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Sergueï Averintsev, ce savant chrétien qui a embobiné l’Académie soviétique

Sergueï Averintsev

© Sergey Ptitsyn / Sputnik via AFP

Denis Lensel - publié le 01/07/21

Savant spécialiste de littérature antique et de poésie byzantine, l’académicien russe Sergueï Averintsev réussit à réintroduire subrepticement la vérité chrétienne au cœur des publications officielles de la culture soviétique. Il a pratiqué une pédagogie de la foi dans ce saint des saints de l’athéisme officiel.

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Né en 1937, fils d’un biologiste de Moscou, Sergueï Averintsev étudie la philologie classique. En 1968, il reçoit le Prix Lénine des Jeunesses communistes comme traducteur. Précieux sésame… En 1971, il y a 50 ans, il est admis comme membre de l’Institut Maxime Gorki de littérature mondiale : dépendant de l’Académie des sciences d’URSS, cet organisme a été fondé par le gouvernement soviétique en 1932, sous Staline. Sa vocation est de favoriser les recherches des académiciens et de leurs collaborateurs. Sergueï Averintsev y restera jusqu’en 1991, l’année de la chute du communisme.

En 1979, il soutient une thèse de doctorat sur la poésie byzantine. Dès les années quatre-vingt, il acquiert une grande notoriété. En 1987, il devient correspondant de l’Académie des sciences, dont il sera membre à part entière en 2003. En 1989, il est nommé professeur à l’Institut d’histoire et de « théorie culturelle » de l’Université d’État Lomonossov de Moscou : les étudiants moscovites se pressent à ses cours.

Auprès de Jean Paul II

En 1994, ayant rencontré plusieurs fois le pape Jean Paul II, Sergueï Averintsev est coopté à l’Académie pontificale des sciences sociales : Byzance et Rome, c’est la rencontre des « deux poumons de l’Église ». Dès 1970, Averintsev avait déjà réussi à publier dans l’Encyclopédie soviétique une trentaine d’articles sur des sujets théologiques, le Salut, la Sagesse, la… théologie, l’eschatologie et divers thèmes du christianisme. Dans ce but, il s’est coulé dans le moule de la culture officielle, en maniant à la fois des notions de philosophie grecque et bibliques. Cette diffusion d’articles à contenu religieux sous le contrôle de la censure officielle sous Brejnev fut « un tournant dans la vie idéologique du pays », constatait Averintsev. Rencontrant l’opposition indignée de quelques enseignants marxistes-léninistes, il engage une vraie guérilla bureaucratique avec l’« Institut d’athéisme scientifique » d’URSS et la censure officielle…

Ses publications n’ont pas été sans provoquer quelques esclandres avec des gardiens du temple vigilants du matérialisme officiel.

Habile, il progresse à travers tous les obstacles : utilisant l’ambition d’apparatchiks incultes du Comité central, il rédige pour eux, avec des touches de spiritualité, des articles signés par eux, puis il se recommande d’eux pour écrire plus librement… Il publie un article « Pravda » sur la vérité, présenté comme « couronnant le grand travail » du rédacteur en chef de la partie philosophique : cela rendra impossible toute attaque publique lors de l’édition définitive… En 1986, il prépare un dictionnaire encyclopédique de théologie prévu pour le Millénaire du christianisme en Russie en 1988, mais le projet est annulé, du fait de la mort du métropolite Antoine de Leningrad.

En quarante ans, des années 1960 à 1991, Averintsev aura écrit cinquante articles pour deux tomes de l’Encyclopédie philosophique, soixante pour le dictionnaire philosophique officiel, et plus de quatre-vingts sur les « Mythes des pays du monde ». À partir de 1964, il rédige une série d’articles sur l’histoire du christianisme, aux titres évocateurs : « Nouveau Testament », « Patristique », « Conversion », « Révélation », « Orthodoxie », Protestantisme », « Prédestination »…

Au prix d’esclandres et de coups de ciseau

Ses publications n’ont pas été sans provoquer quelques esclandres avec des gardiens du temple vigilants du matérialisme officiel. Les dénonciations pleuvent… et on supprime de la liste du glossaire certains de ses articles, comme « les épîtres de Paul » et « la notion de conversion », un texte qualifié de « travail de pope », terme souvent péjoratif en russe. Un directeur de l’Institut d’Athéisme scientifique coupe les dernières lignes de l’article sur l’orthodoxie. L’article « Christianisme » est noyé dans un appendice insignifiant d’un « sociologue de la religion ». Et on intègre d’autres articles à des dossiers profanes sirupeux sans aucun rapport…, avec quelques résultats grotesques, comme un titre sur « la pensée philosophique et sociale des Turkmènes »… Mais Averintsev parvient à publier quelques lignes sur saint Augustin et saint François d’Assise, présentés comme des étapes de la pensée humaine, et sur Vladimir Soloviev, le penseur russe de l’unité des chrétiens.

Il viendra en France, pour marcher vers Chartres en lisant des poèmes de Péguy.

Dans une communication, « Sagesse divine », il médite sur l’inscription de la mosaïque de la Vierge Orante de la basilique Sainte Sophie de Kiev, qui présente ainsi la cité : « Dieu est au milieu d’elle : elle ne sera pas ébranlée ». Il viendra en France, pour marcher vers Chartres en lisant des poèmes de Péguy. Averintsev meurt d’une crise cardiaque en 2003 après une vie de combat spirituel. Il aura apporté en URSS des pépites de culture judéo-chrétienne, comme les pièces d’un puzzle qui véhiculait la foi parmi les « Sans-Dieu ». Il disait que « l’expression “liberté de pensée” recèle un fâcheux pléonasme, car la pensée n’existe que dans la mesure où elle est libre ».

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