La vague d’indignation que soulèvent les récentes limitations à l’IVG en Pologne, passe à côté de la cohérence juridique des droits constitutionnels. Aux yeux des juges polonais, subordonner la protection du droit à la vie à son état de santé constituerait une forme de discrimination.
Depuis octobre 2020, la presse écrite et audiovisuelle en France et dans d’autres pays européens se fait l’écho de plusieurs manifestations qui ont eu lieu à Varsovie et dans plusieurs grandes villes polonaises. Ces manifestations, dont les médias occidentaux semblent parfois surévaluer l’importance, sont organisées par des associations féministes et se sont multipliées à la suite de la décision rendue par le Tribunal constitutionnel de Pologne le 22 octobre 2020. Cette juridiction avait été saisie par plusieurs députés de la diète (Sejm) pour examiner la conformité à la Constitution d’une disposition de la loi du 7 janvier 1993 (art. 4, § 1, 2) autorisant l’interruption de grossesse lorsque le fœtus est atteint d’une malformation grave ou d’une maladie incurable. Ces manifestations ont repris lorsque la décision de la Cour constitutionnelle a été publiée le 27 janvier dernier. Selon plusieurs médias en France, la Pologne aurait acté une interdiction ou une « quasi-interdiction » de l’IVG en Pologne. Pour Libération, le tribunal constitutionnel a ainsi décidé de « limiter drastiquement l’avortement », tandis que Le Monde affirme de son côté que, à la suite de cette décision de justice, « l’avortement devient quasiment illégal« .
L’on peut se demander toutefois si une telle interprétation univoque n’est pas emprisonnée par une indignation sans nuance pour laquelle toute restriction à l’IVG serait par avance condamnable. L’analyse sur le terrain du droit de la décision de la Cour constitutionnelle permet en effet d’avoir une lecture plus nuancée de la façon dont est désormais restreinte l’interruption de grossesse en Pologne au regard des garanties des libertés de la Constitution. Pour être comprises, la signification et la portée d’une telle restriction doivent en réalité être mises en perspective avec l’esprit de la Constitution polonaise relatif à la protection des droits des enfants à naître, mais aussi, plus largement, avec l’évolution du cadre juridique de l’avortement dans ce pays depuis la fin de l’époque communiste.