« Les affaires sont les affaires ! » Peut-on cependant tout vendre et tout acheter ? C’est le parti-pris de la start-up britannique Beé fertility qui lance « un traitement de fertilité à domicile ». L’objectif est de rendre « le traitement de fertilité abordable et accessible à tous » dès 2022.
Des kits de procréation seront livrés par la Poste. Ils seront composés de test de grossesse et d’ovulation, d’échantillons de sperme à mettre en place grâce à un dispositif d’insémination intracervicale, une forme d’insémination artificielle qui consiste à maintenir le sperme contre le col de l'utérus pendant une période prolongée, généralement 4 à 12 heures). Le tout pour la « modique » somme de 1.500 euros environ. Le taux d’efficacité de cette technique à domicile serait très proche de celui d’une fécondation intra-utérine, soit 10 à 20% de réussite pour le premier cycle.
En popularisant ce mode de conception, Béa fertility le banalise, contribuant une fois de plus à faire de l’enfant un bien comme un autre qu’il est possible de commander sur Internet.
L’entreprise Béa Fertility est née de l’association d’un embryologiste avec un spécialiste du marketing. Tous deux précisent que le taux de grossesse potentiel sera « très similaire » à celui de la fécondation intra-utérine. Il devrait avoisiner les 60% après plusieurs cycles. Ces résultats seraient obtenus grâce au « faible coût » du kit qui permet de multiplier les tentatives. Et les dépenses ! Alors qu’un couple sur sept rencontre des difficultés à procréer au Royaume-Uni, on mesure bien l’ampleur du marché que cette start-up compte conquérir.
Ce mode de procréation « sauvage » préserve la conception in utero, qui ne se fait pas dans des tubes à essai en laboratoire certes, mais il soulève tout de même un certain nombre de réserves éthiques. En popularisant ce mode de conception, Béa fertility le banalise, contribuant une fois de plus à faire de l’enfant un bien comme un autre qu’il est possible de commander sur Internet. La « matière première » du kit, le sperme, n’est pas un produit comme un autre. Il est porteur d’un patrimoine génétique qui sera transmis aux enfants qui pourront naître de cette aventure commerciale. Quel que soit son prix, il s’agit d’un don de personne à personne. Le sperme, à ce jour, ne se fabrique pas, il est prélevé.
Alors qu’avec le Brexit, on s’attend à une pénurie de sperme au Royaume-Uni , comment Béa fertility envisage d’honorer les commandes qui lui seront adressées ? Où la start-up prévoit-elle de s’approvisionner ? À quel prix ? Les clients pourront-ils avoir le choix de la couleur des yeux, de la peau du donneur en vue d’un produit « sur mesure » ? Comment les donneurs sont-ils sélectionnés ? Seront-ils anonymes ? Combien d’inséminations sont-elles prévues par donneur ? Sera-t-il parent de cohortes d’enfants ?
Et du côté de l’enfant : aura-t-il accès à ses origines ? Sera-t-il porté par une femme éligible aux traitements ou à toutes les femmes en couple, célibataires… contribuant à faire de l’enfant un dû, un bébé comme je veux, quand je veux. En tous cas, une fois de plus, on s’éloigne radicalement du « traitement de la fertilité » : ce Do It Yourself made in Great Britain de la procréation ne rendra pas fertile des personnes qui ne l’étaient pas. Il ne soigne pas, il répond tout au plus à cette nouvelle injonction sociale : un enfant pour tous, un enfant pour moi. Nos deux entrepreneurs espèrent obtenir l’autorisation de commercialiser leur produit au Royaume-Uni et dans toute l’Europe. Y compris dans des pays où les législations ne sont pas aussi permissives et qui seront contournées sans aucun moyen de contrôle. De quoi se faire effectivement beaucoup d’argent.