Il suffit de passer quelques instants dans les archives de la maison de joaillerie située rue de la Paix à Paris pour s’en rendre compte : il faudrait des jours pour dresser la liste de tous les illustres clients de Mellerio. Diadèmes, couronnes, parures, bracelets, broches, bagues… Le joaillier français, dont l'histoire débute sous Marie de Médicis, a vu ses créations portées par les reines d’Espagne, des Pays-Bas, par Joséphine de Beauharnais, épouse de Napoléon Bonaparte… mais également par l'une des reines de France les plus célèbres : Marie-Antoinette.
En effet, la tradition familiale raconte ce jour de 1780. Un colporteur de 13 ans, Jean-Baptiste Mellerio, ouvre son éventaire en bois aux grilles du château de Versailles. Parmi les bijoux réalisés par sa famille d’origine italienne, se trouve un bracelet composé de sept camées représentant un profil d’empereur romain et rehaussés de rubis. Soudainement, le jeune marchand voit le carrosse royal s’arrêter devant lui. En réalité, rien d’étonnant : depuis 1613, un décret exceptionnel de la reine Marie de Médicis, épouse d’Henri IV, offre aux Mellerio une protection royale permettant d’exercer leur commerce d’objets précieux en France ainsi qu’à la cour. Un privilège donné pour remercier Jean-Marie Mellerio d’avoir aidé à déjouer une tentative d’assassinat du jeune roi Louis XIII.
Avisant le jeune marchand, la reine demande à sa dame d’honneur de descendre de la voiture pour inspecter le contenu de tous les tiroirs de l’éventaire. Voyant le bracelet, elle ne résistera pas au plaisir de l'acheter. C’est ainsi qu’elle deviendra la première cliente royale des Mellerio. Et c’est ainsi que commence l’ascension aussi singulière que fulgurante du joaillier des reines.
Si cette anecdote ne s’appuie sur aucun document, beaucoup de preuves historiques ayant été détruites pendant la Révolution, la tradition familiale de la maison raconte que le neveu de Jean-Baptiste, François Mellerio, a probablement assisté à la condamnation à mort de Marie-Antoinette, guillotinée le 16 octobre 1793. Réquisitionné par la garde nationale sous la Terreur, il aurait été convoqué à la Conciergerie ce jour-là. Ce bracelet serait le symbole de ce lien, même si aucun livre de commandes du joaillier ne peut le confirmer.
Pourtant d’après les experts, il ne s’agirait pas d’une légende. Marie-Antoinette aimait les rubis et c’est elle qui a bien lancé la mode des camées. Disparu à la fin des années 1970 lors d’une vente de succession à l’hôtel Drouot, le bracelet a été retrouvé et racheté par le joaillier en 2014. Il est incontestablement du XVIIIe siècle et sa simplicité correspond à ce que les Mellerio vendaient à cette époque. Les camées resteront d'ailleurs une de leur spécialité tout au long du XIXe siècle…