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Les sous-marins australiens ou la guerre de l’information

sous marin

AFP

Le constructeur naval français Naval Group montre un nouveau sous-marin nucléaire d'attaque, de classe Suffren, lors d'essai en mer le 5 juillet 2020.

Jean-Baptiste Noé - publié le 23/09/21

L’annonce par l’Australie de la rupture du contrat de sous-marins avec Naval Group est le résultat d’un travail de sape. Depuis plusieurs mois, des officiels australiens affichaient leur préférence pour des sous-marins à propulsion nucléaire. Les opposants à l’accord de 2016 se sont montrés virulents et efficaces, sans réplique des Français.

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« Trahison », « Mensonge », « Rupture de confiance majeure », le gouvernement français et le ministre des Affaires étrangères ont eu des mots très durs après l’annonce de la rupture du contrat par l’Australie. La relecture de la presse australienne permet de constater que ce contrat était de plus en plus décrié et que les autorités australiennes voulaient revenir dessus au moins depuis le début de 2021. Naval Group devait en effet livrer des sous-marins à propulsion diesel. Or le gouvernement australien se montrait de plus en plus désireux de posséder des sous-marins à propulsion nucléaire. Les officiers de la marine australienne estiment que les sous-marins à propulsion nucléaire sont plus adaptés à la menace chinoise que ceux à propulsion diesel. Le contre-amiral James Goldrick expliquait sur la chaîne Sky Newsle 24 février dernier que les sous-marins nucléaires ont l’avantage d’aller plus vite et de disposer d’une plus grande autonomie que les diesels, ce qui permet de lutter contre « la tyrannie de la distance » d’un espace indo-pacifique qui est très vaste. 

Toujours sur Sky News, le lendemain 25 février, la chroniqueuse politique australienne Peta Credlin défendait la nécessité de disposer de sous-marins nucléaires : « Si l’Australie veut vraiment tenir tête aux superpuissances, elle a besoin de sous-marins aussi performants que les leurs. […] Le gouvernement devrait sérieusement envisager l’option du sous-marin nucléaire étant donné que les sous-marins actuels de la classe Collins sont vieillissants et de plus en plus fragiles et que le modèle français ne sera pas prêt avant au moins 15 ans. […] Si nous voulons être plus autonomes en matière de défense, nous ne pouvons pas nous contenter d’être un contributeur de niche aux opérations américaines ou laisser notre sécurité régionale aux autres. »  Et l’éditorialiste précisait : « La seule option prête à l’emploi pour un sous-marin qui répondrait aux besoins uniques de l’Australie est le nucléaire. […] Si c’était moi qui regardais cette situation et non Linda Reynolds (ministre de la Défense, ndlr), j’examinerais attentivement l’annulation de ce contrat français pour un sous-marin de qualité inférieure que nous ne verrons pas avant des années. […] Plutôt que de demander une option nucléaire, demandez à la Grande-Bretagne et aux États-Unis s’ils ne seraient pas prêts à nous vendre leur meilleur sous-marin à propulsion nucléaire, et aidez-nous à mettre des bateaux à l’eau le plus rapidement possible. »

Une rupture prévisible 

L’annonce de la rupture du contrat n’est donc une surprise que pour ceux qui n’ont pas voulu voir la guerre de l’information qui était en cours en Australie. Dès 2016, plusieurs hommes politiques et militaires influents participaient à une campagne publique contre Naval Group afin de faire revenir le gouvernement sur sa décision. Leurs arguments étaient simples mais efficaces : les sous-marins français sont trop chers, trop lents à être livrés et ne correspondent pas aux besoins de l’Australie. L’une des chevilles ouvrières de cette communication de dénigrement fut le sénateur Rex Patrick, ancien sous-marinier de la Navy australienne qui a travaillé ensuite durant une dizaine d’années pour le groupe allemand TKMS (Thyssen Krupp Marine Systems) qui fut l’un des concurrents de Naval Group dans l’appel d’offres de 2015. 

Rex Patrick expliquait le 16 juin dernier dans un entretien à Sky News Australia que l’Australie devait « passer à un plan B » en ce qui concerne les sous-marins : « Le programme actuel que nous avons est un foutoir. Nous avons un désaccord entre le ministère de la Défense et la société française Naval Group, et cela dure en fait depuis longtemps maintenant. […] Le programme est en retard et finira en fait par être un programme de 100 milliards de dollars. […] Il est peu probable qu’il fournisse un sous-marin supérieur au niveau régional et nous avons également un programme qui n’a pas répondu aux attentes en matière de construction respective ou de capacité de l’industrie souveraine, une grande partie du travail est retournée en France, c’est une maigre récolte pour l’industrie australienne. » Et le sénateur concluait : « Cela n’a pas fonctionné, nous devons passer à un plan B. »

Les Français, et notamment Naval Group, auraient dû entendre et prendre au sérieux les attaques contre l’accord, qui ont débuté dès la signature de celui-ci en 2016 et qui se sont intensifiées à partir de fin 2020.

Est-ce que Naval Group a pris ces déclarations au sérieux ? Les dirigeants de l’entreprise et les ministres concernés du gouvernement français ont-ils compris que la partie australienne se montrait de plus en plus réticente à l’accord et qu’un large mouvement de désinformation était conduit par les opposants australiens au projet ? Si ce n’est pas le cas, alors il est urgent pour l’entreprise de revoir sa politique d’intelligence économique et, pour le gouvernement français, d’opérer une réorganisation des services économiques des ambassades. Si en revanche ils étaient conscients du problème, alors la stratégie de contre-guerre économique s’est révélée mauvaise. 

Guerre économique 

Les Français, et notamment Naval Group, auraient dû entendre et prendre au sérieux les attaques contre l’accord, qui ont débuté dès la signature de celui-ci en 2016 et qui se sont intensifiées à partir de fin 2020. En laissant les opposants au contrat dérouler leurs arguments, les Français ont in fine contribué à la victoire de ceux-ci. Il est vrai que le gouvernement australien ne laissait rien transparaître publiquement : en août dernier, les Australiens se disaient satisfaits du programme. Mais c’est aussi une logique commerciale habituelle que de ne pas dire à son fournisseur que l’on négocie avec quelqu’un d’autre. 

Cette aventure restera dans les annales de la guerre économique comme une déroute qui a été amorcée bien en amont. Les groupes français doivent tirer les leçons de cet échec en prenant davantage au sérieux la guerre et l’intelligence économique.  

Tags:
australieEntreprisePolitique
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