Anciennement ingénieur et contrôleur de gestion, Soizic et Marin de Vasselot sont aujourd’hui reconvertis en boulangers à Saint Aquilin, entre Périgueux et Ribérac. Rencontre avec un couple très investi et courageux, ayant souhaité mettre Jésus, le Pain de la Vie, au cœur de son foyer.Après une dizaine d’années d’une vie intense professionnellement, Soizic et Marin décident, dès leur mariage, de changer de vie, ensemble : « Nous avons pris conscience que nous devions unifier nos vies si nous voulions devenir des saints. Où Dieu nous appelle-t-il ? S’il parle à travers nos désirs profonds, quels sont-ils ? L’idée de travailler de nos mains, dans un milieu rural, où le temps a une autre valeur, nous a interpellés. L’amour du pain et l’envie de lui redonner toute sa place dans une alimentation équilibrée se sont imposés comme un projet commun. Et le sens spirituel nous touche aussi : Jésus travaillait de ses mains, il s’est fait « pain de vie ». »
Du bouillonnement de la vie citadine à la chaleur des fournils de Dordogne
Leur rencontre est déjà marquée par la présence concrète du Christ dans leur vie : les deux trentenaires se sont croisés pour la première fois lors d’une retraite de 15 jours en silence, en Arménie. C’est lors de cette retraite qu’ils font la connaissance du prêtre qui les mariera un an plus tard. Cette retraite marque un point d’orgue dans leur vie : le silence après le tumulte du monde, de la vie professionnelle, de la vie sociale. Une pause. Le silence avant la renaissance, à deux, l’éclosion d’une famille et d’une nouvelle vie professionnelle : naissance d’un foyer et d’un fournil.
Soizic, née à Poitiers au sein d’une famille catholique, fait le choix d’être baptisée vers 14 ans, ses parents ayant voulu laisser le choix à leurs enfants. A l’âge de 18 ans, les JMJ de Cologne, donnent encore un nouvel élan à sa foi et marquent le début de sa vie de “foi adulte” selon ses propres termes : la jeune femme est portée par l’oraison, la joie et la profondeur des messes, le partage de sa foi avec d’autres fervents catholiques. S’ensuivra un parcours Zachée pendant ses premières années professionnelles, parcours animé par la Communauté de l’Emmanuel. Une communauté loin d’être étrangère à son futur mari.
Ayant grandi à Paris, élevé par des parents fervents pratiquants, Marin part à Lourdes chaque année. A 20 ans, il est atteint d’un lymphome. Porté par une chaîne de prière familiale et amicale, il guérit. La décennie qui suivra sera ancrée dans une vie parisienne dynamique, entre un travail très prenant dans la finance d’entreprise, sa famille et ses amis. C’est vers 30 ans que Marin part travailler à Bruxelles et se rapproche encore un peu plus de Dieu, par l’intermédiaire d’amis et d’un groupe de louange. De retour à Paris, il s’investit au sein de l’Ecole de Charité et de Mission (ECM), groupe de prière d’un an un soir par semaine et quelques weekends dans l’année, animé par la Communauté de l’Emmanuel. Il raconte : « Cette année de vie fraternelle, à découvrir l’action de Dieu dans nos vies, me donne envie de lui faire davantage de place”. Suivra une mission de rue à Pigalle et le lien avec les personnes de la rue avec « Hiver Solidaire ».
Quelques mois après leur rencontre, ils se fiancent. Très vite, ils évoquent l’idée d’un projet humanitaire : « Nous avons eu le projet de partir deux ans en mission humanitaire avec Fidesco pour apprendre à nous donner. Mais Fidesco discerne que ce n’est pas le bon moment pour nous. » Marin et Soizic commencent donc à dessiner leur projet de fournil. Suivront des mois de réflexion, de stages en boulangerie, de formation en Provence, jusqu’à ce nom « Bethléem », désignant en hébreu, « la maison du pain ».
Un désir commun d’une vie plus simple, plus pauvre, plus proche de Dieu
Soizic explique le cheminement intérieur qu’elle a vécu, en communion avec son fiancé puis époux, lors d’une introspection sur les années écoulées « Mes années chez l’Oréal m’ont beaucoup plu, je ne les regrette pas. La diversité des métiers que j’ai pu exercer ainsi que l’exigence et l’intensité des missions proposées répondaient à mes attentes à ce moment-là. » Marin la rejoint tout à fait quand il regarde en arrière, aucune amertume ne semble émaner de ses propos : « J’ai beaucoup aimé tout le temps que j’ai consacré à travailler dans de grands groupes, l’émulation, les réussites personnelles et collectives, la richesse des personnes rencontrées ».
C’est en suivant le parcours Zachée, que Soizic dit avoir ressenti le désir de mettre Jésus dans son quotidien professionnel : « Il n’était plus question d’être chrétienne le dimanche et carriériste la semaine. Animée par ce désir d’unité, j’ai ressenti assez fortement un manque de sens dans ma carrière professionnelle. Je n’arrivais plus à trouver le lien entre les directives de mon entreprise et mes aspirations profondes. Je ne sentais pas un appel à être chrétienne dans un grand groupe, j’avais besoin d’une rupture.»
Marin, de son côté, a vécu un licenciement lui faisant prendre conscience qu’il y avait peut-être une autre voie qu’une carrière toute tracée dans de grandes entreprises : « Être indépendant et gagner moins ne me faisaient plus peur, pour peu que j’y trouvais un sens et pouvais mettre tous mes talents à l’œuvre. C’est en rencontrant Soizic que j’ai eu envie de travailler avec elle, dans un projet qui rejoigne notre soif de mettre Dieu au centre de nos vies. » Soizic confirme cette profonde symbiose de leur envie de changer le cours de leurs existences pourtant bien tracées : « Ensemble nous pourrions trouver le courage de donner un contre-courant à nos carrières toutes tracées, et construire une vie plus simple et sans doute plus pauvre mais qui nous rendrait plus proche de Dieu et des autres. »
« Nous qui voulons mettre Jésus au cœur de notre maison, nous voilà servis »
Après deux années de formation, de préparation des locaux et de travaux, le tout ralenti par la pandémie, le fournil a pu ouvrir enfin ses portes aux clients le 30 octobre 2020. Les Vasselot y proposent une gamme de pains fabriqués à partir de levain naturel. C’est une méthode de travail exigeante mais plus qualitative pour le consommateur. Quelques jours après l’ouverture officielle, leur bilan est heureux : « Aujourd’hui, on se sent bien dans notre Fournil. On a plaisir à aller travailler chaque matin, ensemble, et on se rend compte de la chance qu’on a de faire au quotidien quelque chose qu’on aime, de travailler de nos mains, et de contribuer à nourrir les gens. On aime également partager avec nos fournisseurs, nos clients, de façon simple, et sentir des relations de confiance qui s’installent. Nous sentons que nous avons tourné une page, mais qu’il reste encore un long chemin à parcourir pour donner au travail sa juste place, et non la seule place comme on pouvait avoir tendance à la lui donner dans nos anciennes vies. Nous qui voulons mettre Jésus au cœur de notre maison, nous voilà servis. »
Il n’y a pas que le quotidien qui est bouleversé dans la vie des jeunes mariés. Leur changement de vie s’est accompagné par un rythme de prière accru, leur projet de vie étant redéposé chaque matin dans les mains du Seigneur, dans les voies de la Providence : « Nous avons le désir de nous détacher des enjeux matériels et financiers liés à notre travail pour reconnaître que tout vient de lui et chercher à ne pas vouloir tout maîtriser. » Un don de soi, dans le travail du pain et le service aux autres.
Marin et Soizic ont à cœur aujourd’hui d’« accueillir dans la paix les imprévus qui ne manquent pas d’arriver, et les aides que nous apporte notre entourage avec beaucoup de bienveillance. Notre lieu de vie, en pleine campagne, entouré de beaux paysages, de magnifiques couchers de soleil et de ciels étoilés nous donne aussi matière à nous extasier devant la création de Dieu et à constater qu’il est à l’origine de toute chose. » Tous deux se réjouissent de la multiplicité des relations humaines que leur apporte cette nouvelle aventure de vie : des rencontres insolites, beaucoup d’imprévus, une obligation à se tourner vers l’autre et un devoir de construire un foyer lumineux, accueillant, ouvert au prochain. Un vaste projet, devant lesquels ils ne se découragent pas et gardent en vue l’essentiel, se faire grandir l’un l’autre vers le Christ: « Il y a encore beaucoup de points sur lesquels nous devons travailler pour grandir en sainteté ! »
Si le changement de vie est radical, Marin et Soizic confient avoir toujours avancé en paix sur leur chemin de reconversion. « Portés certainement par les grâces que Dieu nous envoyait, symbolisées par des confirmations que nous avions fait le bon choix. Rencontrer les bonnes personnes au bon moment, avoir le soutien de nos familles dès le début de notre changement de vie, nous sentir accueillis dans notre village de Saint-Aquilin nous ont facilité les choses », témoignent-ils d’une même voix, épanouie. Portés par leur vie de prière, par leurs proches et plus que jamais par le souffle de l’Esprit Saint, Marin et Soizic semblent atteindre leur objectif commun et leur projet conjugal : se rapprocher de la simplicité de la vie du Christ tout en faisant fructifier leurs talents au service des autres.
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