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Présidentielle : les catholiques tentés par le vote blanc ?

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élections ; politique ; vote ; république

© Corinne SIMON/CIRIC

Philippe de Saint-Germain - publié le 21/04/22

Le second tour de l’élection présidentielle opposera deux conceptions de la politique qui n’emballent pas les Français. Le vote blanc pourrait rallier de nombreux électeurs, dont les catholiques.

Cinq ans plus tard, les mêmes et on recommence. Le président sortant promettait « des résultats » pour empêcher Marine Le Pen d’être au second tour : non seulement il a échoué, mais il a renforcé son adversaire. Cela pourrait lui être reproché, notamment par les Français modérés, réfractaires aux politiques les plus clivantes. Par l’effet du vote utile qui a joué à plein au premier tour, les Français se retrouvent devant une offre politique qui ne suscite aucun enthousiasme. Avant le scrutin du 10 avril, 66% des Français voulaient changer de président de la République : ce désir s’est manifesté dans les urnes, puisque 72% des votants (80% des inscrits) n’ont pas choisi de voter Emmanuel Macron. 34% de ses électeurs ont même avoué avoir voté pour lui par utilité et non par conviction. Marine Le Pen de son côté (23% des suffrages exprimés) a réuni la même proportion de votes utiles que le président sortant.

Une porte de sortie ?

Comment vont voter les catholiques le 24 avril ? La dispersion de leur vote au premier tour a traduit un certain désarroi, là où les précédents scrutins indiquaient une relative unité. Même convaincus — et plus que d’autres — que la perfection n’est pas de ce monde, l’écart entre l’imperfection raisonnable et les propositions politiques qui se présentent à leur suffrage pourrait leur sembler cette fois-ci carrément insurmontable. Or pour la première fois, les évêques de France ont admis la possibilité du vote blanc dans leur document de réflexion publié avant l’élection : L’Espérance ne déçoit pas (Cerf). En outre, ils n’ont cédé à aucune pression pour donner des consignes de vote, y compris pour le deuxième tour. “Pas question de cléricaliser le vote”, explique Mgr Matthieu Rougé. C’est dire si le choix du vote blanc pourrait offrir à certains catholiques une porte de sortie, sans se dérober à leur devoir de participation à la vie politique (Gaudium et Spes, 75). 

En 2017, l’explosion du vote blanc lors du second tour avait été la principale leçon de ce scrutin : il avait été multiplié par plus de quatre entre les deux tours et pulvérisait le précédent record de 1969 (6,4%) pour atteindre 11,5%. Parmi ces bulletins, se trouvait déjà le choix de nombreux catholiques dont le vote blanc, sur la base des intentions de vote après le premier tour, aurait dépassé les 15% de leurs suffrages. 

Deux pathologies politiques

Mgr Éric de Moulins-Beaufort a résumé crûment le dilemme devant lequel se trouvent les catholiques. Dans son discours de clôture de l’assemblée plénière du 7 avril, à Lourdes, le président de la Conférence des évêques de France a déclaré : “Notre pays ne se grandit pas en prétendant s’entourer de murs, il ne se grandirait pas non plus s’il en venait à renoncer à accompagner les êtres humains jusqu’au bout de leur vie en les entourant de fraternité au profit d’une mort prétendument douce.” Au-delà de deux mesures programmatiques particulières — le renvoi des étrangers sans emploi ou l’euthanasie, “grand projet du président-candidat” —, qui peuvent évoluer au gré des circonstances, il y a bien deux conceptions de la politique. D’un côté, un progressisme libéral-libertaire, de l’autre le radicalisme des purs. Le paradigme technocratique sans frontière opposé à l’utopisme démagogique, la perte de soi contre l’enfermement sur soi.

Ces deux politiques sont manipulatoires. Le cardinal Jorge-Mario Bergoglio, futur pape François, les a décrites sous la forme du “syncrétisme conciliant” et de la “pureté nihiliste” [1] :

“Le syncrétisme fascine avec son semblant d’équilibre. Il se produit souvent en prétendant trouver le juste milieu, en contournant le conflit par l’équilibre des forces. […] Lui-même se considère comme une valeur et son soubassement s’enracine dans la conviction que chaque homme a sa vérité et son droit. Il aime proclamer les “valeurs communes” qui sont transversales par rapport aux identités et aux appartenances.” 

À ses côtés, “la prétendue recherche de la “pureté” est jumelée au syncrétisme conciliant : la raison pure, la science pure, l’art pur, les systèmes purs de gouvernement, etc. Cette soif de pureté, qui prend parfois la forme du fondamentalisme religieux, politique ou historique, survient aussi aux dépens des valeurs historiques des peuples, et isole la conscience d’une manière telle qu’elle conduit les hommes à un véritable nihilisme”. Par glissement, ce nihilisme conduit au refus des limites du réel et de la politique comme science du compromis sans cesse perfectible vers le bien. 

Ces deux pathologies du politique, que l’on trouve sous des formes variées dans tous les partis, s’opposent au bien commun : le relativisme aligné sur l’opinion dominante, et le culte du pouvoir politique partisan. Des deux formules, la plus dangereuse n’est pas celle qu’on croit, car c’est l’une qui engendre l’autre : “En définitive, soulignait le futur pape François, c’est le syncrétisme conciliant qui est la forme la plus larvée du totalitarisme moderne : le totalitarisme de celui qui réconcilie, en ignorant les valeurs qui transcendent.”

Le choix de la modération

Historiquement, le catholique a toujours soutenu les options politiques modérées, sachant qu’on ne construit pas la paix sociale, première condition du bien commun, dans l’excès. Il pourrait être fondé aujourd’hui à constater que le clivage qui s’oppose le plus à l’unité sociale n’est pas entre la France élitaire et la France populaire, mais entre celui d’un double système idéologique mensonger et la réalité d’une société civile qui doit reconquérir la politique avec des élus en mesure de relayer ses attentes véritables, hors de toute logique de parti et d’esprit de système. En tout état de cause, des catholiques peuvent estimer en conscience que le choix proposé, quel que soit le candidat, ne renforce en rien “l’élan collectif pour choisir de vivre ensemble en paix” comme le recommandent les évêques, mais au contraire s’applique structurellement à le déconstruire, notamment en gouvernant par la peur et non par la confiance.

L’enjeu décisif des législatives

Dès lors, comment orienter son choix ? Quoi qu’il arrive, le vote doit être modeste. Voter reste un devoir de justice à l’égard du bien commun, qui engage en conscience, sachant que la conscience est guidée par la vertu de prudence (cf. CEC, 1780). Ce n’est pas un choix à l’instinct, la conscience doit se prononcer rationnellement en fonction d’une finalité juste à court, moyen et long terme et d’un contexte. Il s’agit non de choisir le bien et le mal, mais de participer à l’orientation d’une dynamique positive qui concourt à l’amélioration de la situation. Si aucune option ne paraît satisfaisante, l’objectif doit être politique et se projeter à l’échéance suivante. Lles urnes décideront d’un président au soir du 24 avril, quandt bien même les observateurs décriront une élection en grande partie par défaut au regard du faible taux du vote de conviction dans les suffrages. Le nouveau président devra constituer une majorité parlementaire, sans laquelle il ne peut gouverner. Si bien que la véritable “partie” se jouera en réalité aux législatives.

Sans entrer ici dans des considérations tactiques, l’électeur modéré peut estimer qu’un vote blanc renforcera de facto les candidats aux législatives qui partagent son désaccord avec le modèle politique des deux candidats à la présidentielle, et qui pourraient être en mesure de constituer tout ou partie d’une opposition efficace et constructive. Dans cette perspective le vote blanc, quelle que soit la manière dont il sera comptabilisé, ne peut pas être considéré comme un désengagement s’il s’inscrit en conscience dans un discernement de vote en vue des législatives où il faudra trancher selon un choix véritablement conséquent. Ce peut être un choix responsable de certains catholiques, associant particulièrement la désignation du pouvoir exécutif au pouvoir législatif.

[1] Cardinal Jorge-Mario Bergoglio, Espérance, Institutions et Politique, Parole et Silence, 2014, p. 105.

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Tags:
ÉlectionsPolitique
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