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Xavier Emmanuelli : “Le Christ est dans mon cœur”

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Marzena Devoud - publié le 14/10/20
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Médecin, homme politique engagé auprès des personnes les plus démunies, Xavier Emmanuelli se confie à Aleteia sur les enjeux de la société actuelle, son cheminement spirituel et son lien très personnel avec le Christ. Médecin urgentiste, Xavier Emmanuelli est un homme engagé depuis toujours auprès des personnes les plus démunies. Fondateur du Samu social de la ville de Paris en 1993, puis du Samu social International en 1998, il a été secrétaire d’État chargé de l’Action humanitaire d’urgence dans le gouvernement d’Alain Juppé, également le responsable du réseau national Souffrance psychique et précarité créé en avril 1998 ou encore le président du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées pendant de longues années. La liste de toutes les actions du docteur Emmanuelli est impressionnante, mais ce qui frappe le plus, c’est leur moteur commun : une vision de la société nourrie par une recherche de Dieu continue et une intuition que c’est par la transcendance que l’on répond aux besoins de tous les hommes, en commençant par ceux qui sont les plus démunis. Un exemple de plus avec sa nouvelle action face à la pandémie du coronavirus : le téléphone d’écoute SOS Crise. Entretien.

Aleteia : Vous avez créé “SOS Crise”, un numéro gratuit d’écoute et d’information face à la pandémie Covid-19. Pourquoi l’avoir crée ?
Xavier Emmanuelli : Je l’ai crée en mars, au moment du confinement qui nous privait du bistrot d’en face, des échanges de la vie de tous les jours, ceux où on se rassure, où on se raconte. De l’histoire connue de l’humanité, c’était la première fois que les gens étaient interdits de sortir de chez eux, qu’ils étaient emprisonnés sur leur lieu d’existence. Si un tel événement était survenu au XIXe siècle, il aurait eu d’autres conséquences. Aujourd’hui, Internet, les réseaux sociaux, le téléphone nous offrent des possibilités d’échange, ils nous apportent des solutions pour rester en contact les uns avec les autres. Les personnes qui nous appellent, ce sont souvent celles qui n’ont pas les ressources psychiques pour surmonter leur angoisses. C’est pour elles que nous avons créé ce téléphone, en particulier pour ceux qui sont isolés et qui n’utilisent pas internet.

Comment ce téléphone peut aider particulièrement ceux qui sont angoissés par la crise actuelle ?
Il est organisé en trois niveaux. Le premier, c’est l’écoute immédiate, sans attendre en ligne : l’appel est pris tout de suite, c’est essentiel. L’opérateur que nous avons formé sait accueillir la personne en lui disant qu’il attendait son appel, qu’il est le bienvenu et qu’il est à son écoute. Très vite, on envoie l’appel à un deuxième niveau : celui de la conversation, où des psychologues, des médecins retraités interviennent. S’ils sont tous bénévoles, nous les avons formés à ces appels. Il est important de laisser les personnes parler, avec leurs mots à eux. Il s’agit de créer une tribune, comme celle du café d’en face. Cette conversation dure une quinzaine de minutes. Et là, en fonction de ce qui a été entendu, on passe au troisième niveau, celui de la cellule d’urgence médico-psycho-sociale, le Samu, SOS médecins et le CMP (Centre Médico-Psychologique, ndrl). Nous avons crée une carte de tous les centres existants en France dans le domaine médico-social, une chose qui n’avait jamais été faite jusqu’à présent.

Que recherchent les personnes qui vous appellent ?
Toutes les questions liées à la distanciation sociale, la quarantaine, les masques… de vrais sujets d’angoisses, d’autant plus mortifères que l’épidémie est toujours en cours. Les personnes qui appellent ne savent pas qui est vraiment concerné, quelles tranches d’âge sont les plus touchées par telles ou telles restrictions. À partir de quel âge on est assez vieux pour être dans la mauvaise tranche ?

Je suis frappé à quel point les gens sont déconcertés (…) Face à toutes ces angoisses, ils ont besoin d’avoir d’autres personnes en face d’elles, pas que des institutions.

Les masques, quand va-t-on les retirer ? Je suis frappé à quel point les gens sont déconcertés : si je retire mon masque, je suis un danger pour les autres et je suis en danger des autres. Nous avons en face de nous une épidémie qui, par définition, est dynamique. Le virus a voyagé, il a fait des aller-retour entre des pays, il s’est modifié, il y a eu des variantes qui n’ont pas le même impact, même si on en sait encore très peu de choses. Je pense que ce numéro d’écoute est nécessaire. En temps de crise face à toutes ces angoisses, les gens ont besoin d’avoir d’autres personnes en face d’elles, pas que des institutions. Des semblables, des êtres de chair qui sont dans le même cheminement qu’elles.

Toute ma vie j’ai cherché Dieu (…) Mais au fur et à mesure du temps, j’ai compris que la réponse ne venait pas de l’extérieur, mais de l’intérieur.

Médecin, homme politique… et chrétien. Comment la foi vous inspire dans tout ce que vous entreprenez ?
Toute ma vie j’ai cherché Dieu. Toutes les choses que j’ai essayé de faire, toutes mes tentatives touchaient à l’idée de la communion des saints. J’ai cherché à adhérer à cette communion. Jeune, j’avais la foi, j’étais disponible. J’ai toujours pensé que je pourrai m’épanouir au sein d’un groupe fraternel. Mais au fur et à mesure du temps, j’ai compris que la réponse par rapport à Dieu ne venait pas de l’extérieur, mais de l’intérieur. À ce moment-là, j’ai renoué avec la foi, elle est redevenue une nécessité pour moi. 


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Est-elle devenue une évidence, une grâce ?
Elle avait toujours été en bruit de fond. Mais dans la vie, on “laisse parler” ou on “ne laisse pas parler”… Dans cette mesure, je crois que tout le monde est croyant car tout le monde revendique sa dignité. Et pour moi, cette dignité touche à la présence du Christ qui est en nous.

La foi est pour moi tout d’abord une grâce qu’il faut reconnaître en soi. Vous êtes croyante, moi aussi. Je vous dirai alors à vous que le Christ est dans mon cœur.

La foi est pour moi tout d’abord une grâce qu’il faut reconnaître en soi. Vous êtes croyante, moi aussi. Je vous dirai alors à vous que le Christ est dans mon cœur. Mes gestes de médecin ou de politique sont laïcs, rationnels et cartésiens. Les élans que j’ai pour l’autre viennent d’une compassion – qui m’a été transmise par mon père médecin. Voir quelqu’un de fragile, malade ou malheureux me bouleverse comme de voir un enfant, une personne âgée empêtrée dans les infirmités. J’ai de la compassion et une souffrance avec. Loin d’être un chrétien de tous les jours, je suis loyal.

Vous évoquez la loyauté envers le Christ ?
Dans ma jeunesse j’étais abreuvé d’images de sauveteurs, de héros, comme Arthur Kessler, Eugène Jamot, Saint-Exupéry, Trotski ou encore Pasteur… Aujourd’hui, ce qui compte le plus, c’est de viser plus haut que les tentations tumultueuses et souvent boueuses de ce monde, il faut aller dans les pas de Jésus-Christ en pratiquant l’humilité. Du haut de mes 82 ans, alors que je ne le savais pas à l’époque, je vois qu’il m’est arrivé d’être le serviteur de la Providence. J’étais un instrument, une ressource que les gens trouvaient sur leur chemin. C’est une immense joie de comprendre que j’ai été façonné et aidé pour rendre service. Plus jeune, je pensais mener une aventure un peu grandiose, celle d’un médecin et d’un réanimateur, un aventurier sur les routes… Je croyais à l’époque à tous ces clichés ! Et finalement, plus profondément, il y avait une autre histoire qui se disait. C’est pour cela que je peux le dire maintenant, à mon âge, sans coquetterie. Je ne suis personne, je n’ai été, par moments, qu’un petit serviteur. Je peux le dire maintenant, à l’époque je ne pouvais pas le savoir… Dieu ne publie pas à l’avance ses stratégies ! 


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