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Journées de la jupe : ceux qui y croient encore…

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© Caroline

Jeanne Larghero - publié le 29/05/21

Où l’on découvre que la dénonciation des stéréotypes sexistes ou racistes a pour effet direct quoique paradoxal de les renforcer.

Elle revient comme les hirondelles au printemps, celle qu’on croyait reléguée aux oubliettes d’un féminisme à la papa, fleurant bon le militantisme des années 1980 : la Journée de la jupe. Entre ceux qui l’ont lancée dans leur lycée le 8 mars à l’occasion de la journée de la femme, et les plus malins qui attendent la remontée du mercure et les derniers week-end du mois du mai pour se balader les mollets à l’air, vous lui trouverez toujours des défenseurs, persuadés de participer à la fois, et en une belle économie de moyens, à la lutte contre les inégalités entre les hommes et les femmes, la culture du viol, le sexisme, le harcèlement de rue, les stéréotypes de genre, et les diktats vestimentaires. 

Notons que cette action occupe principalement les syndicats lycéens, dont les membres et leurs pairs sont particulièrement actifs sur les réseaux sociaux. Concrètement, tous sont invités à porter une jupe, filles et garçons. Qui peut s’opposer à une cause aussi valable : le respect des femmes, et la défense des libertés ? Personne. Alors que penser de ces expériences dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles ont toujours été perçues comme des initiatives clivantes là où elles ont été menées ?

Un effet paradoxal

C’est une idée reçue, et quasiment indéboulonnable que de croire que ce gag vestimentaire ait un effet quelconque, ou amène le résultat escompté : valoriser les femmes. On sait depuis longtemps, et les expériences de psychologie sociale des vingt dernières années l’ont amplement démontré, que la dénonciation des stéréotypes sexistes ou racistes a pour effet direct quoique paradoxal de les renforcer. On soumet par exemple à un groupe de sujets un questionnaire portant sur des comportements d’hommes, de femmes, de groupes humains d’origine diverse. Les panels que l’on informe auparavant de l’existence des préjugés que l’on voudrait dénoncer sont immanquablement les plus nombreux à exprimer des jugements de valeurs, à relayer ces préjugés dans leurs réponses… 

Chercher à déconstruire le stéréotype qui voudrait que la jupe soit l’apanage du sexe féminin, ne fait que le renforcer.

Ainsi, chercher à déconstruire le stéréotype qui voudrait que la jupe soit l’apanage du sexe féminin, ne fait que le renforcer. Les garçons intègreront inconsciemment que, pour soutenir la cause des femmes, ils se sont habillés « comme une femme » et donc que jupe et femme, c’est la même chose ; par conséquent, une fille qui porterait une jupe aurait bel et bien l’intention de témoigner visiblement de sa féminité. Difficile après cela de condamner unilatéralement le sexisme, voilà comment se compliquer singulièrement la tâche. Ou comment renforcer inconsciemment les réflexes qu’on a cherché à détruire. 

Derrière le buzz

Rappelons au passage que ce constat est fait par une célèbre intellectuelle américaine, militante féministe et LGBT, Judith Butler qui, il y a trente ans (!) convint que ces politiques de lutte contre les dits stéréotypes genrés n’avaient fait qu’entretenir le sentiment de bi-polarité infranchissable et alimenté l’homophobie, d’où le titre de son essai « Trouble dans le genre »… Mais qu’importe, les organisateurs de ces journées de la jupe et les proviseurs qui les soutiennent n’ont que faire de l’inefficacité désolante et de la contreproductivité avérée de cette action, seul le buzz compte, on réfléchira après. Ou pas. 

Et qu’importe le principe de réalité : si les pays où les hommes portent des djellabas, des kurtas ou des kilts étaient les patries incontestées de l’égalité, le paradis sur terre pour les femmes, cela se saurait… Espérons que ces jeunes retrouveront bien vite la route des grands voyages, où ils découvriront des cultures différentes, des codes différents, et où ils réaliseront que les injustices se combattent en se réformant soi-même, en se retroussant les manches pour sortir de la précarité les femmes qui en sont victimes, en se consacrant à l’éducation des enfants, ces futurs adultes, en coopérant jour après jour, hommes et femmes, à des projets qui sauront dépasser l’indignation, la sensibilisation, la dénonciation, le buzz, à des projets où ils apprendront jour après jour à reconnaître leur valeur mutuelle, jupe ou pas jupe.

Tags:
Femmes
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