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Jésus, l’Église et le Royaume

christ en gloire

© Renata Sedmakova - shutterstock

Le Christ en gloire, fresque de Niccolo Circignani Il Pomarancio (1588) dans la basilique Santi Giovanni e Paolo à Rome.

Jean-Thomas de Beauregard, op - publié le 24/01/21

Dès le début de sa prédication, Jésus convoque l’Église, comme le Royaume de Dieu déjà présent dans son mystère.

Jésus serait-il un perroquet ? Son programme religieux est exactement le même que celui de son cousin Jean-Baptiste quelques mois avant lui : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile » (Mc 1, 14-20). Et Jean-Baptiste lui-même ne faisait que reprendre la prédication du prophète Jonas à Ninive.

Si tout l’art de la pédagogie réside dans la répétition, Dieu est un merveilleux pédagogue ! Au demeurant, la répétition semble nécessaire à en juger par la médiocrité des résultats. Les appels à la conversion résonnent dans les couloirs de l’histoire, mais leur écho ne trouve dans nos cœurs qu’un désert où ils s’éteignent. Jésus appelle à la conversion en vue du Royaume, comme Jean-Baptiste et Jonas avant lui. Et pourtant, Jésus n’est pas un maillon dans la chaîne, le dernier épisode d’une série au succès d’ailleurs limité. Apparemment, Jésus dit la même chose que les patriarches et les prophètes avant lui, mais tout change avec lui. Jésus n’est pas seulement le messager, il est en personne le message qu’il annonce.

Jésus a-t-il changé d’avis ?

Il proclame : « Le règne de Dieu est tout proche. » Le règne, ou le royaume — c’est le même mot basiléia en grec qui est derrière — est tout proche. Il y a quelques années, toute une tendance de l’exégèse moderne affirmait que Jésus avait d’abord prêché l’avènement du Royaume, avant de changer d’avis. Jésus aurait eu une conception apocalyptique du Royaume, qu’il aurait attendu de manière imminente. Selon cette conception, l’avènement du Royaume aurait été un événement cosmique précédé de signes terribles, marquant peut-être la fin de l’histoire du monde. Jésus aurait donc partagé cette conception. Il aurait annoncé la venue de cet événement cosmique pour la venue duquel il appelait à la conversion. Mais constatant que le Royaume n’arrivait pas et que sa prédication rencontrait des obstacles sérieux au point de pouvoir anticiper sa condamnation à mort, Jésus aurait changé son fusil d’épaule en fondant l’Église pour perpétuer son action, en attendant l’avènement du Royaume reporté à plus tard. Dès 1902, Loisy avait popularisé cette idée : « Jésus annonçait le Royaume, et c’est l’Église qui est venue. »

Cette idée posait un grave problème doctrinal : cela supposait que Jésus se soit trompé, et non pas sur un détail, mais sur l’objet central de sa prédication, l’avènement du Royaume. On peut admettre que Jésus ait pu ignorer certaines choses, en tant qu’elles n’étaient pas directement liées à la Révélation. La vérité de l’humanité de Jésus permet de penser, par exemple, que Jésus n’a pas fait semblant d’apprendre à parler, à marcher, à l’école de la Vierge Marie. Le paradoxe est incroyable, que le Verbe de Dieu, sa Parole, doive apprendre d’une femme l’usage de la parole, mais on peut le concevoir. En revanche, il paraît très improbable et pour tout dire impossible que Jésus, qui s’est incarné pour révéler le dessein de Dieu sur l’humanité, se soit trompé sur quelque chose d’aussi central que l’avènement du Royaume.

Le Royaume est déjà présent

Aujourd’hui, l’immense majorité des exégètes est d’ailleurs revenue de ces idées plus idéologiques que réellement fondées dans les textes. Et l’Évangile de ce jour est éclairant, à cet égard : aussitôt que Jésus proclame l’avènement du Royaume, il appelle des disciples à sa suite, qu’il va progressivement enseigner, avant de leur confier le troupeau. Autrement dit, dès le début de sa prédication, Jésus convoque ce qui est déjà l’Église, jusque dans sa visibilité et, de manière inchoative, son caractère institutionnel. L’Église n’est pas un pis-aller, auquel Jésus se serait résigné faute de voir arriver le Royaume qu’il annonçait. L’Église n’est pas une réalité intermédiaire entre Jésus et le Royaume à venir. L’Église est, comme l’affirme le concile Vatican II, « le Royaume de Dieu déjà présent en mystère » (Lumen gentium, n. 3).


Christ en gloire

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Quand Jésus annonce son surprenant Royaume

Entre la personne de Jésus, l’Église et le Royaume, il y a en fait une quasi-identité. Lorsque Jésus proclame à ses contemporains que le Royaume de Dieu est parmi eux, il affirme équivalemment que lui-même, Jésus, est parmi eux, et que l’Église qui est son corps est parmi eux. C’est parce que Jésus est, en sa personne, le Royaume qu’il annonce, qu’il peut appeler les disciples par cette invitation laconique : « Suis-moi ! » Jésus est seul à pouvoir dire : « Suis-moi ! » avec cette autorité, parce que Jésus est le seul à pouvoir dire avec légitimité comme YHVH au buisson ardent (Ex 3, 14) : « Moi, je suis. »

Pêcheurs d’hommes

Il faut être Dieu pour commander avec cette autorité et cette légitimité, et être suivi immédiatement. Jésus ne donne d’ailleurs guère plus d’explications à ses disciples sur le motif de leur appel. Tout au plus précise-t-il : « Je ferai de vous des pêcheurs d’hommes. » Cette précision est révélatrice à la fois de la manière dont Dieu procède avec les hommes et de la nature même du Royaume. En effet, lorsque Dieu appelle, la réponse de l’homme suppose toujours un bouleversement mais jamais une négation complète de ce que l’homme était jusque-là. Ces hommes-là étaient des pêcheurs ? Dans le Royaume ils seront des pêcheurs d’hommes !

Jésus nous appelle à une vie nouvelle dans son Royaume, mais c’est bien nous, avec notre histoire personnelle et tout ce que nous sommes, qu’il appelle.

Selon l’adage reçu de saint Thomas d’Aquin, la grâce ne supprime pas la nature mais la guérit et la surélève. Jésus nous appelle à une vie nouvelle dans son Royaume, mais c’est bien nous, avec notre histoire personnelle et tout ce que nous sommes, qu’il appelle. Et le Royaume est bien une réalité tout autre car c’est une réalité de grâce, mais le Royaume se coule dans la réalité de nos vies. C’est bien ainsi qu’il faut comprendre l’exhortation de saint Paul (1 Co 7, 29-31) à vivre « comme si » ces réalités auxquelles nous tenons et qui nous façonnent n’étaient pas : non pas pour les nier, mais pour les configurer à la réalité nouvelle du Royaume qui, en Jésus, transfigure toute chose.

Trois réalités mystiquement identiques

En appelant ses disciples, Jésus qui est le Royaume en personne, façonne l’Église comme « le germe et le commencement du Royaume » (Lumen gentium, n. 5). Entre le germe et la fleur, entre le commencement et la fin, il n’y pas deux réalités séparées, mais différents états d’une même réalité. Jésus, l’Église et le Royaume, ce sont donc trois réalités distinctes quant au point de vue formel adopté, mais mystiquement identiques. En Jésus, par l’Église, le Royaume est déjà là. Ce mystère n’attend que sa manifestation plénière. À chacun de participer à ce dévoilement en répondant à l’appel du Christ.

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