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Vers Pâques, quand le temps des lamentations ne sera plus de mise

Le Christ mort, par Philippe de Champaigne

AGLILEO COLLECTION / AURIMAGES

Le Christ mort, par Philippe de Champaigne, huile sur bois, Paris, musée du Louvre.

Jean-François Thomas, sj - publié le 02/04/21

En présence de Jésus au tombeau, remontent à notre cœur les lamentations du prophète. Jérémie ne pleure pas la mort, mais le péché des hommes et ses lamentations appellent à retourner à Dieu.

L’office des Ténèbres de la Semaine sainte débute par le chant émouvant du prophète Jérémie pleurant dans les ruines de Jérusalem et de son Temple dévastés par les Babyloniens. Retentit vers le ciel cet appel languissant : Ierusalem, Ierusalem, convertere ad Dominum Deum tuum — « Jérusalem, Jérusalem, convertis-toi au Seigneur ton Dieu ». Il ne s’agit point seulement de se lamenter sur l’infidélité du peuple élu adorant les idoles et se détournant du vrai Dieu, mais d’exhorter aussi, une fois la catastrophe accomplie, au retournement des cœurs, génération après génération. Lorsque le mal est consommé, est-il encore nécessaire d’implorer ? À quoi bon, pensera celui qui se décourage et préfère poursuivre en sombrant !

Contempler la mort

En présence de Notre Seigneur mort, lors de sa mise au tombeau, remontent à notre cœur les lamentations du prophète. La douleur nous transperce et paralyse notre esprit. La tentation est grande de croire que la pierre sera à jamais roulée sur le plus grand échec de l’histoire, que plus rien désormais ne sera lumière en ce monde. Contempler la mort est l’épreuve commune, celle qui remet tous les hommes sur un rang identique. L’angoisse d’Alexandre le Grand et celle du dernier de ses esclaves ne font qu’une. Tous les lauriers du monde tombent en poussière devant son spectacle. Les édifices que l’homme construit dans son existence, même les plus somptueux, ne sont plus des gages de puissance et de protection. Avec le prophète s’élève la clameur déchirante envers la gloire perdue. Tout n’est que cendres.

Lorsque les saintes femmes accompagnèrent le Corps de Notre Seigneur au seuil du sépulcre, le baignant de leurs larmes, le parfumant d’aromates, lorsque Joseph d’Arimathie, le disciple Jean et quelques autres, timides, abattus, apeurés, portèrent ce Corps inerte, seule la Vierge Sainte demeura debout malgré le glaive transperçant son âme puisqu’Elle prenait part aux souffrances du Fils. Point de lamentations sortant de sa bouche mais un fiat répété et murmuré scellant le contrat divin. Comme lorsqu’Il avait disparu, encore enfant, pour demeurer au Temple, Elle conservait toutes ces choses en son cœur, ne comprenant pas tout encore mais sachant que le dernier mot n’était point écrit par ce linceul.

Le doute est tellement plus rassurant

Notre Seigneur avait préparé ses apôtres à accueillir ce mystère de sa mort qui devait déboucher sur sa Résurrection, mais en vain, car les oreilles refusaient d’entendre et les yeux de voir. L’homme est de nature rétive. Il tient à ses idées toutes faites, à ses habitudes dues à l’expérience. Il a décidé une fois pour toutes ce qui était de l’ordre naturel et de l’ordre surnaturel, selon ses propres critères et jugements. Il a oublié que le Maître est au-dessus de la Loi et des lois et que, promettant la vie éternelle, Il ne peut tromper. Il n’empêche que le doute est tellement plus rassurant en fait que la certitude. Le doute permet de naviguer à sa guise, de prendre des chemins de traverse, d’être libre, comme le disent les hommes.

Va-t-Il être englouti à son tour dans les enfers, ne laissant pas d’autre trace qu’un souvenir douloureux chez ses quelques amis, avant de disparaître dans l’oubli des siècles ?

Le voici ce Corps devenu cadavre, portant déjà les marques de la décomposition à venir. Lui qui avait rappelé Lazare du séjour des morts, peu de temps auparavant, n’a pas été capable d’échapper à la mort ignominieuse. Lui qui avait annoncé la destruction de Jérusalem et son intention de la reconstruire en trois jours. Lui qui avait promis à la Samaritaine l’eau de la vie éternelle et à Nicodème le baptême qui écrase la mort. Nous Le contemplons à notre tour, dans le silence entrecoupé de sanglots, au seuil de la grotte remplie de ténèbres. Va-t-Il être englouti à son tour dans les enfers, ne laissant pas d’autre trace qu’un souvenir douloureux chez ses quelques amis, avant de disparaître dans l’oubli des siècles ?

Une victoire sans éclat humain

Le Sauveur aurait pu choisir un autre mode de salut que celui passant par la Croix et la mort. Il a épousé ainsi la pire condition humaine afin que sa victoire soit d’autant plus éclatante. Le Corps supplicié et sans vie est un gage de triomphe éclatant. Les prophètes l’avaient annoncé, personne ne les avait crus, chacun attendant la venue d’un roi mondain, violent, passant les ennemis au fil de l’épée. Notre Seigneur a fait mieux : Il a combattu le mal et vaincu le Malin. Cette victoire ne possède pas d’éclat humain, ne rapporte aucun trophée, n’est suivie par aucun défilé d’apothéose où le vainqueur est couronné. Voilà pourquoi nous nous accrochons aux anciennes lamentations, abattus, scandalisés, découragés.

Le Corps glorieux conservera les marques de la Passion, le trou des clous et la blessure au côté pour rappeler aux hommes qu’il a fallu la Croix pour vaincre Satan.

Ce Corps est celui qui a porté toute la misère du monde, l’ancienne, la présente et celle à venir, une souffrance à nulle autre pareille. Il est celui qui s’est fait péché pour détruire le péché. Il est celui qui est mort pour repousser les limites de la mort et la piétiner par la Résurrection, une résurrection totale, corps et âme réunis à jamais, à l’abri de toute malédiction. Le Corps glorieux conservera les marques de la Passion, le trou des clous et la blessure au côté pour rappeler aux hommes qu’il a fallu la Croix pour vaincre Satan. Ce dernier est tombé dans le piège. Il a cru avoir gagné la mise lorsque le Fils fut crucifié et il réalisa trop tard que l’expiration de Notre Seigneur signait sa condamnation. Lui et ses légions hurlèrent de terreur et de colère en cet instant : l’homme pourrait désormais leur échapper puisqu’il était rétabli dans sa dignité première par le sacrifice du Maître.

Demeurons dans le silence

Frayons-nous une place au côté de ces quelques fidèles et proches de Notre Seigneur au seuil du Tombeau et contemplons-Le, tout contre la Vierge Mère qui caresse la Sainte Face défigurée, tout contre la Madeleine serrant sur son cœur les Saints Clous ensanglantés, tout contre Jean soutenant sa nouvelle Mère avec une force venant du ciel. Chacun d’entre nous se nomme en cet instant « Jérusalem » et entend les paroles prophétiques, invitation à retourner vers son Seigneur. Il n’est pas temps d’entrer dans le Tombeau. Il faut attendre, encore trois jours, pour y jeter un œil en y accourant en compagnie de Pierre et de Jean alerté par Marie-Madeleine, le témoin privilégié : là, nous n’y verrons plus que lumière, linges rangés soigneusement, un ordre, nouvel ordre du monde, laissé par Celui qui a vaincu et qui a réalisé sa promesse envers nous. Le temps des lamentations ne sera plus de mise, mais il ne faut pas brûler les étapes et demeurer pour l’instant dans le silence, le recueillement, le repentir.

Le voici Celui qui est doux et humble de cœur, le Cœur transpercé. Posons notre tête sur sa poitrine afin d’être purifiés par son Sang. Viendra le temps où Il sera Celui qui nous serrera dans ses bras pour nous revivifier. La pierre s’apprête à être roulée et le jour tombe. Il faut partir, espérant le matin rayonnant de Pâques, et, à la tristesse de notre âme se mêle les prémices de la Joie éternelle.

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PâquesRésurrection du ChristSemaine sainte
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