Dans son dernier ouvrage, “Le Catholicisme contemporain en péril” (Artège), le père Philippe Capelle-Dumont pose, sans fatalisme, la question de la survie du christianisme. Dans une perspective de lucidité et d’espérance, dans l’esprit de l’épisode de "la tempête apaisée", il invite à "une spiritualité de l’alliance".
Le père Philippe Capelle-Dumont est théologien et philosophe, doyen honoraire de la faculté de philosophie de l’Institut catholique de Paris et président d’honneur de l’Académie catholique de France. Il décline dans un entretien avec Aleteia les principaux motifs d’inquiétude selon lui pour le destin du catholicisme. Pour mieux encourager à un effort de discernement, en appelant au ressourcement dans le « génie spirituel du christianisme ». Pas d’espérance sans lucidité, dit-il, l’heure est venue du « parler vrai » que le monde attend.
Aleteia : Pourquoi la question de la « survie » du christianisme se pose-t-elle aujourd’hui ?
Philippe Capelle-Dumont : Nous sommes parvenus à ce moment historique où les sociétés occidentales et au-delà, qui consomment en bonne part l’héritage chrétien qui leur a été légué, connaissent le dessèchement auquel conduit le déficit de gratitude à son endroit. Les chiffres concernant aussi bien les vocations, la dé-ritualisation du catholicisme que l’appartenance religieuse, sont connus. Ils forment autant d’indications qui, chez un éminent sociologue actuel de la religion, justifient le constat d’un effondrement spectaculaire du catholicisme, et pas seulement en France. Or, celui-ci a fait la France, et le christianisme, plus largement, a fait l’Europe sous mode certes non exclusif, mais paradigmatique. Le fait que, depuis un demi-siècle, son patrimoine intellectuel, éthique et symbolique s’absente à grande vitesse des mémoires collectives, est étourdissant. Sa marginalisation sociale et culturelle en Europe et en maintes régions du monde ne saurait toutefois s’accommoder des alibis affligeants selon lesquels la qualité du « chrétien » se serait heureusement substituée à sa quantité. Ce qui importe à ce stade, c’est de saisir lucidement le mouvement de provenance de cette situation, qui relève du temps long : à mes yeux de façon flagrante depuis le début du XVIIIe siècle. À partir de ce moment en effet, le christianisme fut compris comme un simple auxiliaire, bientôt obsolète sur la route de l’éducation de l’humanité.