« Le Seigneur Dieu planta un jardin en Éden, à l’orient, et y plaça l’homme qu’il avait modelé ». (Gn 2, 8) Le tout début de la Genèse situe ainsi précisément en Éden à l’orient l’endroit protégé où toute la création de Dieu aura place, et en premier, l’homme à qui Dieu vient d’insuffler la vie.
Si la Bible ne précise pas où se situe en Orient l’Éden, la tradition semble privilégier un lieu situé en Mésopotamie. En cette région, lieu de terres fertiles et bénies, Dieu assura la luxuriance des arbres aux fruits savoureux. Tout y a été créé pour profiter à l’homme sans qu’il n’ait à se soucier de rien. Le jardin d’Éden prend ainsi rapidement dans la Bible valeur d’un espace sacré où le plan divin a été ordonné afin que l’homme croisse et dispose de tout ce dont il a besoin.
Le pape François le compare, dans son encyclique Laudato si’, au « Jardin du monde ». Synonyme, voire identifié au Paradis – les théologiens estimant que le jardin d’Éden serait une représentation du paradis sur terre, ce jardin est offert par Dieu à l’homme pour qu’il le travaille et le préserve. Seule une prescription lui sera imposée : « Tu peux manger les fruits de tous les arbres du jardin ; mais l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n’en mangeras pas ; car, le jour où tu en mangeras, tu mourras. » (Gn 2, 16-17). Une seule injonction, mais non des moindres, et malheureusement, nous connaissons la suite…
Le Jardin des Oliviers
C’est également dans un jardin – le Jardin des Oliviers – que Jésus connaîtra ses dernières heures terrestres avant sa Passion. L’évangile de Jean nous rappelle que Jésus aimait à s’y rendre entouré de ses disciples : « Ayant ainsi parlé, Jésus sortit avec ses disciples et traversa le torrent du Cédron ; il y avait là un jardin, dans lequel il entra avec ses disciples. Judas, qui le livrait, connaissait l’endroit, lui aussi, car Jésus et ses disciples s’y étaient souvent réunis ». (Jn 18, 1-2)
En un singulier retour de l’Histoire biblique, le jardin, celui des Oliviers, réunira ainsi à la fois la paix et la joie d’enseigner à ses disciples, mais révèlera aussi le fruit de la tentation qui le livrera à ses ennemis. Jésus ne choisit pas un lien mondain où il est bon d’être vu mais un lieu retiré, à l’écart, loin du bruit de la ville voisine de Jérusalem pour prier et s’adresser à son Père.
Le contraste saisissant entre l’habitude paisible de se rendre en ce lieu aimé, lieu de partage avec ses disciples, et les instants tragiques qui allaient s’y dérouler, ne peut que questionner le fidèle. Lieu de vie et d’abondance, le jardin le plus agréable peut aussi se métamorphoser en espace d’angoisses, de trahisons et de violence, les racines du mal s’immisçant ainsi au cœur de l’homme.
Le Jardin des délices
Le peintre primitif flamand Jérôme Bosch (~1450-1516) a certainement livré l’une des plus belles évocations du jardin paradisiaque. En un contraste étonnant et qui n’a pas fini de nourrir les thèses les plus folles, l’artiste a dépeint de manière saisissante l’évolution entre les premiers instants du Paradis dans le Jardin de l’Éden sur le panneau de gauche, jusqu’à la terrible représentation de l’Enfer sur le volet de droite en passant par le dérèglement des passions au centre de l’œuvre.
Ce jardin nommé « Jardin des Délices » apparaît à la fois comme le symbole de la Création la plus sereine évoquée au début de la Genèse, mais aussi l’occasion de la perdition la plus extrême, contraste singulier à l’époque où cette œuvre fut conçue à la croisée du Moyen âge et de la Renaissance, mais aussi à la veille des Guerres de religion…