, l’on plantera cent cinquante sapins, correspondant aux ave, et quinze cyprès correspondant aux Pater

En 1710, au prix d’efforts colossaux, de sacrifices incessants consentis par les ouvriers volontaires, et de quelques miracles, le chantier est quasiment fini, la bénédiction prévue pour le 14 septembre, fête de la croix glorieuse. Elle ne se fera pas. La veille de la cérémonie, la nouvelle frappe Louis-Marie comme la foudre : l’évêque de Nantes interdit la bénédiction et retire les autorisations qu’il avait données pour la construction. Pis encore, Louis XIV en personne, auprès de qui certains ennemis du père de Montfort ont intrigué, n’hésitant pas à présenter le calvaire de Pontchâteau, avec ses « douves et ses souterrains » comme une « forteresse » dissimulée propre à favoriser un éventuel débarquement anglais dans la région nantaise, hypothèse plausible en cette période de la guerre de succession d’Espagne qui voit la France au bord de la défaite, de l’invasion et de l’écrasement, a donné l’ordre formel de démolir immédiatement toutes les constructions, à l’exception de la chapelle de la Madeleine.

Il en bâtira d’autres

Enfin, pour faire bonne mesure, l’évêque de Nantes chasse le père de Montfort de son diocèse, avec interdiction d’y prêcher. Louis-Marie se soumet à tout sans broncher ni se plaindre, comme à la volonté manifeste de Dieu. Il sait qu’il n’a pas œuvré en vain. Des calvaires, plus modestes il est vrai, il en bâtira d’autres, qui marqueront le territoire de la future Vendée militaire. Quant à celui de Pontchâteau, il sera en effet rebâti en 1821, plus grand encore et ne cessera plus d’attirer les foules. C’est certainement cette constance et cette fidélité jusque dans les épreuves les plus douloureuses de son loyal serviteur que Notre-Dame a voulu honorer en offrant à Pontmain le crucifix rouge aux regards.

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