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Peut-on être chrétien sans avoir le souci de l’évangélisation ?

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Sebastien Desarmaux / Godong

Père René-Luc - publié le 30/08/21 - mis à jour le 20/10/22

Beaucoup de chrétiens ne sont pas à l’aise avec l’évangélisation. Mais on ne peut grandir dans la foi au Christ sans avoir le souci de la donner. C’est une demande explicite de Jésus : le monde a besoin de Dieu et il a "le droit de l’entendre" autant que nous avons "le devoir de le proclamer".

À la fin des quatre évangiles, Jésus invite tous ses disciples sans distinctions à annoncer son royaume. Ce “précepte missionnairea été repris de façon forte et actuelle par les derniers papes. En Matthieu (28, 19-20) : “Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du fils, et du Saint Esprit, leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps.”

Le précepte missionnaire de Jésus

En Marc (16, 15) : “Allez par le monde entier, proclamez l’Évangile à toutes les créatures. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé, celui qui ne croira pas sera condamné” ou encore (16, 20) : “Quant à eux, ils partirent prêcher partout : le Seigneur agissait avec eux et confirmait la parole par des signes qui l’accompagnaient”. En Luc (24, 46-49) : “C’est comme il a été écrit : le Christ souffrira et ressuscitera des morts le troisième jour, et on prêchera en son nom la conversion et le pardon des péchés à toutes les nations, à commencer par Jérusalem. C’est vous qui en êtes les témoins. Et moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis.”

En Jean (20, 21-23) : “La paix soit avec vous. Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et leur dit : recevez l’Esprit saint ; ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis, ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus.”

Dans les Actes des Apôtres (1, 8) : “Vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit saint, qui descendra sur vous, alors vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre.”Dans ces diverses formes de l’envoi en mission de Jésus, il y a deux éléments importants.D’abord la dimension universelle de la tâche confiée aux apôtres (toutes les nations) et en second lieu l’assurance donnée par le Seigneur qu’ils ne resteront pas seuls pour accomplir cette tâche mais qu’ils recevront la force et les moyens d’accomplir leur mission.

L’appel des papes

Tous les derniers papes nous demandent avec insistance de nous investir dans l’Évangélisation. Le premier document important sur l’évangélisation est le décret du concile Vatican II sur l’activité missionnaire de l’Église Ad Gentes (“aux nations”) par le pape Paul VI, le 7 décembre 1965. Dans ce document, le concile invite tous les chrétiens à “assumer leur part dans l’œuvre missionnaire auprès des nations”. Dix ans plus tard, le 8 décembre 1975, le même Paul VI reprend et développe ce thème dans l’exhortation apostolique Evangelii nuntiandi (“l’annonce de l’Évangile”) sur l’évangélisation dans le monde moderne. Il y précise que “l’effort pour annoncer l’Évangile aux hommes de notre temps est un service rendu à toute l’humanité”.

Quinze ans plus tard, le 7 décembre 1990, le pape Jean Paul II publie l’encyclique Redemptoris missio (“la mission du Rédempteur”) sur la valeur permanente du précepte missionnaire. Sous le pontificat de Benoît XVI, la congrégation pour la doctrine de la foi sort en octobre 2007 une note doctrinale sur certains aspects de l’évangélisation avec notamment le droit de tout homme à entendre parler de Dieu et le devoir de tout chrétien à en parler. 

Des disciples missionnaires

Enfin, le premier document officiel du pape François est l’exhortation Evangelii gaudium (“la joie de l’Évangile”) parue le 24 novembre 2013 sur l’annonce de l’Évangile dans le mode d’aujourd’hui où il demande à tous les baptisés de devenir des “disciples missionnaires” (EG, 120) :

“En vertu du Baptême reçu, chaque membre du Peuple de Dieu est devenu disciple missionnaire (cf. Mt 28, 19). Chaque baptisé, quelle que soit sa fonction dans l’Église et le niveau d’instruction de sa foi, est un sujet actif de l’évangélisation, et il serait inadéquat de penser à un schéma d’évangélisation utilisé pour des acteurs qualifiés, où le reste du peuple fidèle serait seulement destiné à bénéficier de leurs actions. La nouvelle évangélisation doit impliquer que chaque baptisé soit protagoniste d’une façon nouvelle.

Cette conviction se transforme en un appel adressé à chaque chrétien, pour que personne ne renonce à son engagement pour l’évangélisation, car s’il a vraiment fait l’expérience de l’amour de Dieu qui le sauve, il n’a pas besoin de beaucoup de temps de préparation pour aller l’annoncer, il ne peut pas attendre d’avoir reçu beaucoup de leçons ou de longues instructions. Tout chrétien est missionnaire dans la mesure où il a rencontré l’amour de Dieu en Jésus Christ ; nous ne disons plus que nous sommes “disciples” et “missionnaires”, mais toujours que nous sommes “disciples-missionnaires”.”

Favoriser la liberté

Depuis l’envoi en mission des douze apôtres par Jésus, il y a eu des centaines de milliers de chrétiens qui ont évangélisé à temps et à contretemps. Mais beaucoup d’autres ne se sentent pas concernés par l’évangélisation pour différentes raisons. Certains pensent tout simplement que la mission était la tâche de l’Église des trois premiers siècles, mais qu’ensuite, l’Église devait vivre une pastorale d’entretien, l’évangélisation n’est plus nécessaire. D’autres ne se sentent pas capables d’évangéliser ou pensent que cela est réservé à des prêtres et des religieux ou religieuses. Surtout, beaucoup ont peur de ne pas respecter la liberté des autres et d’être pris pour des Témoins de Jéhovah.

Le missionnaire est convaincu qu’il y a dans l’homme une soif cachée de Dieu, une attente qui ne demande qu’à être comblée.

L’épisode de la Samaritaine montre qu’il y a en tout homme une soif cachée, une attente que Dieu seul peut combler.Le chrétien sait que Jésus est son sauveur et le sauveur de tout homme. Il est convaincu que tout homme, y compris les non chrétiens, retrouvent toute leur dignité et le sens de leur existence qu’en connaissant le Christ. C’est pourquoi le chrétien veut partager ce trésor à celui qu’il rencontre. Et comme dans l’épisode de la samaritaine, le missionnaire est convaincu qu’il y a dans l’homme une soif cachée de Dieu, une attente qui ne demande qu’à être comblée.

“Dans l’annonce du Christ aux non-chrétiens, le missionnaire est convaincu qu’il existe déjà, tant chez les individus que chez les peuples, grâce à l’action de l’Esprit, une attente, même inconsciente, de connaître la vérité sur Dieu, sur l’homme, sur la voie qui mène à la libération du péché et de la mort. L’enthousiasme à annoncer le Christ vient de la conviction que l’on répond à cette attente ; c’est pourquoi le missionnaire ne se décourage pas ni ne renonce à son témoignage, même s’il est appelé à manifester sa foi dans un milieu hostile ou indifférent” (Redemptoris missio, 45).

La parabole du boulet

Imaginez que vous marchez dans la rue avec un trousseau de clés dans la main. Vous croisez des passants enchaînés à d’énormes boulets aux pieds. Votre clé permet de les libérer. Comment les respectez-vous ? En passant à côté d’eux sans rien dire, ou en vous arrêtant pour leur proposer votre clé ? Peu importe s’ils l’acceptent ou la refuse, vous devez au moins leur proposer cette clé. Il est normal de ne pas être à l’aise avec les procédés des sectes, à commencer par les Témoins de Jéhovah, mais on doit leur reconnaître ce mérite : ils ont le courage de sortir à la périphérie pour parler de leurs convictions.

Nous devons être cependant réservés sur leurs méthodes souvent trop insistantes. Le chrétien ne doit jamais s’imposer. “L’Église propose, elle n’impose rien. Elle respecte les personnes et les cultures, et elle s’arrête devant l’autel de la conscience” (Redemptoris missio, 39). La liberté est ce qu’il y a de plus précieux dans la foi, mais on ne peut pas se décider librement sans connaître, sans avoir rencontré la proposition du Christ relayée par ses messagers. Il s’agit donc pour le missionnaire d’éveiller une attente, de faire surgir les questions souvent refoulées, par peur de l’opinion des autres.

Témoigner ET annoncer

Dans ce dessein, le pape Paul VI avait beaucoup insisté sur l’importance primordiale du témoignage de vie. Pour l’Église, le témoignage sans paroles d’une vie authentiquement chrétienne, livrée à Dieu dans une communion que rien ne doit interrompre mais également donnée au prochain avec un zèle sans limite, est le premier moyen d’évangélisation. “L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres, ou s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins” (EN, 41).

Pendant des années, des prédicateurs ont utilisé une citation de Paul Claudel sur l’importance du témoignage de vie. Elle est citée dans le YouCat (n. 74) : “Ne parle du Christ que si on te le demande, mais vis de telle manière qu’on te le demande !” Cette citation est belle car elle montre l’importance du témoignage de vie. Pas la peine de parler si notre vie n’est pas d’abord un reflet de l’Évangile.

Mais cette citation a aussi une limite : elle semble nous dispenser de l’effort de l’annonce. Il suffirait de vivre en bon chrétiens, et d’attendre qu’on nous pose des questions. Il faudrait alors réécrire la fin de Matthieu 28 : “Allez, de toutes les nations, faites des disciples… mais attendez qu’on vous pose des questions !” Or notre société est de plus en plus indifférente par rapport au fait religieux qui est de plus en plus retranché dans l’espace privé. On n’est plus ni pour ni contre, chacun croit ce qu’il veut !

Dans ce contexte, personne ne pose plus de questions même si le témoignage de vie est extraordinaire, et l’annonce ne se fait plus ! “Le plus beau témoignage se révélera à la longue impuissant s’il n’est pas éclairé, justifié — ce que Pierre appelait donner “les raisons de son espérance” (1P 3, 15) —, explicité par une annonce claire, sans équivoque, du Seigneur Jésus. La Bonne Nouvelle proclamée par le témoignage de vie devra donc être tôt ou tard proclamée par la parole de vie. Il n’y a pas d’évangélisation vraie si le nom, l’enseignement, la vie, les promesses, le Règne, le mystère de Jésus de Nazareth Fils de Dieu ne sont pas annoncés” (EN, 22).

En réalité, le témoignage n’est jamais si évident que les gens puissent reconnaître immédiatement et facilement le Christ à travers nous : même les saints ont rencontré l’incompréhension de leur entourage. Un témoin est quelqu’un qui parle, qui jure de dire la vérité, toute la vérité. N’attendons pas d’être parfaits pour commencer à parler du Christ, nos insuffisances même seront des occasions d’humilité qui nous ferons progresser.

La foi naît de la prédication !

Dans l’épître aux Romains, au chapitre 10, Paul s’écrit : “Comment les païens peuvent-ils croire s’ils n’ont pas entendu ? Mais comment peuvent-ils entendre si personne ne proclame ? La foi naît de la prédication !” Il faut donc que tous les chrétiens se sentent concernés par le devoir de l’annonce ! Les vérités chrétiennes ne sont pas seulement des convictions philosophiques ou morales, elles reposent sur des évènements (la venue de Jésus sur terre, la mort, la Résurrection, etc.) qu’on ne peut pas inventer, si on ne nous les a pas apprises…

Ainsi, l’évangélisation est un droit pour les autres et un devoir pour nous ! “Toute personne a le droit d’entendre la “Bonne Nouvelle” de Dieu, qui se fait connaître et qui se donne dans le Christ, afin de réaliser pleinement sa vocation. À ce droit correspond un devoir, celui d’évangéliser : en effet, annoncer l’Évangile, ce n’est pas mon motif d’orgueil, c’est une nécessité qui s’impose à moi : malheur à moi si je ne n’annonçais pas l’Évangile (1Co 9, 16) !”(Note doctrinale de la congrégation de la foi sur la nouvelle évangélisation, octobre 2007).

Le meilleur moyen de progresser spirituellement

Le pape Jean Paul II disait que “la mission est un problème de foi, elle est précisément la mesure de notre foi en Jésus et en son amour pour nous” (Redemptoris missio, 11). C’est bien pratique d’avoir un indice pour faire le point sur son attachement au Christ. Voilà un moyen tout simple : est-ce que j’ai le souci de l’évangélisation ? Si j’ai vraiment rencontré Jésus, qu’il est mon ami, que je l’aime, je ne peux pas ne pas le faire aimer ! Cette règle vaut d’ailleurs pour toute l’Église :“Dans l’histoire de l’Église, le dynamisme missionnaire a toujours été un signe de vitalité, de même que son affaiblissement est le signe d’une crise de la foi” (RM, 2).

Ainsi, s’ouvrir à la mission est un remède pour guérir de… l’hépatite F : la crise de foi !Lorsque quelqu’un a une hépatite, il prend les moyens pour guérir. Celui qui a une hépatite F, c’est-à-dire une foi jaunâtre, celle qui ne vous donne pas la joie, celle qui vous enferme dans des habitudes routinières qui vous dépriment, celui-là a plus que jamais besoin de faire une expérience missionnaire pour guérir !

En effet, au précepte missionnaire de Jésus est lié l’assurance de l’action du Saint Esprit : “Ne vous inquiétez pas de savoir comment parler ou que dire : ce que vous aurez à dire vous sera donné à cette heure-là, car ce n’est pas vous qui parlerez, c’est l’esprit de votre Père qui parlera en vous” (Mt 10, 19-20). Ainsi, lorsqu’un chrétien se lance dans la mission, il fait souvent l’expérience concrète de l’action de Dieu en lui et à travers lui. Il se trouve fortifié dans sa propre foi : “La foi s’affermit lorsqu’on la donne !” (RM, 2.)

S’engager dans la mission procure une grande joie

Saint Paul s’écriait “Malheur à moi si je n’évangélise pas” ! (1Co 9, 16) A contrario, nous pouvons dire avec lui : “Bonheur à moi si j’évangélise !” Le pape François en a fait le thème de sa première exhortation apostolique : “La joie de l’Évangile qui remplit la vie de la communauté des disciples est une joie missionnaire. Les soixante-dix disciples en font l’expérience, eux qui reviennent de la mission pleins de joie (cf.Lc10, 17). Cette joie est un signe que l’Évangile a été annoncé et donne du fruit”(Evangelii gaudium, 21).

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