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Le vitrail, un aspect méconnu de l’art de Maurice Denis

Maurice Denis la vierge au baiser

© Julian Kumar / Godong

Caroline Becker - publié le 06/11/20

Peintre chrétien qui a œuvré avec force pour le renouveau de l’art religieux au XXe siècle, Maurice Denis est essentiellement connu pour sa production picturale. Pourtant, il a aussi oeuvré toute sa vie pour un autre art qu’il mettait sur le même pied d’égalité que la peinture : l’art du vitrail. Méconnu, cet aspect de son œuvre contribue pourtant à comprendre davantage le croyant qu’il était mais aussi l’artiste qu’il a toujours voulu être. Un artiste d’avant-garde au service de l’Église et de la foi.

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« Oui, il faut que je sois peintre chrétien, que je célèbre tous les miracles du christianisme, je sens qu’il le faut », écrivait Maurice Denis dans son Journal. Il avait alors seulement 15 ans. Cette vocation incoercible, elle ne l’a jamais quittée, comme en témoigne son œuvre prolifique tournée autour de la vie du Christ. 

Mais son amour pour l’art religieux ne se cantonnera pas à la peinture ou aux décors monumentaux, son art de prédilection. Très jeune, Maurice Denis porte une admiration sans borne pour un autre art où les couleurs sont exaltées par la lumière : le vitrail. Un aspect méconnu de son œuvre alors qu’il est intervenu dans la réalisation de près de 70 verrières et a eu, par ses prises de position en la matière, une influence considérable sur les peintres-verriers de son temps. « Les vitraux de Maurice Denis sont très peu étudiés », déplore Fabienne Stahl, spécialiste de l’artiste en charge de la valorisation des collections du musée départemental Maurice Denis (Yvelines). « Il reste encore beaucoup de vitraux de l’artiste non répertoriés en France et il n’est pas rare de tomber sur une de ses œuvres par hasard. »

« Le bleu de l’arbre de Jessé de Chartres est comme une aube qui se lève sur l’art chrétien. » Maurice Denis

Admiratif de l’art verrier du Moyen Âge, Maurice Denis ressent ses premiers émois lors de ses balades dans les plus belles cathédrales de France : « Le bleu de l’arbre de Jessé de Chartres est comme une aube qui se lève sur l’art chrétien », écrit-il en 1939 dans son Histoire de l’art religieux.

C’est à tout juste 24 ans qu’il entreprend ses premiers vitraux. Répondant d’abord à des commandes profanes destinées à des commanditaires privés, il faut attendre 1901 pour admirer sa première commande religieuse. Celle-ci sera destinée à l’église Sainte-Marguerite du Vésinet. Dans cette chapelle, Maurice Denis réalise le décor mural du déambulatoire et des deux chapelles du chœur et y exécute les cartons de dix vitraux. En proie aux flammes en 2009, l’église a malheureusement perdu plusieurs vitraux dans l’incendie. Jésus guérissant les malades, qui a explosé dans la fournaise, a pu être recréer grâce à des relevés et des photographies.

À la découverte de la lumière

Au fil de ses expériences, la technique de Maurice Denis évolue tout autant que sa démarche spirituelle. Attaché au début au cloisonnisme de Gauguin, il finit par s’en détacher peu à peu. « Très vite, il passe des aplats de couleurs et des lignes sinueuses du réseau de plombs à une conception plus spirituelle du vitrail », explique Fabienne Stahl. Maurice Denis veut désormais travailler davantage la lumière, « le personnage principal » du vitrail et produire les couleurs au moyen de la grisaille. « Une pratique qui lui permet de retrouver l’équivalent “moderne” de la mosaïque de verres colorés des vitraux de Chartres ». 

« Je suis arrivé en somme à cette idée, que le vitrail représente la lutte des ténèbres et de la lumière. » Maurice Denis

Ces évolutions, il les doit aux maîtres verriers avec qui il collabore sur chacun de ses projets. Heureux d’apprendre, Maurice Denis n’hésite d’ailleurs pas à leur laisser une liberté dans l’interprétation de ses cartons. C’est auprès d’eux qu’il affine son goût pour les jeux de lumière et améliore sa technique. « Je suis arrivé en somme à cette idée, que le vitrail représente la lutte des ténèbres et de la lumière », écrit-il dans le Courrier de Genève du 7 octobre 1923, l’occasion pour lui d’exprimer sa reconnaissance à tous ces maîtres-verriers : « C’est à Genève que j’ai appris ce que doit être un vitrail, j’entends un vitrail moderne et en même temps conforme à la tradition des maîtres verriers d’autrefois. C’est aussi à Genève, dans l’atelier de Marcel Poncet que j’ai appris comment on fait un vitrail ».


Le vitrail du Millénaire de la cathédrale Notre-Dame (Strasbourg), Véronique Ellena artiste plasticienne et Pierre-Alain Parrot vitrailliste, 2015

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Un apprentissage qui trouve son apogée dans l’église du Raincy (1922), la « Sainte Chapelle du béton armé », d’Auguste Perret, où l’artiste réalise dix vitraux en collaboration avec la vitrailliste Marguerité Huré. Une verrière attire davantage l’attention. Elle commémore le départ, en 1914, des taxis de la Marne en direction de la bataille de l’Ourcq. Maurice Denis consacre beaucoup d’énergie à celle-ci, symbole de l’hommage de l’Église aux victimes de la Grande Guerre.

vitrail de maurice denis
Binche, CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons

Parmi sa riche production, Le Chemin de la vie, réalisé pour le baron Denys Cochin à l’occasion de la première communion de ses deux filles aînées mérite qu’on s’y attarde. Symbole de la marche vers le Paradis, le thème du « chemin » est un sujet omniprésent chez Maurice Denis. En résulte une magnifique composition, douce et méditative, exécutée en étroite collaboration avec le verrier Henri Carot. Le vitrail présente Françoise et Madeleine Cochin, vêtues de bleu, au bord d’un sentier sinueux bordé de symboles illustrant l’existence terrestre. Au sommet de la verrière, le chemin conduit au Paradis, baigné de grands rayons de soleil et peuplé de figures blanches en contemplation, presque irréelles, symboles des « âmes ». Un vitrail que le baron installera dans son bureau personnel près des peintures illustrant la Légende de saint Hubert également exécutées par l’artiste.

Le Chemin de la vie.
© Denis Krieger
Le Chemin de la vie.

Il y aurait encore beaucoup d’œuvres de Maurice Denis à évoquer. Pour Fabienne Stahl, le vitrail central, celui qui représente le mieux l’artiste, se trouve à Saint-Germain-en Laye. En 1915, Maurice Denis achète un ancien hôpital — qui abrite aujourd’hui le musée Maurice Denis — pour en faire sa résidence principale, et entreprend de restaurer et décorer la chapelle attenante qu’il nommera la « chapelle du Prieuré ». Peintures, vitraux, objets de culte… aidé par les Ateliers d’Art Sacré l’artiste imagine un ensemble homogène et harmonieux.

En hauteur, presque caché, le vitrail de la « Vierge au baiser » est sans doute l’œuvre la plus personnelle et intime de l’artiste. Pour dessiner la Vierge et l’Enfant-Jésus, il s’inspire directement des visages de sa femme et de son fils. Marthe, qu’il avait épousée en premières noces, décède en 1919 après plusieurs années d’une longue maladie.

Vierge au baiser de Maurice Denis
© Julian Kumar / Godong

« Ce thème de la Vierge au baiser, il l’a expérimenté plusieurs fois au cours de sa vie », explique la spécialiste. Au premier plan, alors que la Vierge piétine le serpent — entourée d’Adam et Eve chassés du Paradis — on aperçoit, en arrière plan, la scène de l’Annonciation. Ces deux scènes, placées chacune à une extrémité du vitrail, se rejoignent grâce à un long chemin sinueux. C’est le fameux « chemin de la vie », si cher à Maurice Denis, qui évoque le chemin de la vie terrestre, celui là même qui doit mener à la vie éternelle. Une vie éternelle promise par la naissance du Christ symbolisée par l’Annonciation. « Toute la force de ce vitrail est la réflexion théologique qui se cache derrière cette composition », confie Fabienne Stahl qui porte une affection toute particulière à cette œuvre. 

« Nos cathédrales ne sont vivantes qu’autant que la piété de chaque siècle leur apporte témoignage. » Maurice Denis

Reconnu de son vivant pour son art du vitrail, Maurice Denis aura marqué ses contemporains. À la croisée des chemins entre le vitrail figuratif et abstrait, il a su proposer un vitrail moderne tout en respectant les traditions auxquelles il était extrêmement attaché. Sa tribune, publiée dans le Figaro littéraire en 1938, pour défendre la pose de vitraux modernes à Notre-Dame de Paris, montre son profond attachement à l’art médiéval mais aussi sa volonté de faire vivre les sanctuaires en y faisant entrer l’art de son temps : « N’est-il pas évident que ces jeunes se sont inspirés de Chartres, qu’ils n’ont voulu qu’inscrire des formes simples dans une somptueuse mosaïque de verres colorés ? L’essentiel est qu’une parure nouvelle est offerte à Notre-Dame par les verriers d’aujourd’hui et qu’elle y met de la lumière et de la vie : offrande juvénile du présent au passé. Nos cathédrales ne sont vivantes qu’autant que la piété de chaque siècle leur apporte témoignage. Elles ne sont pas les musées d’une époque révolue, ni des pièces d’archéologie. »

Pour découvrir d’autres vitraux de Maurice Denis, cliquez sur le diaporama :




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Tags:
ArtsChartresPatrimoinevitrail
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