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Économie : pourquoi ne pas s’inspirer des pays champions ?

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dpa Picture-Alliance via AFP

Une Tesla Model Y dans la Tesla Gigafactory, usine du constructeur qui doit ouvrir fin 2021 à Grünheide, en Allemagne.

Xavier Fontanet - publié le 22/02/22

Chaque semaine, le professeur de stratégie Xavier Fontanet analyse l’évolution de la vie économique et des affaires. Dubitatif sur les promesses de campagne des candidats à l’élection présidentielle, il se demande pourquoi nul d’entre eux ne cherche à s’inspirer des politiques économiques des pays voisins de la France.

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Tous les candidats à l’élection présidentielle promettent d’augmenter les salaires et ou de donner des primes pour alléger les difficultés matérielles de bon nombre de nos concitoyens. Nous sommes donc dans le très court terme alors qu’une période électorale, surtout l’élection d’un président de la République, devrait être un moment fort où l’on se pose des questions portant sur la longue durée et sur les principes sous-tendant les politiques. Prenons donc un peu de recul, et cherchons à comprendre pourquoi un très grand nombre de pays européens ne connaît pas ce genre de promesses dans leurs campagnes électorales.

L’exemple de la Suisse

Prenons un cas d’école pour réfléchir, un pays ou le risque d’avoir des révoltes type Gilets jaunes est quasiment nul, un pays qui partage une frontière avec nous et qui fait travailler bon nombre de nos compatriotes : la Suisse. En 1973, la France et la Suisse sont au septième rang dans le classement mondial en PIB par tête avec le même chiffre : 5.500 USD. Les deux sont en équilibre budgétaire et extérieur, leurs dettes s’élèvent à 20% du PIB pour la France et 32% pour la Suisse. 

La France est en déficit chronique en termes de budget et de commerce extérieur, sa dette est passée de 20% à 115% du PIB. Faites-vous même un petit calcul sur un dos d’enveloppe, l’augmentation de la dette publique, c’est environ trois ans de salaire pour chaque français employé

En 2021, la Suisse garde son rang avec un PIB par tête de 87.000 USD. La France est au 38e rang avec 39.000 USD, l’une des plus jolies dégringolades du classement. La Suisse est en excédent commercial et budgétaire, sa dette a chuté de 32% à 26%. La France est en déficit chronique en termes de budget et de commerce extérieur, sa dette est passée de 20% à 115% du PIB. Faites-vous même un petit calcul sur un dos d’enveloppe, l’augmentation de la dette publique, c’est environ trois ans de salaire pour chaque français employé : on ne parle pas de petits chiffres. Cette dégringolade n’est évidemment pas étrangère aux difficultés d’une grande partie de nos concitoyens et plutôt que chercher des astuces permettant de monter les salaires cette année, il serait plus judicieux de chercher à comprendre l’origine du déclin.

La fin de l’équilibre budgétaire

1973 est l’année de la hausse du pétrole, mais pour les Français, cela fut aussi un changement de génération d’hommes politiques. Valéry Giscard d’Estaing prend le manche après quinze ans de gaullisme, mettant sa jeunesse en avant. Le changement le plus important, dont on n’a peut-être pas assez discuté, est celui de notre philosophie économique : brièvement, nous sommes passés de Jacques Rueff (+1976) à John Maynard Keynes (+1946) sous l’influence de Lionel Stoléru (+2016), un des proches de VGE. De Gaulle ne voulait pas d’un État qui dépasse 30% du PIB, affirmant qu’au-delà de ce chiffre on entrait en socialisme ; il voulait des budgets en équilibre pour garder la crédibilité de la parole française à l’étranger.

Keynes a donné une justification conceptuelle au déficit budgétaire disant que celui-ci activait l’économie. Depuis les années 1970 il est devenu le support intellectuel pour justifier à la fois les déficits publics résultant des politiques dirigistes de la droite et de la politique sociale de la gauche. Gauche ou droite au pouvoir, pas un budget n’a en effet été en équilibre depuis 1973. La première levée de dette stratégique a été l’emprunt Giscard, à qui l’on doit aussi le regroupement familial. C’est l’époque où la Suisse a mis au point un système très élaboré pour gérer son immigration. Puis est venu François Mitterrand avec l’ISF, impôt transformé par Emmanuel Macron en 2018 mais qui a duré tout de même 37 ans. Ce fut la retraite à 60 ans par répartition, les 35 heures et la politique de Lionel Jospin d’un « chômage bien rémunéré », selon le mot d’un chef d’entreprise penseur de la gauche, Denis Olivennes.

C’est l’époque de l’entrée dans l’euro, et en principe de l’alignement de nos politiques économiques sur celles de nos voisins, ce que les Français n’ont pas fait. Au même moment, les Suisses refusent par référendum de passer à cinq semaines de congés payés : n’ayant pas de chômage, ils n’ont pas de problème de couverture sociale et construisent une retraite qui donne un fort poids à la capitalisation. Puis vient, sous Jacques Chirac, l’arrêt du service militaire alors que la Suisse maintient son système de « milice ». Alors que de Gaulle avait souhaité une décentralisation du pays à la Suisse, François Hollande crée un millefeuille régional qui entraîne un coût évalué à 50 milliards d’euros et complexifie les prises de décision. L’« État providence » laisse entendre que l’argent tombe du ciel.

L’éducation et la formation

C’est peut-être sur l’éducation que la plus forte différence s’est faite. Les Français ont enregistré des chutes nettes dans les classements PISA alors que les Suisses sont restés dans le haut du tableau. Mais ce qu’on n’explique pas assez, c’est l’avance qu’ils ont prise en matière de formation professionnelle. La voie technique possède en Suisse le même prestige que la voie générale : on oriente les jeunes très tôt et on favorise l’apprentissage. La force industrielle qui en résulte, l’industrie pèse pour 25% dans le PIB  suisse, avec une industrie qui exporte 90% de ses ventes, vient en grande partie de là. Le succès en la matière est tel que la Suisse est prise comme « consultant » par des régions américaines qui souhaitent installer ce système chez eux.La chute de la France dans les classements mondiaux et ses difficultés financières sont le résultat des décisions prises pendant ces cinquante dernières années et du recours au déficit budgétaire. Le succès des Suisses donne de nombreuses pistes et devrait ramener à plus d’humilité. La spécificité française, un peu trop facilement brandie dès que l’on évoque le mode de fonctionnement de ses voisins, est un mélange de conservatisme et d’arrogance. Non ! La France n’est pas un pays si différent des autres au point que les bonnes recettes qu’ils pratiquent ne peuvent fonctionner chez elle. C’est probablement en s’inspirant des champions que nous avons les meilleures chances de remonter la pente et d’assurer des rémunérations dignes à tous nos compatriotes sans avoir à compléter leurs revenus par des expédients à répétition. Il est urgent d’apprendre non pas à traiter les effets mais à s’attaquer aux causes ! L’Allemagne, les Pays-Bas et les pays du Nord ont entrepris de dures réformes et, comme la Suisse, bénéficient d’économies resplendissantes. Il n’y a aucune honte à s’inspirer de ce qui marche, même si cela demande des efforts et des renoncements, que les autres nations ont su faire. Alors, pourquoi pas ? Ce serait en outre une façon très efficace de construire une Europe solide et cohérente.

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