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Ce n’est pas le pouvoir qui sauve, mais la Miséricorde

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Benoist de Sinety - publié le 13/06/21
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« Malheur à celui qui pense qu’il est appelé à être sauveur de l’Église que le Christ a sauvé ! »

« Tu dis à juste titre dans ta lettre que le fait d’enterrer le passé ne nous mène à rien. Le silence, les omissions, le fait de donner trop de poids au prestige des institutions ne conduisent qu’à l’échec personnel et historique, et nous amènent à vivre avec le fardeau “d’avoir des squelettes dans le placard” comme le dit l’adage. » En rendant public sa réponse négative à la demande de démission du cardinal Marx, le pape François souhaite s’adresser solennellement à l’Église universelle. Il ne s’agit pas simplement d’un courrier privé, mais d’une parole qui veut toucher les consciences de tous les baptisés, et, singulièrement, de tous ceux qui sont appelés à servir dans le Peuple de Dieu, comme pasteurs à l’image de l’unique Pasteur.

Appelé à l’épiscopat par Jean-Paul II, créé cardinal en 2010 par Benoit XVI, Reinhard Marx est un des visages de l’Église pas simplement en Allemagne ou en Europe mais dans le monde entier. Il est depuis le commencement de l’actuel pontificat l’une des voix, dit-on, les plus écoutées par le successeur de Pierre. Sa démission, huit ans avant l’âge « légal », n’a donc rien d’anodin. Elle avait fait l’effet d’un coup de tonnerre dans les couloirs des palais épiscopaux et renvoyait chacun à ses propres responsabilités. On pourra épiloguer sur le bien-fondé de cette démarche et en tirer les conclusions qu’on voudra. Elle nous renvoie à cette pensée désolante pour beaucoup, regardant les efforts déployés par le pape actuel et son prédécesseur pour nettoyer les écuries d’Augias, que, non, décidément, il n’y a plus rien à faire…

Reconnaissons-le, qui n’a un jour laissé échapper ce soupir de lassitude, ces paroles de découragement, au regard des scandales, grands ou petits, d’abus sexuel ou de pouvoirs, de détournements de fonds ou plus simplement de délires de toute-puissance ? Oui, qui ne s’est dit alors que l’Église était, dans son organisation, irréformable ? Et que chercher à faire évoluer les choses, vouloir rompre avec une culture de l’entre soi teintée d’onction ecclésiastique et de paroles lénifiantes, était, pour tout dire, hors de portée. 

À un prêtre s’inquiétant auprès de son évêque du comportement équivoque de l’un de ses confrères et du scandale qu’il y avait pour les fidèles de le voir maintenu à sa charge, il fut répondu il n’y a pas si longtemps que changer la mission de ce prêtre aurait pour effet d’ébranler l’institution que lui, évêque, avait pour mission de protéger… Peut-être est-il là justement notre problème : en nous situant comme protecteur de l’institution Église, nous ne pouvons que nous comporter comme des gardiens du temple inquiets de ce qui viendrait abîmer une façade que nous voudrions rendre admirable. Nous faisons ainsi de l’Église notre bien, notre palais, notre demeure, en la peignant aux couleurs de nos fantasmes, en la structurant à la mesure de nos jeux de pouvoirs. Oubliant alors qu’elle est d’abord et avant tout le corps du Christ, qu’elle ne reçoit que de lui la lumière et la vie. C’est un peu comme Ben Hur qui s’écrie dans le roman de Lewis Wallace qu’avec les hommes qu’il aurait appelé à l’y aider, il aurait empêché l’exécution de Jésus. Et ils sont encore nombreux les Ben Hur d’aujourd’hui à penser qu’il leur est demandé de se comporter en protecteurs, sinon en sauveurs de Jésus lui-même, pour défendre son honneur lorsqu’il est bafoué, rétablir sa dignité lorsqu’elle semble être mise en cause. C’est qu’au fond de nos cœurs d’adultes battent souvent des émois adolescents.

« Crois-tu que je ne puisse pas faire appel à mon Père ? Il mettrait aussitôt à ma disposition plus de douze légions d’anges » (Mt 26,53) : ce n’est pas à ses bourreaux que Jésus fit cette question, mais à l’un de ses plus proches qui tirait l’épée, pensant ainsi le sauver du mauvais sort. Nous sommes tous tentés de tirer nos épées, pensant qu’il en va de l’avenir de l’Église et donc de l’Évangile. Et, ne comptant que sur notre courage, nous nous retrouvons à bout de souffle assez vite tant le combat nous dépasse. Malheur à celui qui pense qu’il est appelé à être sauveur de celle que le Christ a sauvé ! Il oublie que ce n’est pas l’épée, ni l’intelligence, ni le pouvoir qui sauve, mais la Miséricorde qu’il doit commencer d’accueillir pour lui-même avant de la prêcher « par toute la terre ».

Il nous faut apprendre la liberté. Celle qui jaillit de la Vérité. Ne pas en avoir peur. Apprendre à être libérés par Dieu lui-même : si sa lumière dévoile l’ombre de nos vies c’est pour nous inviter au salut. Pourquoi chercherions-nous à cacher ce que la lumière du Christ révèle ? Pourquoi cacher le péché dès lors que nous enseignons au monde que le pécheur est appelé au salut ? En fait, de quoi aurions-nous peur dès lors que nous croyons qu’Il est avec nous ? En nous le rappelant, la correspondance de deux des plus hautes figures temporelles de l’Église nous invite, non pas à renoncer à ce que les choses changent, mais à prendre conscience de la conversion que nous devons tous vivre pour que l’Église puisse être parmi les déserts du monde, l’oasis d’où jaillit, pour tous, l’eau vive.

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