Chaque dimanche, le père Benoist de Sinety, curé de la paroisse Saint-Eubert de Lille, commente l’actualité de l’Église et du monde. Alors que l’abomination de la guerre surgit à nos portes, dans un avenir incertain, les enfants de Dieu tiennent bon dans la miséricorde et l’espérance.
Il dit sobrement : « Parfois je pleure en regardant les images… Des cousins m’appellent plusieurs fois par jour. Ils partagent leur inquiétude, sobrement… » Son regard bleu croise le mien : les larmes passent de ses yeux sur les miens. Il n’y a pas grand-chose à répondre à un ami dont le pays vient de se faire envahir par un voisin. Depuis le 22 février, c’est comme si nous sentions advenir une réalité qui nous force à sortir de ce virtuel dans lequel nous maintenons l’idée même de guerre. Ma génération comme celle de mes parents et toutes celles qui suivent, grandissent et vieillissent dans un climat de félicité, n’en déplaise aux contempteurs qui nous parlent depuis le « coup d’État permanent » de l’illégitimité d’un pouvoir politique qui, s’il a bien des défauts, continue de garantir une qualité de vie que nous envient les deux tiers de l’humanité.
L’exigence de fraternité
Il y a soixante-dix ans, nos pères ont choisi de fondre le métal des armes faites pour tuer afin de forger les socs pour labourer le sol. Couvrant le projet européen de la protection de Marie présente dans le bleu aux étoiles du drapeau gonflé par l’Esprit de paix et de réconciliation, ils ont promu l’exigence de fraternité comme ambition continentale. Nous voici donc, aux marches de cette Europe, sur cette terre d’Ukraine, vaste grenier, plaine de douceurs et de langueurs, confrontés pour la deuxième fois en trente ans, à une violence que nous avons voulu exclure de nos pensées à défaut de nous en purifier dans nos vies quotidiennes.