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Pourquoi avoir si peur de la mort ? (1/2)

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© Photographee.eu - shutterstock

Joël Pralong - publié le 20/03/21

Face à la mort, il est normal d’avoir peur, mais il n’est pas humain de céder à la panique. Pour le père Joël Pralong, qui vient de publier "Pourquoi nous avons si peur de la mort ?" (Artège), le courage contre la peur de la mort ne consiste pas à la refuser, mais à l’accepter en la sortant de l’isolement dans lequel nous l’enfermons. Dans la paix de l’amour, un mourant ne part jamais seul.

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La mort rôde partout depuis plus d’une année. Et oui ! on l’avait bel et bien oubliée à force de bâtir toujours plus de paradis artificiels comme pour se donner l’impression d’être devenus immortels. « Vivre à fond le moment présent, en jouissant le plus possible des plaisirs mis à notre disposition, sans penser au lendemain », telle était devenue notre devise. On ne vit qu’une fois et il faut en profiter, ou, comme le dit saint Paul, « si c’est dans des vues humaines que j’ai combattu contre les bêtes à Éphèse, quel avantage m’en revient-il ? Si les morts ne ressuscitent pas ? Mangeons et buvons, car demain nous mourrons » (1 Co 15,32). Et voici le nouveau salut offert : les technologies modernes susceptibles d’améliorer la condition humaine, d’augmenter son confort, de répondre à toutes ses envies, d’éradiquer les maladies, de prolonger sa vie et, pourquoi pas, de lui offrir un jour l’immortalité ?

On croyait notre société suffisamment forte pour parer à tous les dangers. Une mécanique sociale, sanitaire, économique, scientifique parfaitement huilée, avec ses gouvernants, ses ministres, ses grands-prêtres des Paradise wellness, ses professeurs haut de gamme et ses savants dernier cri… Et voilà qu’un grain de sable microscopique a enrayé toute la mécanique, avec les conséquences dramatiques que l’on connaît. Et nous voici saisis par la peur… la peur de voir le coronavirus partout où nous regardons : sur le clavier de nos ordinateurs, dans l’air que nous respirons, à chaque contact physique, sur les bancs publics et à chaque coin de rue, attendant de me contaminer. 

La peur de quoi ? Celle de mourir !

En effet, la mort avait été oubliée, refoulée, niée, cachée, dissimulée derrière nos paradis artificiels. Et que disent les technologies prometteuses de salut devant cette épidémie de la peur ? Silence. Aux abonnés absents. Devenues inefficaces devant un grain de sable. Peut-être que le salut se trouve ailleurs ? Enfoui dans ce vide existentiel qui s’ouvre dans les cœurs ? Qui questionne sur le sens de la vie, de la mort, de la souffrance… Sur l’Essentiel ?

Dans le jardin de Gethsémani et jusque sur la croix, Jésus a eu peur, mais il a visé un but noble : nous sauver du mal et des conséquences négatives de la peur.

Une chose est sûre, la peur a aussi réveillé tant et tant de gestes de solidarité entre les personnes : on s’est mis à parler entre voisins, à se tendre la main, à partager de son temps, de son avoir, à inventer de nouveaux chemins de rencontre, à chercher ensemble un sens à ce qui nous arrive. On y a même parfois perçu un appel, celui d’une Transcendance qui se penche vers l’humain. On est revenu à des choses toutes simples, essentielles, celles qui fabriquent de l’amour. On est en train de découvrir que les graines du bonheur sont semées dans les cœurs, à l’écart des technologies froides et parfois inhumaines à qui il manque ce dont l’homme a le plus besoin : l’amour ! Et le moment est venu de les cultiver. Peut-être est-ce le commencement d’un monde nouveau ?

Le courage d’avoir peur

Le courage de surmonter la peur n’est pas de ne plus avoir peur. Les médecins, infirmières et aumôniers qui se pressent au chevet des malades infectés, ont peur. Parce qu’eux aussi risquent d’être contaminés, et beaucoup l’ont été. La peur dans leur engagement n’est donc pas un repli sur soi, mais une preuve de courage, le courage d’avoir peur. Car ce courage vise un bien encore plus noble, le soin des patients, la lutte pour leur survie, le bien commun. Dans le jardin de Gethsémani et jusque sur la croix, Jésus a eu peur, mais il a visé un but noble : nous sauver du mal et des conséquences négatives de la peur. Le courage n’est pas de ne pas avoir peur, mais de ne pas céder à la panique et ainsi de s’enfermer chez soi, en privant les autres de ses compétences. Le courage d’avoir peur nous lance nous aussi dans le combat contre le mal sous toutes ses formes.




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Cependant, le courage d’avoir peur nous fait aller encore plus loin. La psychiatre Élisabeth Kübler-Ross note « … qu’il nous faut “éplucher” nos craintes l’une après l’autre pour atteindre la peur fondamentale qui sous-tend toutes les autres. Il s’agit généralement de la peur de la mort » (Leçon de vie, JC Lattès, 2002). « Mort » qui veut dire : échec, exclusion, rejet, abandon, néant. Le « courage d’avoir peur » consiste justement à « éplucher » ces peurs, et à nous confronter à nos angoisses existentielles. Cet exercice peut nous précipiter dans le désespoir, ou alors, nous plonger… entre les bras de notre « Abba d’amour » ! Autrement dit, il s’agit de se livrer à l’étreinte de l’Esprit Saint. Facile à dire, mais difficile de… se lancer. Concrètement, la nature résiste à faire le grand saut dans la foi. Que nous le voulions ou non, nous restons méfiants à l’égard de Dieu. Notre mémoire ancestrale n’a pas totalement évacué les vieilles traces de la peur d’Adam. Le courage ne suffit pas, nous avons besoin de quelqu’un qui vienne nous prendre par la main, un frère de sang, un grand frère de cœur. Jésus est venu pour cela. Durant la pandémie, dans leur isolement, beaucoup de personnes ont été confrontées à leur propre mort. La question est dès lors ouverte, qui attend réponse. 

La mort en face

Personnellement je pense que la crise du coronavirus a montré que nos contemporains ont basculé dans une mentalité de peur panique face à la mort. Cela fait des décennies qu’on ne veut plus regarder la mort en face, la considérer pour ce qu’elle est. Pour nos contemporains la mort est la fin de tout, et il ne faut surtout pas y penser. Et lorsqu’elle s’approche, nous avons aujourd’hui la possibilité de l’anticiper, « sur commande », pour en éviter les affres et les souffrances. Je fais bien sûr allusion au suicide assisté qui consiste à avaler un mélange létal qui vous emporte en un rien de temps, par le biais d’associations telles qu’Exit ou Dignitas, en Suisse.

L’amour relié à Dieu demeure immortel.

Il faut aussi dire que de nombreuses images et représentations mentales entourent la peur de la mort : la perte de ses facultés mentales, la dépendance totale aux autres, des souffrances insupportables, les affres de l’agonie, l’étouffement, le vide, le néant… Et surtout le fait de devoir s’arracher aux personnes aimées, à un lieu, à des choses, à la vie que je connais. Comment se détacher de ces représentations qui entretiennent la peur ? En mettant toute notre foi en Dieu, qui sera présent dans le réel de ma fin de vie et de ma mort. Mais aussi en s’appuyant sur ceux qui nous aiment et nous soutiendront durant ces moments difficiles. Plus : ils seront l’icône de la Vierge Marie qui soutenait de tout son amour Jésus en croix. En s’enfermant dans une fausse réalité, nous empêchons sa grâce de nous rejoindre aujourd’hui, pour nous rassurer.

Quelqu’un qui vient nous chercher

La veille de sa mort, Jésus console ses disciples complètement déboussolés : « Que votre cœur ne se trouble pas : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Dans la maison de mon Père, il y a beaucoup de demeures, sinon vous aurais-je dit que j’allais vous préparer le lieu où vous serez ? Lorsque je serai allé vous le préparer, je reviendrai et je vous prendrai avec moi, si bien que là où je suis, vous serez aussi avec moi » (Jn 14,1-3). Changement total de décor : la mort c’est Quelqu’un qui vient nous prendre avec lui. Plutôt que de se fixer sur la mort, il vaudrait mieux méditer ces paroles, et demeurer dès aujourd’hui avec Jésus, lui qui est le chemin, la vérité et la vie. Enfin, il ne faut pas oublier que la vraie mort n’est pas celle qui survient naturellement au bout de la vie, mais c’est de devoir vivre, alors qu’on aimerait mourir, parce que personne ne vous aime. « Nous mourons par manque d’amour, disait le poète Malcom de Chazal, par une absence, par le désespoir. Ce qui nous retient à la terre, c’est l’amour, c’est la vie. La mort a été construite avec le sentiment de refoulement dans l’homme. Nous avons fabriqué la mort. » On peut même tuer le corps, mais quand l’amour est vivant, on ne peut tuer l’amour. « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais qui ne peuvent pas tuer l’âme » (Mt 10, 28). L’amour relié à Dieu demeure immortel.

Nous sommes faits pour la vie

En revenant de façon brutale dans notre société, l’idée de la mort nous conduira certainement à nous poser les bonnes et les vraies questions sur le sens de la vie et de la mort. D’où l’importance pour l’Église d’être à l’écoute de ces questions, de cheminer avec les personnes, de les accompagner dans leurs hésitations, de leur délivrer le message des évangiles, d’être témoin du Christ qui console et ouvre un chemin… D’autre part, parions que cette pandémie de la peur jouera son rôle « d’accoucheuse » de la charité qui repose au cœur de chacun. Pour une nouvelle société, qui mettra la personne humaine au centre de ses préoccupations.




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© Artège

Pourquoi avons-nous si peur de la mort ?, Faire face et trouver la paix intérieure, par Joël Pratlong, Artège, 2021, 159 p., 14 euros. 

Tags:
MortpeurSociété
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