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Mgr Ravel : avec l’État ce n’est plus « une laïcité de dialogue mais d’imposition »

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BRUNO LEVY I CIRIC

Mgr Luc Ravel, archevêque de Strasbourg.

Agnès Pinard Legry - publié le 27/11/20

Le maintien par le gouvernement de la limite de 30 personnes pour la reprise des messes publiques témoigne « d’un mépris déguisé pour les millions de personnes croyantes dans notre pays », affirme à Aleteia l’archevêque de Strasbourg, Mgr Luc Ravel.

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« Bien que n’ayant fait que l’École Polytechnique (X77) je pensais savoir faire une règle de trois et appliquer une présence proportionnelle à nos immenses églises ». Pantois, déconcerté et déçu par le maintien de la jauge de 30 personnes pour les messes, Mgr Luc Ravel, archevêque de Strasbourg, n’en n’a pas pour autant perdu son sens de l’humour. Un humour qui ne cache pas une profonde détermination et une réelle inquiétude pour la liberté de culte en France. « Cette mesure vexatoire l’est à l’encontre des autorités religieuses mais c’est aussi un mépris déguisé, une indifférence à peine polie pour les millions de personnes croyantes de notre pays », réagit-t-il auprès d’Aleteia.

Aleteia : Quel est votre sentiment après le maintien annoncé par Jean Castex de la jauge limite de 30 personnes par lieu de culte ?
Mgr Luc Ravel : Je ressens beaucoup de tristesse de voir que nous ne sommes jamais écoutés de façon adulte. Le gouvernement, au motif de la crise sanitaire mais aussi depuis des années, prend des décisions comme si nous étions des enfants irrationnels. Je constate avec peine qu’il n’y a qu’en montant au créneau de façon un peu plus sévère, plus nette (en déposant des référés-libertés, ndlr) que les évêques seront entendus par Premier ministre dimanche 29 novembre à 18h. Je n’attends pas de cette rencontre des pétitions de principe en disant qu’on nous aime bien et qu’on va mettre en place des instances de coordinations ou de concertation. Ces cartouches-là, ces jokers-là, le gouvernement les a épuisés. Nous voulons une décision immédiate. Nous voulons que soit prises des décisions conformes à la raison, au bon sens, au droit républicain qui permettront une reprise progressive des cultes à l’instar de tout le reste de la vie de la société et de faire confiance aux responsables religieux. Voilà mon sentiment à ce jour. Et j’espère pouvoir renouer avec une confiance sérieusement érodée à l’instar de mes frères évêques à l’égard d’un gouvernement qui prétendait vouloir un dialogue sérieux.

La jauge des 30 personnes est-elle tenable ?
Nous allons respecter cette jauge de 30 personnes pour le premier dimanche de l’Avent en multipliant les messes. Il y aura par exemple à la cathédrale de Strasbourg dix messes entre samedi soir et dimanche. J’irai moi-même célébrer des messes pour aider les prêtres. Mais nous ne pouvons pas non plus en célébrer dix, le droit canonique ne l’autorise pas. Nous allons faire également appel aux prêtres retraités, religieux, afin de répondre autant que faire se peut à la faim eucharistique de nos fidèles croyants. Mais évidemment une telle jauge est quasiment inapplicable parce que la 31e personne qui va se présenter va se sentir rejetée. Il faut qu’on le comprenne. Nous ne sommes pas un magasin où l’on fait la queue dans la rue pour respecter tel ou tel rayon ou surface. Il a été dit dans la loi de 1905 et rappelé par la jurisprudence que nos assemblées sont publiques et qu’elles sont libres. Cette jauge est donc une atteinte directe. Nous ne pourrons pas éviter ce week-end, comme cela avait déjà été le cas lors du premier déconfinement, des personnes frustrées qui se sentiront discriminées. Mais nous n’avons pas donné en Alsace d’autres consignes que le respect de la jauge des 30 personnes.

La laïcité actuelle n’est pas une laïcité de dialogue mais d’imposition.

En quoi la situation actuelle est-elle grave ?
Au motif ou au profit de la crise sanitaire qui est réelle et que nous ne contestons pas, le gouvernement a légitimé des mesures extrêmes et très graves pour la liberté de culte lors du premier confinement. Mais à la différence du mois de mars 2020, nous n’en sommes plus à l’étonnement, la surprise et la sidération qui fait que nous avons accepté cela. Nous nous situons neuf mois après le début du premier confinement. Nous aurions eu largement le temps de nous concerter avec le gouvernement. Mais il n’en n’a rien été, ou si peu. Derrière cette crise sanitaire se glisse une façon d’être et de faire qui ne cesse de nous inquiéter tant elle est récurrente. Nous ne sommes pas, aujourd’hui, dans une posture de laïcité vraie. La laïcité vraie c’est la neutralité de l’État, que nous respectons infiniment, mais c’est une surtout une laïcité de dialogue. Or ce dialogue, l’État le noue avec l’ensemble des catégories socio-professionnelles, surtout celles qui descendent dans la rue, mais il ne le noue pas avec les religions. La laïcité actuelle n’est pas une laïcité de dialogue mais d’imposition. Cette laïcité, c’est du laïcisme. La laïcité qui ne sacralise pas la liberté de culte est une laïcité dangereuse.


Monseigneur Matthieu Rougé

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Quelle suite espérez-vous ?
À l’instar de la conférence des évêques de France et d’autres évêques, dès que les décrets officiels seront publiés, je saisirai le Conseil d’État pour un référé liberté en espérant que la semaine prochaine la justice gomme définitivement cette jauge de 30 personnes complètement irrationnelle. J’attends aussi que le gouvernement crédibilise à nouveau les autorités religieuses, dont l’épiscopat français. Il est facile de décrédibiliser des autorités religieuses mais il ne faut pas ensuite s’étonner que ces dernières n’aient ensuite plus d’influence sur les pratiquants, les fidèles. J’attends des actes concrets qui donnent à nouveau de la crédibilité aux responsables du culte, en montrant qu’ils sont adultes et capables de faire ‘la police chez eux’. Cela me paraît important au moment où nous allons avoir des débats très forts sur le renforcement de la laïcité. Nous avons besoin aujourd’hui que les autorités religieuses qui acceptent de dialoguer avec l’État soient à nouveau rendues crédibles aux yeux de tous.

Que dites-vous à vos prêtres et à vos fidèles ?
Les mesures vexatoires prises par le gouvernement le sont à l’encontre des autorités religieuses mais c’est aussi une sorte de mépris déguisé, d’indifférence à peine polie pour les millions de personnes croyantes en France. Ce mépris ne peut être que coûteux à la longue même si tel ou tel homme politique espère en tirer un profit immédiat. A la longue, la lassitude s’installe et les franges extrêmes de toutes nos communautés ne nous trouveront plus crédibles et auront pris acte que les politiques aujourd’hui en France ne sont pas non plus crédible pour eux.

J’invite en ce temps de l’avent à transformer nos impatiences en action et à ce que notre patience ne se tourne pas vers l’inaction.

Ce dimanche, c’est aussi le début de l’Avent…
Oui, et quelle joie ! Cette faim de l’eucharistie, de la messe, doit nous mener en face de la faim des hommes et de la faim de Dieu. La faim des hommes, ce sont les pauvres qui nous entourent et ils sont nombreux. La faim de Dieu, c’est ce Christ en croix qui hurle dans sa souffrance extrême « J’ai soif de l’amour des hommes ». J’invite les chrétiens, dans ce temps de l’avent marqué par la visitation, à se souvenir que c’est Dieu qui vient visiter son peuple. A chacun de s’approprier concrètement cette visitation en multipliant les visites :  visite aux églises, au Seigneur, à la personne malade, isolée, âgée qui vit à côté de côté de chez nous. J’invite à lier, au cours de cette crise, ces deux commandements de l’amour ou plutôt ce commandement unique de l’amour à deux faces que sont l’amour du prochain et l’amour de Dieu. J’invite en ce temps de l’avent à transformer nos impatiences en action et à ce que notre patience ne se tourne pas vers l’inaction.

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