Véronique, 64 ans, mariée et mère de cinq enfants, a quitté durant huit mois le domicile conjugal après trente années de vie commune : "La vie familiale était très prenante, nos vies professionnelles et sociales tout autant. Mon mari et moi nous sommes retrouvés brutalement face à face, tels deux étrangers. Les enfants partis, alors qu’une nouvelle vie s’annonçait, j’ai pris conscience du fossé qui avait fini de s’installer entre nous", confie-t-elle à Aleteia. Si la meilleure préparation à la vie à deux une fois les enfants partis demeure le soin apporté à son couple tout au long de la vie conjugale, il y a cependant des points de vigilance à avoir au moment où les enfants quittent le nid. Bénédicte Lucereau, thérapeute de couples au cabinet Mots croisés, en évoque certains dans son dernier ouvrage Prendre soin de son couple (Editions Emmanuel).
1Redoubler d’attention envers son conjoint
Un beau jour, le dernier de la fratrie s’envole. Les enfants ont quitté le nid familial pour n’y revenir que de temps à autre. Une période qui n’est pas toujours facile à traverser, et qui correspond, vers l’âge de 45-50 ans, au mitan de la vie. En se trouvant confrontés au vide laissé par le départ des enfants, les conjoints prennent également conscience du temps qui passe. "Le milieu de la vie est le passage où l’on découvre, plus ou moins brusquement, que la trajectoire de l’existence n’est pas uniquement ascendante", constate Bénédicte Lucereau. Une prise de conscience de plus ou moins forte intensité selon les conjoints, et qui n’intervient pas au même moment. "La transition du milieu de vie est vécue de manière très différente par chacun des époux", souligne-t-elle. "Cela va affecter le couple, puisque l’équilibre d’un couple vient de l’équilibre de chacun".
Si certains ne ressentiront que quelques turbulences, d’autres au contraire vivront ce processus comme un tremblement de terre.
D’où la nécessité d’être attentif à la manière dont son conjoint vit cette période. Si certains ne ressentiront que quelques turbulences, d’autres au contraire vivront ce processus comme un tremblement de terre, avec une perte totale de leurs repères. Il peut arriver que "le mari ou la femme soit perdu, ne sache plus qui il est, ce qu’il veut, et cela a des retentissements énormes sur son comportement et ses relations", précise la thérapeute.
2Résister à la tentation des reproches
"Tel un boomerang, mon insatisfaction m'est revenue en pleine figure" se souvient Véronique. Cette période correspond en effet à l’heure des bilans. A mi-vie, chacun s’interroge sur ses satisfactions, personnelles et professionnelles, mais aussi sur ses regrets. Et il est parfois temps d’admettre que tous les projets ou tous les désirs ne seront peut-être pas réalisés. La tentation peut être forte de faire porter à l’autre le poids de l’échec. "Il ne voulait pas d'autre enfant", "Elle ne faisait aucun effort pour tisser des liens sociaux"…
"Le conjoint devient souvent le bouc émissaire du mal-être ressenti", analyse Bénédicte Lucereau. "Comme il est très difficile de se remettre en cause, il est toujours tentant de rejeter la faute sur autrui, de chercher des responsables extérieurs à son mal intérieur. Le partenaire devient le bouc-émissaire privilégié". Il y a bien souvent cette idée au fond de chacun que le bonheur dépend de l’autre. "Alors que le bonheur dépend d’abord de nous, puis de ce que l’on construit avec l’autre", souligne la thérapeute.
3Adopter un autre mode de communication
La communication de couple à ce moment de la vie prend une autre tournure. Il s’agit d’oser partager ses émotions, ses sentiments à ce moment-là, ce qui n’est pas toujours confortable. Après être retournée auprès de son mari, Véronique témoigne qu'ils ont redécouvert une méthode de dialogue basée sur le partage des sentiments, qui leur a permis de renouer le contact puis la confiance. Les conjoints sont invités à se dire comment ils voient le présent, ce qu’ils envisagent pour l’avenir, personnellement et à deux. Pour ce faire, Bénédicte Lucereau pointe quatre défis de la communication de couple à cette période : bien distinguer le personnel et le conjugal, négocier, pour ne pas imposer sa vision et s’installer dans une lutte de pouvoir, en profiter pour construire un amour plus profond, plus solide, plus tendre, et faire de cette étape, non pas un règlement de comptes du passé, mais une ouverture sur du nouveau.
4Réaménager son projet initial de couple
En se mariant, chaque couple a un projet. Unique. Un projet qui demande à être remanié selon les étapes et les circonstances de la vie. Si le projet conjugal consistait à élever et éduquer des enfants, il est bon de trouver un autre projet une fois les enfants partis. "S’il n’y a pas (ou plus) de projet à deux, les conjoints peuvent se retrouver très vite sur deux voies parallèles", alerte Bénédicte Lucereau. "C’est pourquoi il faut régulièrement réaménager le projet qu’on avait au départ, le prolonger, en créer de nouveaux…".
5Prendre la décision d’aimer
L’espérance de vie (85 ans pour les femmes et 79 ans pour les hommes) amène les conjoints à vivre une trentaine d’années ensemble une fois les enfants partis. "Quelque chose qui n’était pas fréquent à d’autres époques" relève le pape François dans Amoris Laetitia. Par conséquent, "la relation intime et l’appartenance réciproque doivent se conserver durant quatre, cinq ou six décennies, et cela se convertit en une nécessité de se choisir réciproquement sans cesse". Chaque conjoint est ainsi appelé à devenir le "complice" de l’autre, "le compagnon sur le chemin de la vie avec lequel on peut affronter les difficultés et profiter des belles choses", exhorte le pape. L’amour ne se réduit pas à éprouver des sentiments l’un pour l’autre, "c’est une affection plus profonde, avec la décision du cœur qui engage toute l’existence".
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