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Que signifie la crainte de Dieu ?

paradis adam et eve

© Jean louis mazieres - Flickr

Le Paradis terrestre par Cranach.

Jean-François Thomas, sj - publié le 05/09/21

La crainte de Dieu ne signifie pas la peur, mais la crainte de l’offenser. Le respect et l'amour de Dieu sont des ferments d'unité qui nous enseignent le vrai respect dû à toutes les personnes, selon leurs grandeurs et leurs mérites.

La crainte de Dieu n’a guère bonne presse depuis des décennies, et bien rares sont les prédicateurs qui osent encore la mentionner, sauf peut-être, à l’occasion, pour rappeler ce que sont les dons du Saint-Esprit. Il faut dire que, face à cette crainte révérencieuse dont elle découle, la crainte révérencielle envers les grandeurs à la fois d’établissement et de nature a subi elle-même de terribles désaffections et attaques, ceci depuis la Révolution française qui avait même abrogé les règles les plus élémentaires de la politesse régissant les rapports quotidiens entre les hommes. Il serait temps de retrouver raison car craindre, dans les cas mentionnés, n’est pas synonyme de peur mais au contraire d’amour et de respect.

Le respect dû aux « grandeurs » des personnes

Certains parmi nous se souviennent au moins d’un texte de Blaise Pascal que même le très laïque et républicain manuel scolaire Lagarde et Michard a proposé à la réflexion de générations d’écoliers, celui extrait d’un des Trois discours sur la condition des grands justement, traitant des grandeurs que chaque homme doit reconnaître et respecter, quelle que soit sa culture, tout simplement parce que cela est inscrit dans son être. Dans le second discours, Pascal expose les deux sortes de grandeur révérencielle : « Il y a dans le monde deux sortes de grandeurs ; car il y a des grandeurs d’établissement et des grandeurs naturelles. Les grandeurs d’établissement dépendent de la volonté des hommes, qui ont cru avec raison devoir honorer certains états et y attacher certains respects. Les dignités et la noblesse sont de ce genre. En un pays on honore les nobles, en l’autre les roturiers ; en celui-ci les aînés, en cet autre les cadets. Pourquoi cela ? Parce qu’il a plu aux hommes. La chose était indifférente avant l’établissement ; après l’établissement, elle devient juste, parce qu’il est injuste de la troubler. Les grandeurs naturelles sont celles qui sont indépendantes de la fantaisie des hommes, parce qu’elles consistent dans des qualités réelles et effectives de l’âme ou du corps qui rendent l’une ou l’autre plus estimable, comme les sciences, la lumière de l’esprit, la vertu, la santé, la force. » 

En fait, Pascal précise cette distinction car il adresse une missive éducative et politique en 1660, à l’un des grands selon le monde — le futur duc de Chevreuse et duc de Luynes, Charles-Honoré d’Albert — afin qu’il n’abusât point de sa position pour exiger des honneurs qui ne lui auraient pas été dus. Pascal met chaque type de grandeur au rang qui lui revient. Reconnaître les grandeurs d’établissement est attitude juste et nécessaire dans une société. Ces grandeurs sont utiles à l’équilibre et à l’harmonie entre les êtres, et elles sont accordées selon des principes qui relèvent de la coutume. Elles peuvent évoluer mais sans pour autant disparaître car ce serait cause de trouble, d’anarchie, de désordre. En revanche, elles ne disent rien des grandeurs naturelles qui, elles, sont perpétuelles et qui ne dépendent pas de l’établissement, même s’il peut se trouver des êtres qui combinent les deux — ce qui est évidemment préférable lorsqu’une personne occupe un poste public de responsabilité. Ainsi, tout roi a droit à la crainte révérencielle qui ratifie sa grandeur d’établissement, mais tous les princes ne possèdent pas les qualités requises pour être l’objet d’une crainte révérencielle louant la grandeur naturelle. Saint Louis combina les deux par exemple, et ceci de son vivant, sans attendre la canonisation officielle. En revanche, d’autres souverains n’ont pas su allier ces deux types de grandeur et leur règne fut moins heureux pour leurs sujets.

Le fondement de toutes les grandeurs

Il en est de même pour toute personne coiffée de l’autorité, dans la société civile ou religieuse, quels que soient les pays, sous toutes les latitudes et à toutes les époques. Cependant, il faut apporter un complément essentiel : ces grandeurs ne peuvent être reconnues comme telles que dans une société qui reconnaît aussi et d’abord la nécessité de la crainte révérencieuse envers Dieu, car cette crainte de Dieu est le fondement juste de toutes les autres. Si elle n’existe pas, toutes les autres craintes et toutes les autres grandeurs ne sont que soumises à l’arbitraire des hommes. Voilà pourquoi notre époque est si vulnérable car, dans un État sans Dieu, un État qui rejette au mieux Dieu dans les oubliettes ou qui, au pire, Le crucifie de nouveau, les grandeurs humaines sont flottantes comme des bouées, ne s’ancrent sur rien et ne sont l’image allégorique de rien d’autre que du vent des ambitions changeantes et contradictoires.

Des ferments d’unité

Voilà pourquoi il est essentiel d’enseigner la crainte révérencieuse de Dieu pour retrouver aussi un sens juste et digne aux craintes révérencielles envers les grandeurs d’établissement et de nature. Il est attristant et préoccupant de constater que des autorités, y compris religieuses, se complaisent à gommer et à négliger les grandeurs d’établissement car, ce faisant, elles mettent aussi en péril la reconnaissance des grandeurs naturelles et elles font oublier que la crainte de Dieu est la source de tous nos rapports humains pacifiés et harmonieux. Lorsque des débordements se produisent, il n’est plus temps de se lamenter car ils ne sont que la conséquence logique d’un effritement entretenu, voulu, mortifère à long terme pour la paix entre les personnes et entre les peuples. 

Celui qui n’honore plus Dieu n’honorera plus son père et, à terme, ne respectera plus rien ni personne.

Celui qui n’honore plus Dieu n’honorera plus son père et, à terme, ne respectera plus rien ni personne. La crainte de Dieu, le respect et l’amour qui nous attachent à Lui, sont des ferments d’unité, et nous enseignent le vrai rapport avec tous les êtres, respectant une hiérarchie selon les grandeurs, selon le lien de parenté, selon les mérites de chacun. Le Livre de l’Ecclésiastique enseigne superbement : « Et comme est celui qui thésaurise, ainsi est celui qui honore sa mère. Celui qui honore son père trouvera la joie dans ses fils, et au jour de sa prière, il sera exaucé. Celui qui honore son père vivra d’une longue vie ; et celui qui obéit à son père fera la consolation de sa mère. Celui qui craint le Seigneur honore son père et sa mère, et il servira comme ses maîtres ceux qui lui ont donné le jour » (III, 5-8). Comme nous devrions nous répéter ces sages paroles inspirées par le Saint-Esprit ! En un temps où les vieux parents sont souvent négligés, où les rapports familiaux sont blessés — y compris parmi les catholiques convaincus — il serait bon de retrouver le sens des grandeurs et de la crainte qui leur est associée.

Les fils craignent d’offenser leur père

Saint Thomas d’Aquin s’est bien entendu penché sur cette crainte à multiples facettes. Il en définit quatre, de la plus pure à la plus basse, tout en écartant la crainte naturelle qui se trouve aussi chez les démons puisqu’« ils croient et tremblent », comme le dit saint Jacques dans son Épître(II, 19) : filiale, initiale, servile et mondaine. Le Docteur angélique précise :

« Nous traitons en ce moment de la crainte selon que, de quelque façon, elle nous tourne vers Dieu, ou nous détourne de lui. En effet, puisque l’objet de la crainte est un mal, parfois l’homme s’éloigne de Dieu à cause des maux qu’il craint, et c’est la crainte humaine ou la crainte mondaine. Parfois au contraire l’homme, en raison du mal qu’il redoute, se tourne vers Dieu et s’attache à lui. Ce dernier mal est double : mal de peine, et mal de faute. Si l’on se tourne vers Dieu et que l’on s’attache à lui par crainte de la peine, il y aura crainte servile. Si c’est par crainte de la faute, il y aura crainte filiale, car ce sont les fils qui craignent d’offenser leur père. Si l’on craint en même temps la faute et la peine, c’est la crainte initiale, qui tient le milieu entre la crainte filiale et la crainte servile » (Somme théologique, IIa-IIae, q. 19, art. 2, concl.).

Oui, ce sont les fils qui craignent d’offenser leur père terrestre, et ils le craignent parce qu’ils ne veulent pas offenser ainsi leur Père céleste. Ils honorent, ils révèrent les grandeurs naturelles, ils respectent les grandeurs d’établissement car, à la source, enraciné dans leur cœur, fleurit la crainte révérencieuse de Dieu.

Redevenons familiers avec la crainte de Dieu. Il en résultera, pour notre vie intérieure, une paix et un abandon jamais ressentis, et, pour notre vie avec les autres, un respect qui conduira vraiment à l’amour du prochain. Que la grandeur de Dieu nous fasse toucher du doigt notre propre misère, relevée de ses cendres et de ses ordures par l’amour divin.

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Dieu
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