Que penser de l'idolâtrie dont font l’objet les animaux, y compris dans les cimetières, quand des pauvres meurent dans les « abattoirs de la misère » ? L’écrivain Henri Quantin suggère de relire Léon Bloy pour remettre de l’ordre dans l’amour, et des hommes et des bêtes.
« Les chiens et les chats prennent la place des enfants. » Tugdual Derville a récemment commenté dans Aleteia les mots prononcés par le pape François le 5 janvier, en rappelant judicieusement qu’un juste rapport aux animaux s’oppose à deux attitudes extrêmes : la cruauté gratuite, les dépenses inconsidérées. Contre cette seconde tendance, il citait le Catéchisme de l’Église catholique : « Il est également indigne de dépenser pour eux des sommes qui devraient en priorité soulager la misère des hommes. On peut aimer les animaux ; on ne saurait détourner vers eux l’affection due aux seules personnes » (CEC, 2418). Cela vaut aussi devant des cadavres, dont le traitement révèle ultimement l’idée qu’on se fait de la dignité humaine.
Un outrage aux pauvres
En dénonçant une dérive qui donne à l’animal la place qui revient à l’homme, le pape François a peut-être songé un instant à Léon Bloy, auteur auquel il a souvent dit son attachement. Bloy est en effet un des premiers à avoir perçu l’obscénité d’une passion pour l’animal qui serait un outrage aux hommes plongés dans la misère. Il faut lire et faire lire « Les deux cimetières », dernier chapitre du Sang du Pauvre, où Bloy se promène successivement dans un cimetière pour indigents et dans le cimetière animalier inauguré à Asnières en 1899. Texte féroce et charitable — féroce donc charitable ? — qui met en parallèle les traitements réservés à un pauvre qui, pourtant, « est peut-être à la droite de Jésus-Christ » et à un « misérable cabot bâtard dont l’ignoble effigie de marbre crie vengeance au ciel ».