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Divergences entre catholiques : est-ce grave ?

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AFP

Manifestation pour la reprise des messes, Versailles, 15 novembre 2020.

Jean Duchesne - publié le 24/11/20

Les croyants se divisent sur la politique à suivre dans des circonstances que personne ne semble maîtriser, et non sur l’essentiel de la foi et du besoin vital de l’Eucharistie.

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Faut-il s’étonner, voire se scandaliser que les chrétiens et même les évêques se divisent sur la conduite à tenir devant les mesures renouvelées de suspension et de restriction des assemblées « cultuelles » ? À première vue, il est pour le moins regrettable qu’il y ait, à l’intérieur de l’Église, un débat porté sur la place publique à propos d’un point essentiel de la foi : la nécessité impérieuse pour un croyant de participer à la célébration de l’Eucharistie. À y regarder de plus près, cependant, il apparaît qu’il n’y a lieu ni de s’alarmer ni de s’indigner.

La fin et les moyens

Il n’y a en effet pas de divergences sur l’importance de la messe, et personne ne soutient que la situation actuelle serait satisfaisante et pourrait sans inconvénient se prolonger indéfiniment. La différence porte non pas sur la fin unanimement désirée — la restauration de la liberté de pratique religieuse —, mais sur les moyens d’atteindre ce but. Pour certains, exprimer qu’il s’agit d’un besoin est une priorité irrépressible. Pour d’autres, il n’est pas évident que des rassemblements devant les cathédrales et les églises soient la méthode à privilégier pour obtenir un aménagement des contraintes sanitaires.

La discordance vient de difficultés pour apprécier la situation. L’épidémie qui sévit mondialement n’est pas maîtrisable, parce qu’on ne connaît pas bien ce nouveau virus. La communauté scientifique est loin d’être unanime et tâtonne. Les gouvernants, qui n’ont pas de compétences en la matière, prennent des positions hâtives et parfois contradictoires, sur les conseils d’experts qui se chamaillent et parfois changent d’avis en fonction de l’évolution des données à leur disposition. Autrement dit, on est dans un domaine où ne sont pas totalement fiables ni exhaustives les informations à partir desquelles chacun opère des choix.

Un droit ou un devoir ?

Ce qui, en l’occurrence, est assurément contestable est une décision de l’exécutif : un décret pris en fonction d’évaluations faillibles, et unilatéralement — mais légalement dans l’exercice du pouvoir et des responsabilités d’un gouvernement. Il est permis de n’être pas d’accord et de le faire savoir. Or si ce n’est qu’un cri, la rationalité qui a dicté la mesure mise en cause y reste imperméable. On ne prend pas part à un débat, comme c’est au contraire le cas sur le terrain législatif, quand une loi est examinée au parlement. Chacun est alors libre — individuellement ou collectivement — d’avoir et de partager son sentiment en argumentant. Défiler dans la rue à l’occasion de discussions sur le « mariage gay », la permissivité en « bioéthique » ou l’extension du délai pour un avortement n’est ainsi pas seulement légitime mais encore utile, car c’est sur des principes et non contre des actes particuliers qu’on se bat.

Un droit n’est pas un devoir. S’il ne faut pas interdire quelque chose, cela ne signifie pas qu’il faut que tout le monde se sente obligé de le faire.

Manifester est un droit, lié à la liberté de conscience et d’expression. Il n’y a pas de raison de le nier, ni de le limiter pour ceux qui se retrouvent sur les parvis afin de faire connaître leur faim spirituelle. Toutefois, un droit n’est pas un devoir. S’il ne faut pas interdire quelque chose, cela ne signifie pas qu’il faut que tout le monde se sente obligé de le faire. Un discernement est nécessaire. Il n’est pas indépendant de la conjoncture et de la façon dont on l’analyse subjectivement. Il y a aussi les conséquences à envisager au regard du but objectif que l’on poursuit. La liberté qui ignore celle d’autrui et ce qui peut la motiver n’est plus que violence où seul le plus fort a tous les droits.

Le législatif, l’exécutif et le judiciaire

Si le dessein est de convaincre, commencer par braquer n’est pas la panacée. Certes, l’affirmation est nécessaire à la clarté de la relation, et bousculer peut débloquer, mais peut également avoir l’effet inverse. D’autres pistes méritent d’être explorées et il y a des options à prendre, sans présumer que ceux qui en suivent d’autres sont des imbéciles ou des traîtres. Manifester pour la réouverture des églises est légitime, au nom de la liberté d’expression d’un ressenti profond. Cependant, cette souffrance est-elle propre à obtenir un assouplissement ? Elle n’est pas un argument recevable pour ceux qui décident. Certes, il y a là un témoignage précieux, et qui peut donner à réfléchir à tous, sur la portée de l’Eucharistie, et cela est déjà une justification suffisante — mais aux yeux des seuls croyants.




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Ce qui rend les restrictions discutables, c’est que la rationalité sur laquelle elles se reposent est fragile. Non que le danger soit niable. Mais la maîtrise des données semble rester incertaine, et surtout les mesures paraissent manquer de cohérence : le risque est-il plus grand dans les assemblées chrétiennes où toutes les règles de distanciation sont respectées que dans les écoles, les grandes surfaces et les transports en commun ? C’est un questionnement qui peut être argumenté et, si l’exécutif ne veut pas l’entendre, jusque devant l’instance judiciaire adéquate, en se référant aux lois invocables. C’est ce qui s’est produit. Le Conseil d’État n’a pas tranché définitivement, parce qu’il n’a pas plus de lumières que les uns ou les autres. Il a simplement recommandé la concertation, dans un contexte à la fois menaçant et instable.

Aucune option n’est parfaite

Le dialogue est, avec l’état de droit, la marque la plus sûre de la civilisation, c’est-à-dire de ce qui fait la dignité de l’homme : ce n’est pas la raison du plus fort qui est la meilleure, mais la raison qui raisonne, écoute et parle — la logique discursive, le logos. Les lois ne pourvoient pas d’avance à tout. La Révélation non plus. Elle ne règle pas tout de sorte qu’il n’y aurait plus qu’à obéir sans discuter. Elle vient éclairer et libérer, c’est-à-dire qu’elle donne de faire des choix qui ne peuvent ni ne doivent pas revendiquer l’infaillibilité, dans des circonstances qu’on ne contrôle jamais complètement et qui sont à chaque fois à apprécier. Ce que nous appelons le péché originel ne brouille pas seulement le jugement des descendants d’Adam et Ève et même des fidèles du Christ, mais aussi les options qui se présentent à eux.

Bien souvent, aucune n’est satisfaisante. C’est ce qui est arrivé aux États-Unis lors des récentes élections, où les catholiques américains ont eu à choisir entre deux de leurs priorités, pourtant inséparables : le droit de l’enfant à naître défendu par Donald Trump et la justice sociale promise par Joe Biden. L’alternative chez nous, entre la protestation expressionniste et la patience qui parie sur la rationalité, est certainement moins clivante. Mais elle ne requiert pas moins, de quelque côté qu’on se range, une humilité qui ne peut être qu’une grâce à implorer et qui est la condition de l’unité. La communion catholique n’est pas la discipline d’un parti.




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