Les commentateurs du procès des attentats du 13-Novembre reprennent sans précaution le mot de "martyre" revendiqué par les djihadistes. L’écrivain Henri Quantin redonne ici le sens de ce mot pour éviter de s’égarer dans de fâcheux amalgames.
Le rapport d’expertise psychiatrique de Salah Abdeslam, l’un des terroristes des attentats du 13-Novembre, vient d’être dévoilé par plusieurs journalistes. Les experts affirment que sa personnalité est enfermée dans « le bréviaire radical » de Daech, qu’il répète « comme un perroquet ». Le résumé de France Info ajoute qu’Abdeslam « glorifie les martyrs », ce qu’illustre ces paroles rapportées : « Mourir au combat pour la cause de Dieu est l’une des meilleures choses qui puissent arriver. » « Bréviaire », « martyrs » ! Le premier terme vient du rapport d’expertise, le second du résumé journalistique. Dans un cas comme dans l’autre, il n’est pas sûr que le mot sorte indemne, tant l’inculture religieuse dominante excelle à amalgamer ce qu’il s’agirait de distinguer.
Le martyr chrétien est victime et non bourreau
Passons rapidement sur le bréviaire, que l’étymologie autorise certes à utiliser pour tout texte abrégé. On suppose qu’il s’agit de signifier que le djihadiste s’en tient à quelques formules apprises, susceptibles de donner la certitude d’avoir raison face à toute objection. Je ne suis pas sûr que celui se nourrit du matin au soir du chant des psaumes, qui écoute les mises en garde des prophètes et qui appelle Dieu « notre Père » fasse preuve de psittacisme. Le bréviaire fait-il de l’homme un perroquet ? S’il fallait rester dans la métaphore des oiseaux, il est sans doute plus proche du paon qui demande à Dieu de le faire moineau ou du vautour qui sait que seul l’Esprit Saint peut l’aider à devenir colombe. Qu’on ne compte pas sur lui pour devenir le pigeon du premier faux-prophète qui passe.