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Prier avec les défunts, est-ce bien chrétien ?

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© José Luiz Bernardes Ribeiro / CC BY-SA 4.0

Jacques Perrier - publié le 19/06/20

Dès la première Église et même auparavant en Israël, on s’est adressé aux défunts comme à des vivants auprès de Dieu : dans la communion des saints, nous prions pour eux et ils prient pour nous car nous avons le souci les uns des autres. C’est dans cette charité que la prière des saints prend tout son sens.

La prière pour les autres est une des formes de la charité fraternelle : Jésus en donne l’exemple et on retrouve cet usage dans toute la liturgie des Églises. Jésus prie pour Pierre “afin que sa foi ne défaille pas”. Dans le Sermon sur la Montagne, il donne ce commandement : “Aimez vos ennemis, priez pour vos persécuteurs” (Mt 5,44). L’amour et la prière sont donc liés. Le chapitre 17 de l’évangile de Jean est appelé “prière sacerdotale”, parce que Jésus ne prie pas seulement pour lui-même (“Père, glorifie ton Fils”), mais aussi pour ses disciples, “ceux que tu m’as donnés” (Jn 17,9). À l’imitation du Notre Père, les prières liturgiques s’expriment toujours au pluriel : priant ensemble, nous prions les uns pour les autres.

Prier les uns pour les autres : un devoir de charité

Dans presque toutes ses lettres, saint Paul assure ses correspondants de sa prière, où se rencontrent l’action de grâce et l’intercession : qu’ils deviennent parfaits, que grandisse leur charité. Dans l’épître aux Romains, au cœur des trois chapitres qu’il consacre au mystère d’Israël, Paul écrit : “L’élan de mon cœur et ma prière à Dieu pour eux, c’est qu’ils soient sauvés” (Rm 10,1). Il demande que l’on prie pour lui. Les communautés prient les unes pour les autres. Ainsi la prière des Églises de Macédoine pour celle de Corinthe “manifeste la tendresse qu’ils vous portent” (2 Co 9,14). La première épître à Timothée élargit encore l’horizon : “Qu’on fasse des demandes, des prières, des supplications, des actions de grâce pour tous les hommes” (1 Tm 2,1), en particulier pour ceux qui exercent l’autorité, afin que chacun puisse vivre dans la dignité et la paix.


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Prier pour les défunts

Cette communion dans la prière franchit les frontières de la mort. Sinon, quel sens aurait la prière pour les défunts, déjà attestée dans le judaïsme peu avant l’ère chrétienne ? Il ne faut cependant pas confondre communion et communication. L’Ancien Testament interdit vigoureusement d’invoquer les morts : Saül pécha gravement en demandant à une sorcière d’invoquer pour lui l’esprit du prophète Samuel (1 S, 28). Cet interdit demeure et l’Église considère ce genre de pratiques comme des pièges sataniques.

La charité comporte de prier pour ceux qui en ont besoin”

La mort est une séparation : il faut faire le deuil de celui qui est parti. Mais la séparation n’est pas le néant. Créé à l’image et ressemblance de Dieu, l’Éternel, la source de l’Être et de la Vie, l’homme ne peut pas disparaître comme s’il n’avait jamais existé. En Dieu notre Créateur et notre Père, dans le Fils qui s’est fait homme, les êtres humains de tous les temps constituent une famille. “Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, non des morts mais des vivants”, dit Jésus, parlant de la résurrection (Mt 22, 22-23) : s’ils se relèvent, s’ils se réveillent, c’est qu’ils n’ont pas fini d’exister, morts à nos yeux, mais pas à ceux de Dieu.

La théologie traditionnelle parle de l’Église triomphante (au “ciel”), souffrante (en “purgatoire”) et militante (en pèlerinage sur terre). “Tous, cependant, à des degrés divers et sous des formes diverses, nous communions dans la même charité envers Dieu et envers le prochain” (Concile Vatican II, Constitution sur l’Église, n° 49). Or la charité comporte de prier pour ceux qui en ont besoin.


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Compter sur la prière des défunts

Nous pouvons compter sur les défunts, surtout s’ils sont en présence du Père : c’est l’enseignement constant de l’Église et sa prière dans la liturgie. Aussi bien en Orient qu’en Occident, ceux qui sont près du Père sont non seulement nommés, mais invoqués dans la prière eucharistique. La plus ancienne, le “Canon romain”, après une liste de saints commençant par la Vierge, saint Joseph et les apôtres, s’adresse à Dieu en ces termes : “Accorde-nous, par leur prière et leurs mérites, d’être toujours et partout, forts de ton secours et de ta protection”. La troisième prière eucharistique dit que les défunts “ne cessent d’intercéder pour nous”.

L’Église prie pour que les saints “veillent sur nous”

Parmi les défunts, il y a les saints. La première préface pour les messes en l’honneur des saints nous les présente sous le triple aspect de “modèle”, de “famille” et “d’appui”. Ils sont “modèles” par leur “vie”, une “famille” par la “communion avec eux”, mais aussi un “appui” par leur  “intercession”. La mention de l’intercession des saints dans cette préface est d’autant plus intéressante que le texte, inspiré de saint Augustin, commence par dire que Dieu, en “couronnant leurs mérites, couronne ses propres dons”. Le monde n’ajoute rien à Dieu qui est la plénitude et sans qui ce monde tomberait en poussière. Et pourtant, ce monde existe et Dieu s’en réjouit : il vit que “cela était très bon”. De même, l’intercession des saints n’ajoute rien à la médiation plénière de Jésus-Christ : nous en bénéficions, mais nous sommes aussi appelés à y participer et à la relayer.

Quand l’Église fête un saint pasteur (pape, évêque ou prêtre), elle remercie Dieu de nous “encourager” par son “exemple”, de nous “éclairer” par son “enseignement”, mais aussi de “veiller sur nous”, “à sa prière”. Ces textes liturgiques sont importants, car ils n’expriment pas une opinion théologique particulière : dans sa liturgie, l’Église exprime sa foi. Ainsi la litanie des saints, dont chaque invocation se termine par les mots “priez pour nous”, n’est pas seulement une dévotion privée. Elle est utilisée dans les rites majeurs, tels que les baptêmes, les ordinations, la vigile pascale, la dédicace d’une église, etc.

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Fred de Noyelle / Godong

Le cas éminent de Marie

Un cas éminent, s’agissant de l’intercession des saints, est celui de Marie dont l’intercession efficace est reconnue dans la prière et la vie de l’Église : “Sainte Marie, priez pour nous”. L’antienne à la Vierge la plus connue, le Salve regina, l’appelle “notre avocate”. Sur la Croix, en nous la donnant pour Mère, Jésus l’instituait dans cette fonction : quelle mère n’essaie de plaider pour ses enfants ? Le catholique sait bien que Marie n’est pas la source de la grâce. Elle est “pleine de grâce”, elle est le chef d’œuvre de la grâce. Mais la grâce elle-même nous est venue par Jésus-Christ (Jn 1,17), elle s’identifie à Jésus-Christ (2 Co 13,13).

Le plus marial de tous les auteurs, saint Bernard, dit de Marie qu’elle est “l’aqueduc”, non la source. Malgré des demandes insistantes, le Magistère de l’Église catholique n’a pas voulu jusqu’à ce jour, donner à Marie le titre de “médiatrice”, dans un sens dogmatique qui semblerait contredire le mot de saint Paul : “Un seul médiateur entre Dieu et les hommes” (1 Tm 2, 5). À la Salutation angélique (Ave Maria, gratia plena), le Moyen-Âge a ajouté la demande d’intercession, identique à celle de la litanie des saints : “Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous…” La formule situe bien Marie dans sa position d’avocate et non de juge. Par la prière, nous renforçons notre communion avec elle, tournés, elle et nous, vers l’unique Seigneur.


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Au Ciel, Dieu n’est pas seul

Au ciel, la prière continue, car si Dieu est unique, il n’est pas solitaire. L’Écriture nous le montre entouré de créatures célestes, même si elle se montre discrète à cet égard. Quand Dieu apparaît au prophète Isaïe, celui-ci entend les séraphins “se criant l’un à l’autre” : “Saint, saint, saint…” Dans la célébration de la messe, à la fin de la préface, nous nous joignons à leur louange : “Avec les anges et les archanges, avec les puissances d’en haut et tous les esprits bienheureux, nous chantons…”

Le Christ nous associe à son intercession, sur la terre, notamment en célébrant l’Eucharistie, et au ciel grâce aux prières placées “sur l’autel d’or placé devant le Trône”, comme disait l’Apocalypse”.

Le visionnaire de l’Apocalypse est plus prolixe. Il entend la voix d’une “multitude d’anges : ils se comptaient par myriades de myriades et par milliers de milliers” (5,11). Mais, avant cela, il a vu dans le ciel quatre Vivants et vingt-quatre vieillards “tenant chacun une harpe et des coupes d’or pleines de parfums, les prières des saints” (5,8). La vision se reproduit, un peu différente : un ange reçoit “beaucoup de parfums pour qu’il les offre, avec les prières de tous les saints, sur l’autel d’or placé devant le Trône… La fumée des parfums s’éleva devant Dieu, avec les prières des saints” (8,3-4) : prières de louange assurément, mais aussi d’intercession puisque le Christ ressuscité et l’Esprit Saint lui-même “intercèdent” pour nous, selon saint Paul (Rm 8, 26,34) et l’épître aux Hébreux (7,25). “Si quelqu’un vient à pécher, nous avons comme avocat auprès du Père Jésus-Christ, le Juste”, ajoute saint Jean (1 Jn 2,1).

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© DR
Les anges de l'Apocalypse par François Peltier.

Le Christ a intercédé pour nous, une fois pour toutes. Mais il nous associe à son offrande. Il nous associe à son intercession, sur la terre, notamment en célébrant l’Eucharistie, et au ciel grâce aux prières placées “sur l’autel d’or placé devant le Trône”, comme disait l’Apocalypse. L’histoire et le témoignage des saints attestent de cette pratique constante qui souligne que le Christ a voulu associer les hommes à la construction de son Église.

La prière des martyrs

Dès les premiers siècles, les chrétiens ont aimé venir prier et célébrer l’Eucharistie sur les tombes des martyrs. Il ne s’agissait pas de prier pour eux, puisque leur témoignage de foi jusqu’à la mort garantissait que le Christ les avait pris avec lui. Au contraire, en allant sur leur tombe, les chrétiens manifestaient qu’ils comptaient sur eux pour présenter leur offrande au Seigneur. Nous savons bien que le Seigneur est proche de chacun. Mais, conscients de notre indignité, nous sommes heureux de pouvoir nous recommander de ceux qui sont allés jusqu’au bout du sacrifice. À défaut d’aller sur la tombe des martyrs, les chrétiens ont aimé incorporer des reliques de saints dans les tables d’autel.

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Reliques de saint Thomas d'Aquin.

Dès les premiers siècles, des ex voto implorent l’intercession de tel ou tel saint, ou rendent grâce pour l’aboutissement de la prière qui leur était adressée. Ainsi à Rome pour les apôtres Pierre et Paul. Quand un Serviteur de Dieu est canonisé, il faut, en plus de son degré héroïque de vertu, que puisse être attribuée à sa prière telle ou telle guérison miraculeuse. Les saints ont souvent assuré que la mort ne les empêcherait pas d’obtenir des grâces pour ceux qu’ils laissaient sur terre. À ce sujet, le Catéchisme de l’Église catholique (n° 954-959 ; 968-970 ; 2683) cite notamment deux témoignages. Ainsi, saint Dominique : “Ne pleurez pas, je vous serai plus utile après ma mort et je vous aiderai plus efficacement que pendant ma vie”, et sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus : “Je passerai mon ciel à faire du bien sur la terre”.

Le Christ a voulu s’associer l’œuvre des hommes

Évidemment, les déformations sont possibles dans le culte des saints : les saints ne doivent pas masquer celui qui est “le Saint de Dieu”, alors qu’eux-mêmes n’ont voulu vivre que de lui. Mais, à l’inverse, refuser aux saints la possibilité d’être nos intercesseurs, c’est oublier que le Christ a voulu associer les hommes à la construction de son Église.


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