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Les 70 ans de sacerdoce de Benoît XVI « pourrait se résumer par le mot abandon à la Providence »

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BENEDICT XVI

SVEN HOPPE | dpa Picture-Alliance via AFP

Agnès Pinard Legry - publié le 28/06/21

À l’occasion du 70e anniversaire de sacerdoce de Benoît XVI ce mardi 29 juin Christophe Dickès, historien et journaliste, revient pour Aleteia sur cet anniversaire symbolique. "Par sa vie de prêtre mais aussi par son œuvre de théologien, Joseph Ratzinger a témoigné de sa profonde espérance", explique-t-il à Aleteia.

L’anniversaire d’une ordination sacerdotale, sonne, pour tout prêtre, comme un anniversaire de mariage. Âgé de 94 ans, Benoît XVI fête ce mardi 29 juin son 70e anniversaire de sacerdoce, soit des noces de platine avec le Seigneur. « Il est très difficile de résumer 70 ans d’une vie de sacerdoce », reconnaît auprès d’Aleteia Christophe Dickès, historien, journaliste et auteur de plusieurs ouvrages dont Le Vatican, vérités et légendes et L’héritage de Benoît XVI. D’après lui, le grand professeur et l’immense intellectuel qu’est Benoît XVI ne doit pas occulter le fait que la prêtrise « était réellement au centre de son existence ». Entretien.

Aleteia : Quel regard portez-vous sur les 70 ans de sacerdoce de Benoît XVI ?
Christophe Dickès : Il est très difficile de résumer 70 ans d’une vie de sacerdoce. S’il fallait choisir un mot, je pense que ce serait celui d’abandon. Joseph Ratzinger avait l’intime conviction que Dieu voulait quelque chose de lui. Mieux, qu’Il « attendait » quelque chose de lui et que cela passait par la prêtrise. Une anecdote qui peut paraître futile mais qui l’a marquée le jour de son ordination : alors que le cardinal Faulhaber lui posa les mains sur sa tête au moment de son ordination, un oiseau s’envola du Maître Autel puis se mit à chanter. Sans tomber dans la superstition, il y vit un signe, « une exhortation d’En-Haut » comme il a pu l’écrire.

En fait, le grand professeur et l’immense intellectuel ne doivent pas occulter le fait que la prêtrise était réellement au centre de son existence. Quand Peter Seewald, qui s’est longuement entretenu avec Benoît XVI, lui demanda si la prêtrise n’avait pas été qu’une étape vers un autre but, Benoît XVI répondit : « Non, non, je m’étais déjà fait très consciemment cette promesse : rien ne m’oblige à être professeur. Je suis disposé à être prêtre et j’ai envie de l’être. » L’ensemble de son existence repose sur cette vocation et c’est aussi pour cette raison que la liturgie fut une des préoccupations de son existence.

On connaît Benoît XVI comme pape, pape émérite, grand théologien… Mais qu’est-ce qui caractérise le plus le prêtre, père Joseph Ratzinger ? De quels indices dispose-t-on pour le savoir ?
Il existe de nombreux textes de Joseph Ratzinger sur la prêtrise : on peut entre-autres se reporter à une compilation intitulée Le prêtre, un don du cœur du Christ (Traditions monastiques, 416 pages, 20€). L’ensemble de ces textes nous permettent de mieux saisir son rapport à la prêtrise. Intéressant aussi est le témoignage de ses étudiants sur la façon dont il célébrait la messe. Ceux-ci soulignaient le fait que la messe dite par le père Joseph Ratzinger ne cédait jamais à la routine, que son ardeur était à chaque fois intacte. Comme s’il célébrait la messe pour la première fois. En 1991, dans une homélie à Pentling en Bavière, il prononça les mots suivants : « L’eucharistie est la réponse à la plus profonde, la plus incontournable demande de tout notre être. » Et il ajoutait qu’il fallait réapprendre à communier…

La centralité du Christ domine la prêtrise de Joseph Ratzinger : dans le sacrement, dans sa vocation sacerdotale mais aussi dans sa carrière d’intellectuel.

En, fait, la centralité du Christ domine la prêtrise de Joseph Ratzinger : dans le sacrement, dans sa vocation sacerdotale mais aussi dans sa carrière d’intellectuel. On retrouve ce triptyque au fondement de son pontificat. C’est une chose que beaucoup de médias ne peuvent comprendre. Vu sous cet angle, le pontificat de Benoît XVI rayonne et éclaire ceux qui ont la Foi.

Comment décririez-vous les différentes « phases » de son sacerdoce ?
Je ne pense pas que l’on puisse parler de phases de son sacerdoce. Voyez-vous, une fois ordonné en 1951, Joseph Ratzinger a été nommé vicaire dans la paroisse du Précieux-Sang à Munich. Il y fit la connaissance d’un curé du nom de Blumschein. Cette rencontre fut décisive à ses yeux. Dans ses Souvenirs (Fayard, 1997), il le décrit de la sorte : « Blumschein ne se contentait pas de dire aux autres qu’un prêtre devait « brûler d’ardeur », mais il était vraiment lui-même embrasé de l’intérieur. Jusqu’à son dernier souffle, il voulut être par toutes les fibres de son être le prêtre serviteur. Et il mourut en allant porter un jour l’extrême-onction à un malade. »

On ne peut comprendre Joseph Ratzinger sans cette filiation avec le curé Blumshein. Les deux ont cultivé le sens du service et la disponibilité de tous les instants. Je suis intimement persuadé que la renonciation de Benoît XVI trouve son origine dans le simple fait qu’il estimait ne plus pouvoir remplir les obligations de sa charge qui lui incombait : ne plus pouvoir être au service, sinon par un autre moyen essentiel qu’est la prière.

Dans l’une des nombreuses pages que Benoît XVI a consacré au sacerdoce, il rappelle qu’à l’heure de l’appel définitif de Simon, Jésus, en le regardant, ne lui demande au fond qu’une seule chose : « M’aimes-tu? ». De quoi le sacerdoce de Benoît XVI en est-il le témoin ?
Vous me citez le chapitre 21 de l’Évangile de saint Jean. Pour vous répondre, je vais reprendre les quelques mots de la première épître de Pierre (3,15) : « Soyez prêts à tout moment à présenter une défense devant quiconque vous demande de rendre raison de l’espérance qui est en vous. » Par sa vie de prêtre mais aussi par son œuvre de théologien, Joseph Ratzinger a témoigné de sa profonde espérance. Saviez-vous que l’encyclique Spe Salvi sur la vertu théologale d’Espérance est la seule encyclique qu’il ait écrite de bout en bout ? Généralement, une encyclique est écrite par une petite équipe suivie de près par le pape. Or, dans ce cas précis, il l’a écrite lui-même dans sa totalité. Elle me semble absolument essentielle pour nous chrétiens mais aussi pour notre société qui, fragmentée de toute part, vit une crise anthropologique d’une gravité inouïe.

De quoi est fait son sacerdoce depuis qu’il est devenu pape émérite ?
Le pape émérite ne s’est pas coupé du monde. Il est aujourd’hui très âgé et physiquement affaibli mais pendant plusieurs années, il a reçu régulièrement des personnes de l’extérieur. C’est dans ce cadre que j’ai pu le rencontrer en juillet 2014. Ce que j’évoque en partie dans mon livre. Benoît XVI a aussi répondu à de rares interviews et il est intervenu dans des colloques mais sans se déplacer. On sait aussi qu’il fut invité par le pape François à plusieurs reprises afin de participer à plusieurs grandes cérémonies comme celle du Jubilé.

Pape « a-médiatique », Benoît XVI a pris par la main cette jeunesse pour lui faire « rencontrer » Dieu.

Surtout, et cela me semble capital dans le cadre de cet entretien, il a souhaité prendre part aux débats sur l’avenir des prêtres en cosignant un livre avec le cardinal Sarah. Ce texte d’une densité intellectuelle, culturelle et théologique rare visait à montrer l’importance du célibat sacerdotal. On peut y lire ces mots qu’il se remémorait la veille de son ordination sacerdotale : « [Nous prêtres,] nous devons sans cesse être purifiés et envahis par le Christ pour que cela soit Lui qui parle et agisse en nous, et toujours moins nous-mêmes. » On retrouve cette idée d’abandon que j’évoquais au début de cet entretien. Cette image de l’effacement de soi, plus d’un million et demi de jeunes l’ont vécu à Madrid quand, dans un silence de cathédrale, le pape s’est agenouillé devant le Saint-Sacrement. Pape « a-médiatique », il a pris par la main cette jeunesse pour lui faire « rencontrer » Dieu. Quand je l’ai rencontré, il me disait combien ce moment, le dialogue entre les jeunes et Dieu dans un silence absolu, fut un des piliers de son pontificat.

En quoi Benoît XVI incarne-t-il la vocation sacerdotale ? A-t-il donné au sacerdoce une nouvelle dimension ?
Il faut tout d’abord rappeler que l’élection de Benoît XVI en 2005 s’est jouée sur une triple nécessité : renforcer la formation doctrinale mais aussi morale du clergé, revenir aux racines de la foi et promouvoir la liturgie. J’écris dans mon livre que face à l’érosion de la foi et à la déchristianisation, les prêtres, de leur côté, ont vu en Benoît XVI plus qu’un allié, un soutien indéfectible et une contribution décisive à l’annonce évangélique. En recentrant l’Église sur l’essentiel, à savoir le Christ, ces hommes ont été portés par un sentiment de grande fierté.

Il leur a rappelé ce qu’était le « Dieu d’amour » par sa première encyclique et l’espérance qui devait porter les catholiques dans le monde, ceci jusque dans les derniers jours du pontificat. En effet, au grand séminaire pontifical romain, au cours d’une lectio divina improvisée le 9 février 2013, il s’est adressé aux prêtres en leur disant : « Nous savons que l’avenir nous appartient et que l’arbre de l’Église n’est pas un arbre mourant, mais l’arbre qui croît toujours à nouveau. Nous avons donc une raison de ne pas nous laisser impressionner — comme l’a dit le pape Jean XXIII — par les prophètes de mauvaise augure, qui disent: l’Église est un arbre issu d’un grain de sénevé, qui a grandi pendant deux millénaires, à présent son temps est passé, à présent c’est le temps où il meurt. Non. L’Église se renouvelle toujours, renaît toujours. L’avenir nous appartient ».

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