Pour des raisons de sécurité, vous ne pouvez pas nous dire où vous êtes, mais pouvez-vous nous dire si vous êtes dans une zone de conflit ?
Effectivement, tous les prêtres de notre congrégation ne peuvent fournir des détails sur leur localisation. Ce que je peux vous dire c’est que trois de nos communautés se trouvent dans l’ouest de l’Ukraine. Nos prêtres accueillent des réfugiés et coordonnent la collecte et l’acheminement de l’aide humanitaire vers le centre et l’est de l’Ukraine. Pour ma part, avec ma communauté, je suis en Ukraine centrale, non loin de Kiev. La situation à l'heure où je vous parle est assez calme, mais entre le 24 et le 26 février dernier, elle a été assez tendue à cause des frappes. Malgré tout, nous continuons à célébrer la Sainte Messe deux fois par jour, et la nuit nous accueillons les réfugiés qui dorment dans les locaux de l’église paroissiale.
Et comment cela se passe-t-il dans les deux autres communautés ?
Il y a une communauté dans le Donbass, à l’est, où les combats sont très violents. Par sécurité, les prêtres ont quitté la ville, et sont à la périphérie où ils célèbrent la messe quotidiennement. Les samedis et les dimanches, ils retournent dans le centre-ville pour célébrer la messe et confesser les fidèles. L’autre communauté se trouve dans le sud, près de la Crimée, où la situation n’est pas facile non plus. Les troupes russes ont assiégé presque toute la région de Kherson. Nos prêtres sont en sécurité dans un endroit où il n’y a pas eu d’attaques et ils peuvent célébrer la messe et soutenir leurs paroissiens à la fois dans la prière et moralement. Le plus gros problème dans ces régions est qu'aucune aide humanitaire ne parvient aux villes et villages de la région du Donbass et de la ville de Kherson. Le manque de nourriture, de communications téléphoniques et, dans certaines villes, d’électricité, d’eau et de chauffage, risque de provoquer une terrible catastrophe humanitaire.
L’Église doit être avec ses fidèles, avec son peuple, afin qu’il ne soit pas laissé seul sans soins spirituels, surtout en des temps aussi difficiles que la guerre
Que signifie la présence de prêtres et de religieuses pour la population ?
Malgré les dangers, nous continuons à célébrer la Sainte Messe tous les jours. Nous continuons également à offrir la catéchèse et la prière en ligne. Nous soutenons les réfugiés en les accueillant dans nos églises, nos couvents ou dans les maisons des membres du tiers-ordre. Les sœurs, malgré la situation difficile, continuent de s’occuper des enfants et des personnes âgées dans les maisons de la miséricorde. On a dû évacuer un certain nombre d’entre eux vers des lieux plus sécurisés.
Nombreux sont les prêtres et évêques qui refusent de partir malgré le danger, pourquoi restent-ils à votre avis ?
L’Église doit être avec ses fidèles, avec son peuple, afin qu’il ne soit pas laissé seul sans soins spirituels, surtout en des temps aussi difficiles que la guerre. La présence du pasteur est très importante pour la communauté ecclésiale. Le Christ lui-même nous enseigne : "Je suis le bon pasteur. Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis" (Jn 10 :11-16). Pour cette raison, comme Jésus-Christ nous l’enseigne, nous devons être des pasteurs et ne pas laisser nos brebis abandonnées à leur sort.
L’Aide à l’Église en Détresse a pu fournir une aide d’urgence immédiate et assiste l’Église gréco-catholique ukrainienne depuis de nombreuses années, avez-vous un message pour ses donateurs ?
Je veux m’adresser aux fidèles avec les paroles du Christ : "Quand vous entendrez parler de guerres et de désordres, ne soyez pas terrifiés..." (Lc 21, 9). En ce moment en Ukraine, non seulement nous entendons parler de la guerre, mais nous la voyons et la vivons dans les rues de nos villages. Cependant, nous devons éloigner la peur par la prière et l’amour pour notre patrie. La guerre est une manifestation du mal, et le mal est l’absence du bien. En tant que chrétiens, nous devons d’abord lutter pour défendre ce qui nous appartient et aussi rechercher le bien de nos propres ennemis en priant pour leur conversion. Je vous demande de prier pour la fin rapide de la guerre de la Russie contre l’Ukraine et pour la conversion des dirigeants politiques russes. Le moment historique dans lequel nous vivons nous rappelle aujourd’hui l’appel de la Vierge à Fatima, qui, comme nous le voyons, est toujours d’actualité. Prions ensemble et confions cette demande à la Sainte Vierge Marie, afin qu'elle soit enfin exaucée.
Que ferez-vous si votre région est occupée par les troupes russes ?
Si nos vies ne sont pas menacées, nous continuerons à servir chacun à sa place. C’est ce que notre Église a déjà vécu depuis l’annexion de la Crimée et la guerre du Donbass. Grâce au courage des prêtres locaux, notre Église continue de servir en Crimée et dans le Donbass. Avec ce conflit, il y a un danger que les gens soient gagnés par la haine.
En tant que prêtre, que pouvez-vous faire pour aider les gens à l’éviter ?
C’est un vrai danger. En ces temps difficiles de guerre, qui sèment la haine et la violence, nous devons prêcher la loi de la charité évangélique. Tous, sans distinction, civils et soldats, doivent être guidés par l’amour et non par la haine. Ce sont précisément les paroles du primat de l’Église gréco-catholique ukrainienne, Sa Béatitude Sviatoslav Chevtchouk, qui résume très bien ce principe de l’amour en temps de guerre : "Apprenons à aimer en cette période tragique ! Ne laissons pas la haine nous submerger, n’utilisons pas ses mots ni ses phrases".
Comment ce soutien financier aide-t-il les prêtres, les religieux et les personnes là où vous vous trouvez ?
Le soutien financier que nous recevons chaque année de l’AED est très utile, tant pour la formation intellectuelle et les besoins personnels de nos séminaristes et de nos prêtres, que pour les différents projets pastoraux des paroisses où nous sommes présents. Pour cela, nous sommes très reconnaissants envers tous vos donateurs. Sachez que nous nous souvenons toujours de vous dans nos prières.