Du haut de ses 98 ans, Camilla Haddad a vécu plusieurs soubresauts de l'histoire de l'Irak, son pays. Jusqu'à l'un des plus terribles : le règne de terreur instauré par l'organisation terroriste État islamique : "Quand Daech a envahi Mossoul, je vivais seule", se souvient-elle. La peur ne manque pas de gagner la nonagénaire qui ne peut compter sur ses forces pour s'échapper. Elle décide alors de rester dans la ville avec une amie.
L'irruption de miliciens dans leur maison du quartier de Mohandessin, attire l'attention de voisins musulmans. Ils rejoignent alors les deux femmes. Parmi eux, Elias Abu Ahmed. Il prend la défense des vieilles dames et les présente comme ses grand-mère et grand-tante avant de les abriter chez lui. "Elias est venu à notre secours, se rappelle Camilla. Il nous a promis qu'il ferait tout pour nous protéger". Sept ans après, et à jamais reconnaissante, elle raconte son histoire au site d'informations AsiaNews. C'est grâce à une connaissance de longue date, le patriarche des chaldéens Louis Raphael Sako, qu'elle se confie.
Il nous a promis qu'il ferait tout pour nous protéger.
Leur première rencontre remonte aux années 1990. Le prêtre est alors curé de l'église Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours à Mossoul. Le temps passe et ils se perdent de vue.
"Je pensais qu'elle était décédée parce que je n'avais plus eu de nouvelles. Pourtant, je n'ai jamais arrêté de la chercher." Et sa persévérance finit par payer. Des années plus tard et malgré la confusion générale, il parvient à entrer en contact avec Camilla. C'est désormais une membre à part entière de la famille Abu Ahmed qui s'est agrandie au fil des ans.
La chrétienne a trouvé toute sa place dans ce foyer et les 14 enfants d'Elias le lui rendent bien en la surnommant grand-mère. "J'avais un peu d'argent de côté et je l'ai donné [à Elias] pour subvenir aux besoins de la famille parce que son salaire était bien souvent insuffisant", poursuit-elle.
Chaque jour Camilla prie le chapelet en rendant grâce pour l'aide reçue et la place qu'elle a trouvée chez les Abu Ahmed. "Je lui ai proposé de venir à Bagdad pour habiter une maison de retraite mais elle m'a assuré qu'elle préfère rester à Mossoul et prier pour chacun de nous, fait remarquer le père Sako, heureux. Son histoire, comme beaucoup d'autres, est un exemple du changement de mentalité qui s'opère en Irak."