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La Palud, le plus ancien sanctuaire de sainte Anne, la “grand-mère des Bretons”

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sainte anne la palud bretagne

© BERTHIER Emmanuel / hemis.fr / Hemis via AFP

Pardon à Sainte-Anne-la-Palud.

Anne Bernet - publié le 25/07/21

La dévotion des Bretons pour sainte Anne a pour origine le culte de la déesse Anna, « Mère des dieux et des hommes ». La première chapelle qui est dédiée à celle qui fût la grand-mère de Jésus est édifiée au-dessus de la baie de Douarnenez, au début du VIe siècle.

Quand les Bretons, chassés de leur grande île par les envahisseurs saxons, commencent à émigrer en Armorique, vers le milieu du Ve siècle, ils sont stupéfaits, eux qui se sont convertis au christianisme sans difficulté voilà plus de deux cents ans, de trouver leurs cousins gaulois fidèles aux anciens dieux : révoltée contre Rome dans les années 250, la région a certes été reconquise mais demeure en état permanent d’insurrection larvée. Il ne fait pas bon y être assimilé à un partisan de « l’occupant »… Les missionnaires, qui ont le tort d’arriver dans le sillage des légions, et de parler latin, l’ont appris à leurs dépens. Nul ne les écoute. Voilà comment le pays résiste « encore et toujours » au message du Christ, par fidélité mal comprise.

La déesse Anna

Cela, les prêtres venus de Bretagne la Grande et d’Irlande l’ont compris. On ne convertit les Armoricains qu’en leur prêchant la foi en langue celtique et en la leur présentant sous un jour familier. Certains, qui, comme Ronan, ont été druides avant de recevoir le baptême, y excellent. Dans la petite région du Porzay que Ronan a entrepris d’évangéliser, s’est établi un tiern, un chef de clan venu de Cornouaille, nommé Gradlon. D’abord, dit la légende, un peu tiède vis-à-vis du catholicisme dont il juge la morale trop rigide, Gradlon change après avoir échappé à un tsunami qui a rayé de la carte plusieurs cités prospères, à l’origine de la légende de la ville d’Ys. Meurtri par la mort de sa fille, périe dans la catastrophe, Gradlon s’adonne depuis à de grandes pénitences sous la direction de l’évêque de Quimper, Corentin, et de l’abbé de Landévennec, Guénolé. Celui-ci l’a déjà encouragé à christianiser, dans les bois du Faou, un ancien nemeton où s’élève désormais un sanctuaire placé sous l’invocation de la Sainte Trinité et de la Vierge, qui deviendra Notre-Dame de Rumengol

Maintenant, Guénolé vise un autre site païen, dans une zone littorale marécageuse que la mer recouvre aux grandes marées. On y vénère depuis la nuit des temps « la Mère des dieux et des hommes », une déesse connue sous le nom d’Anna ou Dana, bien plus ancienne que la présence celte, comme l’atteste son rang d’épouse du dieu à tête de cerf Kernunos. Anna est, comme le dira un jour François Villon de la Sainte Vierge, « l’empérière des infernaux paluds », l’impératrice des marais, ce monde inquiétant d’eaux stagnantes et dangereuses qui ouvrait sur le royaume des morts. Anna venait d’ailleurs de la racine anan : marécage. Ainsi est-elle à la fois la dispensatrice du principe vital et la Dame qui règne sur les trépassés. On la fête dans le calendrier celtique le 26 juillet, qui est aussi une célébration des morts, comme l’atteste l’arbre du jour, l’if funéraire quasi immortel, date que l’Église élira pour célébrer sainte Anne.

Troublante coïncidence

Conscient de la puissance de cette divinité, Guénolé a la sagesse de ne pas l’attaquer de face. Le seul moyen de triompher d’Anna était de la remplacer par son équivalent chrétien. En bien d’autres lieux de petite Bretagne, les missionnaires résolvent le problème en plaçant le sanctuaire païen, et la source guérisseuse qui le jouxte toujours, sous la protection de Marie. Guénolé juge plus habile de lui préférer sa mère. Depuis quelques décennies, des textes apocryphes auxquels l’Église accorde un certain crédit, donnent un nom aux parents de la Vierge, que les évangiles canoniques n’identifient pas : Joachim et Anne, Anna en latin. La coïncidence est trop troublante pour n’être pas utile. Au demeurant, sainte Anne, comme Anna, est invoquée pour avoir des enfants.

Voilà comment, vers l’an 500, Guénolé édifie sur la côte, au-dessus de la baie de Douarnenez, un sanctuaire sous l’invocation de Sainte-Anne de la Palud, sainte Anne des marais. La récupération est transparente. Quoiqu’il en soit, la greffe prend, et sainte Anne, mère de Marie, supplante d’autant plus facilement son homonyme que certains n’hésitent pas à la naturaliser armoricaine, affirmant que, fille de grande naissance, elle a dû quitter son pays natal après un veuvage tragique et chercher refuge en Terre Sainte. Celte, la grand-mère du Christ peut revendiquer tous les privilèges de « la mère des dieux et des hommes » et le titre de Mamm Goz, grand-mère des Bretons.

La Dame de Pitié

Hélas, la baie de Douarnenez, entre tempêtes, vagues de submersion, séismes répétés, change de visage. La mer s’avance, et, vers le IXe siècle, la chapelle disparaît. Le sanctuaire fantôme entre dans la légende sous le nom de Santez Anna Gollet, Sainte Anne la Perdue. On la reconstruit, plus en hauteur et en retrait de l’océan qu’elle domine et vers lequel les pèlerins descendent, bannières et statue de la sainte en tête, le dernier dimanche d’août, pour conjurer les périls de la mer. On la reconstruit une troisième fois dans les années 1230, puis on l’embellit au début du XVe siècle. En 1548, on y installe une splendide image de Sainte Anne enseignant à lire à sa fille. Sainte Anne de la Palud est invoquée contre tous les maux, car elle est « la Dame de Pitié ». On la dit grande faiseuse de prodiges, raison pour laquelle bancroches, infirmes, contrefaits se pressent à son sanctuaire, mais aussi les mendiants professionnels qui viennent émouvoir les bons chrétiens, et effaroucher parfois les bien-pensants. Cela, et la renommée croissante d’Auray, finissent par éclipser la Palud. On y voit pourtant encore des foules qui, lors du pardon nocturne, viennent porteuses d’un cierge allumé, preuve qu’une prière adressée dans l’année à la sainte a bien été exaucée, d’où le nom de procession des miracles.

La chapelle actuelle, en dépit des apparences, ne date que du Second Empire. Elle ne manque cependant pas de charme, tout comme sa source sacrée où il est possible d’aller boire. Les reliques de sainte Anne qu’elle abrite viennent du sanctuaire d’Apt en Provence, comme toutes celles de l’aïeule du Christ. Elles en furent apportées en 1848, puis en 1922. Certains regrettent que le pardon actuel « tourne en rond » sur la dune, qu’il n’ose plus affronter la mer. C’est vrai, mais l’important n’est-il pas que tant de prières, et depuis si longtemps, soient montées en ces lieux vers l’Aïeule pleine de commisération d’un peuple douloureux ?

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