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Les hommes sont faits d’argile comme Adam ; le Christ, lui, vient du ciel, nous dit saint Paul dans la deuxième lecture (1Co 15, 45-49). Lorsque Jésus exhorte ses disciples à l’amour des ennemis, n’est-il pas celui qui justement incarne dans sa chair ce qu’il dit et ce qu’il commande ? Le Christ n’a cessé d’aimer ceux qui lui voulaient du mal. Aux bourreaux le crucifiant, il implore le pardon de son Père ; à ses disciples qui le renieront, il offre sa miséricorde. Il est celui qui non seulement a donné sa tunique à ceux qui se la sont partagés mais il a fait bien plus que cela, en donnant sa vie par amour de tous les hommes pour les sauver du péché et de la mort. Comme le chante le psalmiste, "Il pardonne toutes tes offenses, Il te couronne d’amour et de tendresse. Oui le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour" (Ps 102). Il est vraiment le Fils du Très Haut, l’Unique. Il est la mesure dont nous devons nous servir pour agir comme lui (Lc 26, 38). Comme le disait le bienheureux Charles de Foucauld, « en toute circonstance, se demander ce que ferait Jésus et alors le faire ».
À l’image de celui qui vient du Ciel
Mais si le Fils vient du ciel et agit en conséquence, nous, nous sommes de la terre, faits d’argile écrit saint Paul. À vue humaine, de notre être d’argile, les commandements de Dieu en Jésus Christ nous semblent impossibles. Pensez donc, pardonner à ceux qui nous veulent du mal ou disent du mal de nous, prier pour eux… tout cela n’est pas raisonnable. Nous l’avons dit, seul le Christ est capable d’un tel mouvement d’amour et de pardon, d’un tel engagement. Serions-nous donc parvenus à une impasse ? Saint Paul nous ouvre une voie pleine d’espérance en disant que si nous sommes à l’image de celui qui est fait d’argile, nous serons à l’image de celui qui vient du Ciel. Ce futur est une promesse et l’impossible devient possible. J’entends à travers cette parole de Paul deux autres passages de ses lettres où il nous dira : "Ce n’est plus moi qui vit mais le Christ en moi" (Ga 2, 20) et encore : "Par la grâce de Dieu je suis ce que je suis, et sa grâce envers moi n'a pas été vaine ; loin de là, j'ai travaillé plus qu'eux tous, non pas moi toutefois, mais la grâce de Dieu qui est avec moi" (1 Co 15,10).
Il n’existe en effet qu’une chose décisive, capable de sauver l’homme : avoir le regard tourné vers Dieu.
S’il nous semble impossible de répondre à l’appel du Seigneur Jésus à aimer comme il aime, à pardonner comme il pardonne, à donner comme il donne, c’est parce que nous pensons que tout cela est affaire humaine et dépend de nos efforts et de notre volonté. Certes oui, nous avons notre responsabilité mais cela est avant tout affaire divine, la seule mesure dont nous devons nous servir. Seule la grâce reçue peut nous aider à aimer comme le Christ aime. Il s’agit d’aimer, de pardonner, de donner par le Christ, avec Lui et en Lui. Il n’existe en effet qu’une chose décisive, capable de sauver l’homme : avoir le regard tourné vers Dieu. Nous n’y arriverons jamais tant que nous voudrons y arriver par nous-mêmes. Nous n’y parviendrons jamais tant que nous n’aurons pas choisi de reconnaître qu’humainement c’est impossible mais que pour Dieu tout est possible (Mt 19, 26). C’est en effet ainsi que la grâce de Dieu peut commencer d’agir en nous.
Se poser au pied de la croix
Ainsi, pour aimer, pour pardonner il faut donc commencer par reconnaître devant le Seigneur que nous n’y arrivons pas. "Vouloir le bien est à ma portée mais non pas le faire" dira saint Paul (Rm 7, 21). Mais pour entendre alors le Seigneur nous dire : "Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse" (1 Co 12, 9). Il n’y a que de cette manière que nous pourrons alors prier pour nos ennemis, pardonner à ceux qui nous ont fait du mal et continuer de faire le bien, en étant toujours tournés vers le Seigneur source de tout amour et en nous laissant transformer par Lui. Car, lisons-nous dans la deuxième lecture, si le Christ est l’être spirituel qui donne la vie, alors pour être à son image, c’est-à-dire comme Lui, il nous faut nous remplir de cette vie divine. Et pour cela me semble-t-il, nous tenir sans cesse au pied de la Croix pour contempler l’amour véritable, l’amour qui va jusqu’au bout.
Déchargez-vous sur Lui de tous vos soucis et lui prendra soin de vous.
Lorsqu’il m’arrive d’être en difficulté avec telle ou telle personne, plutôt que de faire fonctionner le moulin intérieur des récriminations, que de laisser surgir les mauvaises pensées, que de laisser monter la colère, je prends le temps de me poser au pied de la Croix en présentant au Seigneur ces personnes, et même en les nommant pour ne pas les enfermer dans ce qu’elles auraient pu faire ou dire de mal. Il s’agit alors de les envisager sous le regard du Seigneur, dans l’amour. Et j’ai découvert alors qu’en agissant ainsi, la paix revenait dans mon cœur et ma colère s’apaisait. "Déchargez-vous sur Lui de tous vos soucis et lui prendra soin de vous" (1P 5, 7). Mais pour entendre l’invitation à revenir vers ces personnes, à renouer le dialogue avec elles, à oser une parole de réconciliation, à agir en faisant le bien, nous devenons vainqueurs du mal (Rm 12, 21), comme David vis-à-vis de Saül dans la première lecture (1S 26, 2.7-9.12-13.22-23). Alors faisant ainsi, ou essayant de faire ainsi, nous savons que notre récompense sera grande, puisque nous serons les fils du Très-Haut.