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À l’heure du reconfinement, “développer une intelligence de l’eucharistie”

HOLY COMMUNION

Antoine Mekary | Godong

Agnès Pinard Legry - publié le 13/11/20

Malgré l’interdiction des messes publiques, les fidèles peuvent se rendre à l’église pour communier dans des conditions bien précises. "Quels que soient les moyens mis en œuvre, il ne faut pas séparer la communion de la célébration", assure à Aleteia Mgr Bruno Valentin, évêque auxiliaire de Versailles.

Si les messes publiques sont encore suspendues compte tenu de la situation sanitaire en France, la communion, elle, reste possible. L’Église catholique prévoit à cet effet un rite bref, qu’il est possible de faire précéder d’une célébration de la Parole depuis chez soi comme le propose Aleteia. “Nous devons vraiment développer une forme d’intelligence de l’eucharistie sans désarticuler les choses”, explique à Aleteia Mgr Bruno Valentin, évêque auxiliaire de Versailles. “Ce lien entre communion et célébration ne se pose pas en temps ordinaire quand quelqu’un vient assister à la messe. À partir du moment où cela n’est pas possible, il ne s’agit pas de délier les deux mais de s’interroger sur comment est-ce que nous pouvons maintenir ce lien”.

Aleteia : Ce confinement est-il différent de celui que nous avons connu au printemps ?
Mgr Valentin : Nous nous trouvons dans une expérience fondamentalement différente. On pourrait l’expliquer de manière triviale en disant tout simplement que c’est la deuxième fois. Je m’explique : il y a d’abord la manière d’appréhender l’expérience du confinement. Nous pouvions avoir l’impression au printemps d’être face à une expérience ponctuelle qui était finalement une parenthèse. Les questions pastorales qui se posaient étaient donc sur la manière de vivre cette parenthèse. Ce reconfinement nous oblige ainsi à aborder les choses différemment en prenant conscience d’une difficulté structurelle : nous ne sommes plus dans une parenthèse mais dans quelque chose qui s’inscrit dans les contraintes de notre vie et sans savoir pour combien de temps. Personne ne peut dire s’il va y avoir un troisième, quatrième ou cinquième reconfinement par la suite. Entre “Vivons une parenthèse avant un retour à la normale” et “Intégrons des contraintes durables dans notre façon de vivre notre foi”, la perspective est radicalement différente.

Nous ne sommes plus dans une parenthèse mais dans quelque chose qui s’inscrit dans les contraintes de notre vie et sans savoir pour combien de temps.

Par cette réitération, nous avons mûri collectivement. Il y a eu dans la façon de répondre au premier confinement une forme de spontanéité dans les propositions faites, dans les outils mis en œuvre. À la faveur du déconfinement, toutes ces propositions ont été analysées, elles ont été relues. Aussi bien les prêtres que les communautés paroissiales en ont tiré des leçons. Je pense par exemple à Internet, dont chacun a pu mesurer à la fois toute la fécondité de ce qu’il a été permis de mettre en œuvre mais aussi toute la limite. Le fait qu’il s’agisse du deuxième confinement ainsi qu’une relecture des outils utilisés la première fois font que oui, les réponses pastorales apportées à ce deuxième confinement sont différentes, incontestablement.

Comment percevez-vous les attentes des fidèles de votre diocèse ?
Il n’y a plus l’effet de surprise, de saisissement. Cela s’explique d’abord d’un point de vue pratique car nous avons eu la grâce de pouvoir commencer le confinement par une dernière messe paroissiale, contrairement au printemps où dès le premier dimanche du confinement les messes publiques étaient impossibles. Ça a été très important au dire des prêtres de mon diocèse. Chacun a pu se dire au revoir, il y a eu une forme de transition et finalement les prêtres ont déjà pu annoncer de vive voix à leur communauté rassemblée une dernière fois comment les choses allaient se vivre pendant le confinement. En résumé, l’entrée en matière a été beaucoup moins brutale, on perçoit au dire de tous les prêtres – hier on a fait un bon tour de situations avec tous les doyens du diocèse – un climat beaucoup plus apaisé, serein. D’autant plus qu’il est mieux perçu en particulier sans doute grâce à la médiatisation de la décision du conseil d’État la possibilité de se rendre à l’église individuellement.

Nos églises sont beaucoup plus fréquentées que lors du premier confinement.

On constate que nos églises sont beaucoup plus fréquentées que lors du premier confinement. Il y a beaucoup plus de gens qui passent, les prêtres eux-mêmes ont vraiment saisi plus encore cette fois-ci qu’au printemps l’enjeu pastoral d’accueillir dans les églises et font donc l’effort d’y être présent plus longuement pour écouter, confesser, recevoir les gens qui passent.  Il y a une densité spirituelle qui se vit dans toutes ces rencontres individuelles à l’église beaucoup plus forte que lors du premier confinement.

Si les choses ont pu se faire plus sereinement, des prêtres et fidèles ont aussi fait part de leur incompréhension face à la suspension des messes publiques…
Dans ce climat globalement à la paix aujourd’hui, il y a néanmoins un vrai trouble vis à vis d’une situation déstabilisante, d’une tentation de dérangement aussi bien des animateurs des paroisses, que des prêtres eux-mêmes de devoir à nouveau suspendre ce qu’ils avaient laborieusement remis en route. Et malgré tout ce qui est fait pour accueillir les fidèles dans les églises, nous constatons un trouble qui se manifeste chez certains par de la colère du fait de ne pas pouvoir avoir accès à l’eucharistie. Ce sentiment de ras le bol s’exprime, à Versailles comme ailleurs, par des manifestations comme celles sur la voie publique qui se préparent pour le week-end qui vient. Sur ce fond de mobilisation spirituelle, de vie spirituelle réelle, il y a en effet aussi du trouble, de la souffrance et même de la colère.


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Quel regard portez-vous sur cette mobilisation ?
J’ai appris incidemment par les réseaux sociaux la première manifestation qui s’est organisée dimanche 8 novembre devant la cathédrale de Versailles sans du tout savoir encore qui était derrière, quels étaient les tenants et les aboutissants. Je suis évidemment allé à la rencontre des manifestants pour échanger avec eux. Notre responsabilité de pasteur est de les accompagner, sans absolutiser leur démarche et sans perdre de vue qu’au sein même de nos communautés, d’autres ont une toute autre manière d’apprécier la situation et même une autre manière d’exprimer leurs insatisfactions. Il y a plein de débats autour de ces manifestations : il y a non seulement le débat de savoir s’il faut ou pas réclamer la messe, mais aussi le débat de savoir si une manifestation de rue est la bonne manière de la réclamer. Tous ces débats sont objectivement très sains, c’est le signe d’un corps qui vit et qui vit en citoyen dans la société avec les outils que la société lui offre. En tant qu’évêque notre responsabilité n’est certainement pas de canoniser une expression ou une autre mais d’avoir le souci de garder le lien avec tout le monde.

Dès l’annonce du reconfinement le diocèse de Versailles a partagé un rite bref pour communier sans aller à la messe. Vous avez été rapide !
Dès le premier confinement la question s’était posée. Nous avions bien repéré que l’existence de ce rite fondait la possibilité de distribuer la communion dès lors que la participation physique à la célébration de l’eucharistie était empêchée. Maintenant, il ne nous a pas semblé pastoralement nécessaire de le mettre en œuvre lors du premier confinement dans la mesure où on l’abordait comme une simple parenthèse. Dès lors que nous avons été obligés d’aborder les choses d’un point de vue plus structurel, l’évêque de Versailles, Mgr Aumonier, après en avoir discuté avec son conseil épiscopal, a décidé d’ouvrir aux curés la possibilité de mettre en œuvre cette possibilité de distribution de l’eucharistie en-dehors de la messe dans leurs églises à la faveur de l’accueil individuel des fidèles.

Les prêtres doivent réfléchir à l’opportunité même de proposer la communion pour ne pas tomber dans une forme de distribution à la chaine de l’eucharistie qui serait une forme de dévoiement du rituel.

Comment les prêtres ont-ils ou vont-ils le mettre en place ?
C’est tout un travail de discernement. À chaque curé d’apprécier les choses en fonction de sa situation paroissiale : la taille des assemblées dans notre diocèse va de un à dix. Les choses ne se présentent donc pas de la même manière selon que vous devez accueillir une dizaine ou quelques centaines de fidèles. Il y a aussi évidemment une réflexion à mener par les prêtres sur l’opportunité même de proposer ce geste pour ne pas tomber dans une forme de distribution à la chaine de l’eucharistie qui serait une forme de dévoiement du rituel.

Concrètement, quels conseils donneriez-vous ?
Les prêtres sont amenés à assurer de longues plages de présence dans leur église afin de pouvoir accueillir un flux de passage établi au maximum dans le temps. C’est onéreux pour eux, cela leur demande beaucoup d’engagement, de présence, mais les échos sont très bons. Les prêtres du diocèse qui l’ont mis en place constatent beaucoup d’intériorité, de profondeur ainsi que des grâces de paix liés à cette pratique. C’est probablement une manière de répondre aux troubles, la tristesse le découragement de nombreux pratiquants parce qu’on fond c’est une manière de manifester la sollicitude et la proximité du Christ à ces gens.




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Un point de vigilance que les prêtres doivent avoir à l’esprit est que l’Église a d’abord institué cette possibilité de communier en dehors de la messe au bénéfice des malades et des personnes qui ne peuvent pas sortir de chez elles. On demande donc vraiment aux prêtres de rester vigilants à ce que la réponse à la demande de communion venant de gens désirant venir communier à l’église ne les empêche pas d’être indisponible pour se rendre au chevet des malades. La priorité demeure les malades, ceux qui ne peuvent pas sortir de chez eux.

Est-il possible de distribuer la communion en dehors de la messe autrement ?
Il faut bien évidemment innover un peu. Notre démarche n’est pas de dire « nous appliquerons le rituel comme il est prévu » mais « ce rituel fonde la possibilité de développer de nouvelles manières de faire ». C’est comme cela que nous procédons et c’est ainsi, par exemple, que pour ce qui est de la dimension communautaire de l’écoute de la Parole prescrite par le rituel, un certain nombre de paroisses ont mises en place de petits feuillets, présentant la lecture du dimanche avec un commentaire du curé. Les gens qui se rendent à l’église pour leur temps personnel de prière prient eux-mêmes avec ce feuillet. Si ce temps n’est pas animé par le prêtre, le fait que ce soit le feuillet paroissial, qu’ils prient tous ensemble avec le même avant d’aller rencontrer le prêtre pour communier, donne néanmoins, même si c’est un moment personnel de prière, une dimension communautaire.


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Il est par ailleurs très important, quels que soient les moyens mis en œuvre, de ne pas séparer la communion de la célébration. C’est un autre point de vigilance qui doit être gardé dans toutes les mises en œuvre que l’on peut faire ces jours-ci. Nous avons ainsi demandé aux paroisses que ces temps d’accueil pour donner la communion à ceux qui la demandent ne commencent pas avant que la messe ait été célébrée sur la paroisse. Il s’agit vraiment de développer une forme d’intelligence de l’eucharistie sans désarticuler les choses. Ce lien entre communion et célébration ne se pose pas en temps ordinaire quand quelqu’un vient assister à la messe. A partir du moment où cela n’est pas possible il ne s’agit pas de délier les deux mais de s’interroger sur comment est-ce que nous pouvons maintenir ce lien.

Que conseillez-vous aux fidèles ?
On incite les fidèles, connaissant l’heure à laquelle leur prêtre célèbre la messe, à s’unir spirituellement à cette célébration depuis chez eux. Nous les encourageons à avoir un temps de prière à la maison, cela peut être par une célébration de la Parole, à avoir une unité de cœur, de désir avec cette célébration avant qu’ils ne se rendent à l’église pour communier. Cette union à la célébration peut également se vivre par le fait de suivre les messes retransmises en direct. D’une manière ou d’une autre, chacun doit garder ce lien entre une célébration par laquelle il s’unit même s’il est physiquement empêché et l’acte de venir communier.

Communier est-il plus important qu’assister à la messe ?
Le plus important pour un catholique est de vivre en communion avec le Christ. Le Christ est réellement présent dans son eucharistie. Mais comme le disait déjà saint Paul VI, il n’est pas exclusivement présent dans son eucharistie. On ne peut pas dire qu’il soit plus essentiel de communier que de vivre la charité, surtout dans les moments que nous sommes en train de vivre. Mais ce qui est incontestable est que c’est dans l’eucharistie que nous puisons la force de vivre la charité. Comme le dit le pape François à propos de l’écologie : tout est lié. Ce « Tout est lié » qui a si bien été reçu par le peuple de Dieu jusqu’à devenir une phrase de slogan et un effet de mode, peut être une grâce dans les débats que nous avons actuellement et nous permettre de redécouvrir qu’il vaut aussi dans notre vie chrétienne. Il ne s’agit pas d’opposer ceux qui réclament la messe à ceux qui disent que le plus important ce n’est pas la messe mais de s’occuper de ceux qui sont en difficulté à cause du confinement, il s’agit de comprendre que tout est lié. C’est d’ailleurs bien l’approche des évêques car dans leur demande au gouvernement, dès l’annonce du confinement, ils ont demandé sur le même plan de pouvoir maintenir le service des malades dans les hôpitaux ainsi que l’eucharistie le dimanche. Il ne s’agit pas d’opposer l’un et l’autre mais de lier l’un à l’autre.




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CommunionCovidEucharistieMesse
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