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Le chrétien a-t-il des ennemis ?

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Jean-Michel Castaing - publié le 29/06/21

Les chrétiens ne doivent pas culpabiliser de ce que tout le monde ne les aime pas. Le Christ leur demande d’aimer leurs ennemis, il ne leur a pas prédit qu’ils n’en n’auraient pas.

D’après une idée reçue, les chrétiens formeraient cette secte bizarre qui voudrait aimer tout le monde et qui ne se connaîtrait aucun ennemi déclaré, indépendamment de leur volonté. Si la première affirmation est vraie, les disciples essayent d’aimer tous les hommes, autant qu’ils le peuvent et avec le secours de l’Esprit de Dieu, non sans quelques entorses inévitables au précepte reçu de Jésus d’aimer nos ennemis, en revanche la seconde affirmation est fausse. En effet, la parole du Christ : « Mais, je vous le dis, à vous qui m’écoutez : aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous maltraitent » (Lc 6, 27-28), si elle est unique dans toute l’histoire, et qu’elle constitue à elle seule une preuve de sa divinité, n’en recèle pas moins un terrible réalisme. Jésus ne cache pas en effet que ses disciples rencontreront des marques d’hostilité et que des hommes se poseront en ennemis à leur égard. 

Si le Christ demande de les aimer et de prier pour eux, il les définit toutefois comme ennemis. Dans ces conditions, comment en est-on venu à penser, en dehors de l’Église mais aussi en son sein, que les chrétiens avaient une mentalité de « bisounours » et qu’ils nourrissaient une vision du monde selon laquelle « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » ? Comment expliquer cette méprise ?

Le syndrome du « super-chrétien » qui refuse d’avoir des ennemis  

La première cause réside dans l’erreur de croire que nous serions plus évangéliques en refusant d’avoir des ennemis. Une telle attitude est considérée par certains comme plus conforme aux préceptes du Christ. Or, c’est là opérer une confusion regrettable entre d’une part la distinction des amis et des ennemis, et d’autre part le traitement à réserver à ces derniers. La parole du Christ rappelée plus haut suppose que la distinction entre amis et ennemis a été opérée. Pour Jésus, tout le monde n’est pas gentil. 

Les chrétiens qui estiment qu’ils n’ont plus d’ennemis confondent pardon des offenses, amour des ennemis et disparition de la frontière entre le bien et le mal chez certains individus.

Là où il innove, c’est en demandant de prier pour les méchants et de les aimer. Les chrétiens qui estiment qu’ils n’ont plus d’ennemis confondent pardon des offenses, amour des ennemis et disparition de la frontière entre le bien et le mal chez certains individus. Un évangélisme utopique a pris comme signe de l’advenue du Royaume l’innocence supposée des méchants et des criminels. Comme si le Christ avait béatifié tout le monde ! Ce contresens se rencontre chez certains idéologues non chrétiens qui canonisent le criminel et anathématisent policiers et magistrats. Voilà un exemple d’une idée chrétienne devenue folle !

Masochisme chrétien et mauvaise conscience

La seconde raison du refus de reconnaître l’existence d’ennemis émane d’un complexe de culpabilité. « Si j’ai des ennemis, c’est que je l’ai mérité en contribuant à leur hostilité à mon égard. J’en suis le premier responsable ! » Tel est le discours souvent inconscient, fruit d’une mauvaise conscience, que certains chrétiens se tiennent à eux-mêmes. Or, le Christ a dit que nous serions, comme lui, haïs sans cause (Jn 15, 25) ou bien en raison de notre non-conformité aux mœurs du monde (Jn 15, 19). Autrement dit, nous ne sommes pas, dans la majorité des cas, responsables de l’hostilité que nous rencontrons. 

On confond masochisme et amour des ennemis.

Hélas ! Le masochisme chrétien est un syndrome très répandu. L’amour des ennemis a été compris par certains comme un devoir de haine de soi et par contrecoup de survalorisation de ceux qui ne sont pas chrétiens. C’est là un complexe très prégnant. Beaucoup s’imaginent être de super-chrétiens en critiquant leurs coreligionnaires et en encensant les adversaires de l’Église ! « Je suis disciple du Christ. La preuve : j’aime davantage les extrémistes qui ont juré ma perte que les pratiquants du dimanche, frileux et coincés, trônant confortablement sur leur rente de situation spirituelle ! » C’est ainsi que des chrétiens en sont venus à calculer leur degré de sainteté d’après celui de leur détestation de l’Église et d’admiration de ceux qui pensent différemment que le magistère. Selon ces utopistes, c’est à ces signes paradoxaux d’amour des ennemis et de haine de soi que l’on reconnaîtrait les véritables disciples de Jésus. On confond de la sorte masochisme et amour des ennemis. 

Le Christ ne nous a pas promis qu’il n’existerait plus de conflits entre l’Église et le monde, que tout le monde s’embrasserait, que le « baiser Lamourette » (embrassade générale à l’Assemblée législative, en 1792, qui s’avéra une réconciliation très éphémère des adversaires politiques et tourna court) donnerait le signal de la descente de la Jérusalem d’en-haut. Le Christ nous a demandé d’aimer nos ennemis, de tendre l’autre joue, non de faire copain-copain avec ceux qui ont juré notre perte, non de nous bander les yeux devant leurs intentions hostiles. Inutile de culpabiliser d’avoir des ennemis. Nous ne serons pas moins chrétiens en étant persuadés qu’ils existent.

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AmourÉvangilesJésus
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