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Nul n’est prophète en son pays

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Granger Coll NY / Aurimages

Jean-Thomas de Beauregard, op - publié le 03/07/21

Pourquoi une saine distance entre le prédicateur et son auditoire est de bonne pratique.


Avec l’été, beaucoup profitent des vacances pour passer du temps auprès de leur famille. Au milieu des cris des enfants, les parents s’efforcent de trouver quelque repos et s’arrêtent, pensifs, devant ce bibelot charmant ou bien hideux offert à la grand-mère par l’oncle Alfred au retour d’un voyage. En passant devant le cagibi sous l’escalier, des souvenirs d’angoisse d’enfant remontent à la surface. Le retour à la maison n’est pas un bonheur sans mélange. On y retrouve pêle-mêle des joies et des peines, des disputes et des réconciliations. Si la famille est la cellule de base de la société, elle l’est au double sens du mot « cellule » : le lieu d’éclosion de la vie qui grandit et s’épanouit au-delà d’elle-même, mais aussi la vie enfermée dans une prison de rancœurs, d’interdits, de méfiances creusées par le temps.

On ne reconnaît plus Jésus

L’Évangile, qui ne tourne jamais à la littérature pieuse d’édification, n’élude pas cette ambiguïté du retour au lieu d’origine et à la famille. Lorsque Jésus revient à Nazareth, où il a passé son enfance, l’accueil n’est pas très chaleureux. C’est que là-bas, tout le monde le connaît. On l’a vu grandir. Les parents avaient bonne réputation, même si on soupçonnait une irrégularité au début de leur mariage. Quant à Jésus lui-même, il n’avait pas tellement fait parler de lui avant ses trente ans. Tout au plus s’étonnait-on un peu qu’il n’ait pas trouvé à se marier, lui qui était bon garçon, avec une bonne situation dans l’entreprise de son père. Il avait surpris son monde, en quittant la région sans raison apparente. Depuis, on entendait les rumeurs les plus folles à son sujet, mais peut-être qu’on reportait sur lui les aventures de son cousin, un agitateur qui prêchait l’avènement du Royaume en invitant à la pénitence. Alors le jour où Jésus revient enfin, autant dire qu’on l’observe avec curiosité. Aux persiennes des volets, les femmes du village ont le regard fixé sur le fils de Marie. Voilà qu’il enseigne, fait des miracles… On ne le reconnaît plus ! Comment ose-t-il attirer l’attention sur cette ville de bons citoyens, de juifs fidèles ?

C’est tout de même surprenant. Jésus vient prêcher dans sa ville d’origine, il n’est pas écouté. Il peut enseigner avec autorité, faire des miracles, tout cela n’a aucune valeur aux yeux des gens. On s’attendrait à un retour triomphal de l’enfant du pays, celui qui a réussi, et c’est l’inverse qui se produit. Jésus déplore : « Nul n’est prophète en son pays » (Mc 6, 1-6). Et c’est bien là que le bât blesse.

La juste distance

Les prédicateurs le savent : ce sont les proches amis, la famille, les frères de couvent pour les religieux, qui ont le plus de mal à prendre au sérieux leurs prédications ou leurs enseignements. À eux, on ne la fait pas ! Ils connaissent trop les défauts et l’histoire du prédicateur pour se laisser impressionner. La famille au sens large peut devenir le lieu de la familiarité, par définition. Or la familiarité n’est pas toujours idéale pour la prédication et l’enseignement. Nul n’est prophète en son pays parce qu’une trop grande proximité entre le prédicateur et son auditoire parasite le discours. Le vin de la grâce est méprisé parce qu’on ne connaît que trop bien la cruche qui le verse !

Au-delà des inévitables questions de chasteté et des problèmes d’emprise, c’est une des raisons qui milite pour préserver une saine distance entre le prédicateur et son auditoire. L’efficacité de la parole la mieux méditée, la mieux construite, la mieux donnée, peut être ruinée par une trop grande familiarité avec l’auditoire. La prédication n’est alors plus qu’une parole d’un homme trop bien connu et non pas un écho de la parole de Dieu lui-même.

Comment trouver la juste distance entre un prêtre et des fidèles laïcs, dans le cadre d’une paroisse ou ailleurs ? C’est en tout cas un effort qui doit être poursuivi à la fois par les prêtres et par les fidèles laïcs, chacun pour leur part. Une véritable proximité est évidemment souhaitable. Jésus lui-même nous montre d’ailleurs en d’autres lieux de l’Évangile l’exemple d’une proximité qui ne nuit pas à l’efficacité de la parole. Il est au milieu du troupeau, il en a l’odeur, selon les mots du pape François. Jésus ne se place pas sur un piédestal, en surplomb par rapport aux disciples ou à toute autre personne. Et s’il est entouré de respect par les uns et les autres, il n’est pas tenu à distance comme une idole sacrée qu’on révère de loin.

Citoyens du Ciel

La manière dont Jésus procède est une leçon pour tous ceux qui, dans l’Église, ont mission d’enseigner. On le voit prêcher, se déplacer de village en village, et il parvient à se faire proche tout en restant crédible. Jésus sait se faire proche des hommes tout en restant loin du monde, c’est là tout le secret. Il faut dire que lui n’a pas à craindre que son manque de sainteté personnelle diminue la portée de sa prédication. Pour tout autre que lui, c’est toujours un défi. Le prédicateur, qu’il soit prêtre dans le cadre de la liturgie, ou qu’il soit laïc dans le cadre de sa mission d’évangélisation, ne prêche pas parce qu’il est un saint, mais le fait même qu’il prêche devrait être une sérieuse incitation à le devenir, ne serait-ce que par souci de cohérence et d’efficacité ! De la proximité de bon aloi à l’excessive familiarité qui ruine toute communication possible de la grâce, le fossé est vite franchi. Il importe de savoir se situer les uns par rapport aux autres, pour que chacun puisse être le saint que Dieu veut qu’il soit, dans la vocation qui est la sienne. Si l’horrible expression « faire Église » a un sens, c’est peut-être déjà celui-là ! 

Nul n’est prophète en son pays. Jésus lui-même s’est heurté à cette difficulté en venant prêcher dans sa ville d’origine. Mais en réalité, en venant dans cette ville, Jésus ne revient pas à son lieu d’origine. Jésus n’est pas prophète dans ce pays, parce que ce n’est pas son pays. Son lieu d’origine, c’est la Trinité et c’est là qu’Il retourne. Si nous voulons être des prédicateurs selon l’esprit du Christ, il faut devenir des citoyens du Ciel, que la Trinité soit notre véritable pays. Alors nous serons situés exactement là où il faut.

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